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mardi 24 mars 2009

Le Kosovo vu par...


Ce mardi marque le 10ème "anniversaire" du lancement de l'opération "Force alliée" sur la Serbie et le Kosovo, suite à l'échec des négaociations de paix, le 24 mai 1999. Une manifestation de protestation contre l'indépendance du Kosovo est prévue mardi 24 mai 2009 à Belgrade, symbole d'un refus partagé par une partie de la population d'accepter cette indépendance. Hier, lundi 23 mai 2009, le Conseil de sécurité des Nations Unies examinera la situation au Kosovo. Parallèlement, l'Espagne vient d'annoncer sa décision de retirer, d'ici l'été 2009, ses forces armées du Kosovo, dont elle ne reconnaît pas l'indépendance. La KFOR (Force pour le Kosovo, coalition militaire sous l'égide de l'OTAN, déployée selon la résolution 1244 de l'ONU) va devoir se réorganiser. La Minuk (force de police sous l'égide de l'ONU) a, quant à elle, déjà amorcé sa réorganisation. L'heure également des premiers bilans pour l'EULEX (force de police et de justice déployée par l'Union européenne depuis février 2008). Quelques points sur ce territoire "oublié" le plus souvent de l'actualité, mais pourtant au coeur de l'Europe.



Le Kosovo vu par les pays refusant son indépendance

La décision de l'Espagne de retirer ses troupes militaires du Kosovo est directement liée à la non-reconnaissance de son indépendance. "Cette décision, rendue publique jeudi 19 mars lors d'un déplacement de la ministre de la défense, Mme Carme Chacon, sur une base espagnole à la frontière albanaise du Kosovo, a été justifiée politiquement, le lendemain, par le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, en marge du sommet européen de Bruxelles : "Il y a un an (le 17 février 2008), le Kosovo a déclaré unilatéralement son indépendance, et comme c'est bien connu, l'Espagne ne l'a pas reconnue, a-t-il rappelé. Pour cette raison, notre rôle dans ce scénario a perdu de son sens, surtout maintenant que la stabilité de la zone s'est améliorée." En termes plus militaires, Carme Chacon avait déclaré aux soldats qu'elle visitait : "Mission accomplie, il est temps de rentrer à la maison." " ("Les Etats-Unis et l'OTAN surpris par la décision unilatérale de Madrid de retirer ses troupes du Kosovo", Le Monde, 21 mars 2009). Le contingent de l'Espagne compte aujourd'hui 632 soldats (contre 1923 pour la France, 1494 pour les Etats-Unis, 2854 pour l'Allemagne et 2395 pour l'Italie). Bien d'autres pays ont réfusé cette indépendance, avec en tout premier lieu, la Russie et la Serbie. La question de la réorganisation des forces militaires de la KFOR se pose face au retrait espagnol, et va accélérer les décisions de l'OTAN quant à la discussion sur le maintien d'une force au Kosovo, sous quelle forme, dans quelles conditions, pour quels objectifs. Voir, notamment, le billet d'Olivier Kempf, qui soulève à ce propos les nombreuses questions qui vont contraindre l'OTAN à ne pas négliger le Kosovo lors du sommet de Strasbourg ("Espagne et Kossovo: des conséquences plus importantes qu'il n'y paraît", billet du 23 mars 2009).


Voir les forces en présence au 14 février 2009.





Le Kosovo vu de l'intérieur : les incohérences de la communauté internationale comme facteur de paralysie ?

Alors que le Kosovo a fêté le 1er anniversaire de son indépendance le 17 février 2009, son statut fait toujours l'objet de fortes contestations sur la scène internationale. Au-delà du seul jeu diplomatique entre les puissances internationales, cette situation crée de nombreuses incohérences dans le fonctionnement actuel du Kosovo, notamment en termes juridiques. En résulte une situation très complexe, avec l'existence de 3 systèmes juridiques : celui de la Constitution du nouvel Etat (rédigé, en grande partie, par les instances internationales), celui de la Serbie (qui possède une légalité, dans la mesure où l'indépendance du Kosovo n'a pas été reconnue unanimement par la communauté internationale : de nombreux Etats estiment donc ce droit toujours valable, ce qui lui confère une légalité), et celui de la rsolution 1244 (qui mit fin à la guerre du Kosovo et instaura un protectorat international : ce droit reste également en vigueur aujourd'hui, du fait du même problème de non-reconnaissance de l'indépendance par une partie - non négligeable - des Etats membres des Nations unies). D'ailleurs, la KFOR est toujours déployée en fonction de la résolution 1244, fait assez révélateur d'une incohérence entre la reconnaissance de l'indépendance par certains pays qui maintiennent leurs troupes au Kosovo, sous un mandat qui prévoyait d'être arrêté dès que la question du statut du Kosovo serait fixée. La justice, mais également le fonctionnement administratif et le développement économique se trouvent fortement pénalisés, voire paralysés par cette situation.


De plus, le Kosovo vit aujourd'hui sous la dépendance totale d' "injections" financières venant de la communauté internationale. Si l'on voit apparaître dans les villes de nouveaux immeubles flambant neufs, qui pourraient laisser croire à une relance accomplie de l'économie, le mal-développement y est profond. Certes, les entreprises bancaires se sont multipliées au Kosovo, et la concurrence des stations essence est rude. Des investissements de sociétés étrangères (tout particulièrement allemandes) dans ces 2 domaines peuvent laisser à penser que l'économie s'est améliorée. Ce n'est qu'en partie vrai. D'une part, parce qu'aucun projet industriel n'a été relancé, et que l'économie de services est dans ce pays particulièrement fragile (d'autant que le potentiel de développement touristique est plus que mince dans le contexte actuel où le Kosovo jouit d'une très mauvaise réputation - notamment en termes de sécurité) : le complexe industrialo-minier de Trepca n'a toujours pas été réouvert, et aucun travaux n'y a été effectué dans l'espoir de résoudre les problèmes de pollution et les dangers sanitaires qu'il posait. La station d'Obilic, centrale hydroélectrique pour le Kosovo, n'a pas été non l'objet de rénovations, comme le prouvent les (encore) nombreuses coupures d'électricité, tout particulièrement les jours de froid. D'autre part, une grande partie de l'économie repose sur les apports financiers de la communauté internationale (si le Kosovo avait été quelque peu "oublié" des aides ces dernières années, l'indépendance l'a remis dans l' "actualité", et donc lui a redonné une importance non négligeable dans les aides financières distribuées par la communauté internationale). Quelques questions se posent néanmoins : combien de temps vont durer ces aides ? Dans la mesure où elle ne serve pas à un développement durable de l'économie du Kosovo, n'entretiennent-elles pas le mal-développement actuel ? Ces diverses "perfusions" financières et matérielles sont-elles une solution dans la mesure où leur utilisation n'entre pas dans des projets de relance économique durable ? Et on revient là au problème de la justice : dans un territoire soumis à 3 droits différents, comment créer un véritable développement économique ? Cela semble difficile de passer par une loi...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Autre question à la jointure de l'économie, de la légalité et de la sécurité : a-t-on progressé dans la lutte contre les réseaux et les mafias (au sens propre, car s'appuyant sur une structure clanique) ?
OK

Tratnjek Bénédicte a dit…

Non... Les progrès sont encore minces dans ce domaine. Si la constitution d'une police multiethnique est une réalité (des équipes d' "élite" sont formées, et des policiers en civil patrouillent dans les villes), l'activité criminelle reste partie prenante d'une grande partie de l'économie du Kosovo. Cela va des "petis" trafics (cigarettes, chaussures, contrefaçons de toute sorte...) à la criminalité organisée (réseaux de trafics de femmes, d'enfants, de drogue...). Le Kosovo reste une plaque tournante pour tous les trafics. A souligner que l'activité criminelle est le meilleur (si ce n'est le seul) exemple de coopération multiethnique (entre les 2 populations majoritaires, et également les petites minorités)...

Tratnjek Bénédicte a dit…

Petite précision : ne pas parler de la criminalité dans ce billet était un choix (partial mais délibéré), qui visait à appuyer sur d' "autres" problèmes, moins souvent montrés dans les médias, mais tout aussi symptômatiques du mal-développement, et des paralysies qui perdurent et qui accentuent les tensions intercommunautaires (ou tout du moins, les empêchent de se résorber).

Tratnjek Bénédicte a dit…

Un lien également vers un article de presse traduit et publié dans Le Courrier des Balkans (les articles restent quelques jours en ligne, puis sont accessibles par abonnement) :

"Economie : le Kosovo frappé de plein fouet par la crise mondiale"

http://balkans.courriers.info/article12343.html

Anonyme a dit…

Ben de toute façon la réponse à la question 'mafia' est dans le texte :
plus de banques et de stations essence, donc dans les faits plus de blanchisseuses efficaces (schtroumpfage par les stations, intégration par les banques)

Tratnjek Bénédicte a dit…

En partie seulement. Si les réseaux criminels ont bien partie prenante dans les flux bancaires et dans les stations essence, cela révèle également un retour de l'investissement au Kosovo.

Entre 1999 et 2008, personne ne voulait investir au Kosovo. L'instabilité du statut du Kosovo (alors un protectorat international, en attendant justement de statuer de façon plus définitive) empêchait tout investissement financier légal : les Albanais ne voulaient pas investir dans un Kosovo qui resterait sous la tutelle serbe ; les Serbes, eux, ne voulaient pas investir dans un Kosovo qui deviendrait indépendant. Pendant toutes ces années, les réseaux criminels n'ont pas eu besoin de stations essence ou de banques pour asseoir leurs trafics et blanchir leur argent (du moins, ils avaient besoin des banques, mais ailleurs...).

L'investissement légal existe aujourd'hui au Kosovo, mais oeuvre davantage dans un mal-développement profond. Ce qui permet également aux réseaux criminels d'asseoir plus durablement leurs trafics...