De nombreux débats sur la définition et l'utilité de la géopolitique dans les blogs ces jours-ci : "La géopolitique, c'est quoi ?" sur le blog Nihil novi sub sole (billet du 20 février 2009), "Géo-politique ?" sur le blog Rhin Danube Oder (billet du 8 mars 2009). Olivier Kempf, par ses commentaires et son billet "De la différence entre géopolitique et relations internationales" (9 mars 2009) donne de nombreuses pistes de réflexion sur les spécificités de la géopolitique. La réponse de Joseph Henrotin dans son billet "Sur la géopolitique" permet de confronter le regard des relations internationales et des sciences politiques dansce débat. D'ailleurs ce débat reflète avant tout la complémentarité des approches et le danger d'un éventuel cloisonnement disciplinaire.
Sans entrer dans le débat qui différencie deux courants de pensée au sein de la géographie entre géographie politique et géopolitique (à ce propos, on retrouvera l'ouvrage de Stéphane Rosière : Géographie politique & Géopolitique. Une grammaire de l'espace politique, notamment son introduction, ainsi l'article de Paul Claval : "Géographie politique, géopolitique et géostratégie. Quelques réflexions"), voici quelques mots pour "défendre" la place et l'utilité de la géopolitique dans la sphère des études du politique et des relations internationales. Comme le rappelle François Duran sur son blog Théâtre d'opérations, la géopolitique a longtemps souffert d'une mauvaise réputation, en tant que discipline utilisée et manipulée par des hommes politiques à des fins idéologiques et expansionnistes, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. Néanmoins, cett mauvaise image est aujourd'hui dépassée, notamment sous l'impulsion des géographes français tels qu'Yves Lacoste, Paul Claval... qui ont participé à lui redonner une place dans les sciences humaines.
Pourquoi la géographie dans l'étude des tensions ?
Partons de la définition de la géopolitique vue par le géographe Yves Lacoste : analyse des rivalités de pouvoir sur des territoires, qui tient compte des représentations contradictoires dont ces logiques de rivalités sont l'objet, et de leurs diffusions. La géopolitique mêle donc les savoirs-faires des différentes branches de la géographie : géographie des représentations, géographie sociale, géographie culturelle, géographie du politique... pour étudier comment les rivalités de pouvoir influent sur les territoires, leurs percpetions par les hommes qui les pratiquent, par les dirigeants locaux et par les acteurs extérieurs. L'approche multiscalaire des tensions permet d'appréhender différentes perspectives : comment les habitants vivent-ils leur espace ? Comment intègrent-ils les tensions ou les menaces (qu'elles soient réelles ou perçues) dans leurs pratiques spatiales ? N'y a-t-il pas des représentations très différenciées en fonction des espaces ruraux/espaces urbains, espaces centraux/espaces périphériques, des types de villes à l'intérieur d'un même Etat (petites villes / villes moyennes / grandes villes, fonctions de la ville...), des quartiers à l'intérieur d'une même ville... pour un même phénomène ? L'approche multiscalaire permet d'éviter les généralités et d'affiner la réflexion.
L'approche territoriale permet de prendre en compte les recompositions qui influencent les rivalités et les représentations, et qui sont influencées par les rivalités et les représentations. Il n'est d'ailleurs pas anodin de retrouver l'entrée "géopolitique" dans la rubrique "Régions et Territoires" du dictionnaire interactif de géographie Hypergéo (où l'on retrouve également l'entrée "dispute territoriale" soulignant bien l'importance de comprendre les territorialités et les représentations qu'en ont les différents acteurs pour l'étude, par exemple, des territoires contestés ou revendiqués ; ainsi que l'entrée "puissance"). L'entrée "représentation" est inclue dans la même rubrique comme fondement épistémologique.
Les lieux et leurs symboliques ne doivent pas non plus être occultés. Loin d'être anodine, la compréhension de l'importance de certains lieux revêt un caractère primordial à partir du moment où les habitants se les sont appropriés, leur ont donné sens dans leurs pratiques spatiales et dans leurs territorialités. Un cas - devenu un "classique" de ce blog - tel que le pont de Mitrovica le démontre parfaitement : haut-lieu de la division, sa reconstruction a été pensée comme un "urbanisme de paix". Imposer un pont gigantesque comme géosymbole de la réconciliation. Force est de constater que le pont est, le plus souvent désert. Et que l'enfermement intracommunautaire et que les peurs de "l'Autre" marquent toujours les territorialités et les pratiques spatiales des habitants des 2 rives. Le pont, pourtant, semble être un lieu d'échanges par excellence... La part des représentations est donc primordiale dans la conception des outils de la paix : les habitants et les acteurs politiques locaux (officiels ou officieux) donnent sens à l'espace qu'ils habitent et construisent, à l'intérieur d'une même ville par exemple, DES terrioires urbains. On retrouve là l'importance de l'analyse multiscalaire, pour comprendre l'imbrication des enjeux, des tensions et des conséquences pour les différents acteurs.
Il ne s'agit là que de quelques éléments de réflexion, ne donnant qu'un aperçu des différents aspects de la géopolitique. A quelques heures seulement d'un départ au Kosovo, la réflexion pourrait être plus construite, mais faute de temps, il ne s'agira là que de quelques pistes. Mais il paraissait néanmoins nécessaire de souligner l'importance du débat qui a lieu sur les blogs concernant la défense sur cette discipline et ses approches.
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mercredi 11 mars 2009
Quelques mots sur la géographie politique / géopolitique
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