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mercredi 4 décembre 2013

Soutenance de thèse : Vivre la guerre, construire la paix. Conflits et recompositions territoriales post-conflit en République du Congo (Pays du Niari)


Mathilde Jonceray soutiendra sa thèse de doctorat en géographie intitulée Vivre la guerre, construire la paix. Conflits et recompositions territoriales post-conflit en République du Congo (Pays du Niari) préparée sous la direction d'Elisabeth Dorier-Apprill à l'Université d'Aix-Marseille le 10 décembre 2013 à 14h30 au Centre St Charles (petit amphi des sciences naturelles, Marseille). La soutenance est publique.


Résumé de la thèse :
Les guerres sont d’importants facteurs de recompositions territoriales. Les territoires des « Pays du Niari », région créée par le politique, ont une place particulière dans l’histoire des conflits au Congo et celle-ci conditionne leur reconstruction. Après 10 ans de guerres, la région a du mal à se remettre, et se trouve au cœur d’enjeux socio-économiques, politiques et identitaires à différentes échelles.
Cette thèse étudie d’une part les conflits, procédant à une géohistoire méthodique d’une région et de populations occultés par les acteurs nationaux et internationaux. Elle étudie d’autre part la façon dont les différents acteurs s’approprient la notion de post-conflit et les répercussions territoriales des actions entreprises. Cela amène enfin à faire état du hiatus entre actions de reconstructions et besoins des populations et des territoires, visibles à travers des territoires et des temporalités fragmentés.

dimanche 24 novembre 2013

Syrie, cartographie d'une guerre : représenter l'espace des conflits

Réaliser des cartes d'une guerre actuelle, au cours de laquelle les "lignes de front" entre les adversaires sont particulièrement mouvantes, pose tout d'abord la question de l'accessibilité et de la fiabilité des données. Mais aussi (et surtout) celle des choix cartographiques. Une carte thématique n'est pas neutre (à ce propos, voir le billet "La carte-discours. Quelques éléments de réflexion"), elle est une représentation de l'espace (et non une présentation). Les choix du cartographe et/ou de son commanditaire construisent une représentation de l'espace, mais n'en rendent qu'une partie, celle qui correspond à leur démonstration. De plus, le lecteur de la carte possède ses propres filtres de représentation : il perçoit et interprète la carte. Si la cartographie thématique francophone a été très marquée par la sémiologie graphique proposée par Jacques Bertin, la profusion de cartes sur Internet, dont on ne connaît pas toujours la source (date et auteur notamment), et encore moins les intentionnalités (quelle objectivité ?), tend à permettre une surenchère de la part d'interprétation de l'auteur et/ou commanditaire de la carte, tout en se parant des atours de l'objectivité cartographique (tout du moins d'une perception, erronée, de la carte qui dirait le "vrai", telle une présentation des réalités spatiales, alors qu'elle est et reste une représentation des réalités spatiales).

Lors de la réalisation de cartes sur l'état actuel des différents adversaires dans la guerre en Syrie pour le site Noria, ces questions d'accessibilité des données (quelle objectivité et quelle méthodologie pour les sources qui servent de référents aux cartes que l'on veut produire) et de choix cartographiques se sont révélées cruciales. Au moment de la conception et de la réalisation de ces cartes "Mapping competing strategies in Syrian conflict", le géographe Fabrice Balanche publiait son article "L'insurrection syrienne et la guerre des cartes" (Orient XXI, 24 octobre 2013), interrogeant et confrontant différentes représentations cartographiques de la guerre en Syrie. On se propose, dans ce billet, de confronter les réalisations cartographiques existantes et les difficultés de conception/réalisation qui existent dans la production cartographique sur la guerre en Syrie. Dans le cas des conflits armés, ces représentations peuvent être particulièrement empreintes de subjectivité et d'idéologies spatiales, et se révèlent non pas toujours des outils d'information et d'explication de la guerre en tant que tels, mais avant tout un matériau pour la compréhension des conflits de représentation qui se surajoutent au conflit armé.

mercredi 13 novembre 2013

La géographie vue par Marcel Roncayolo

Voici la vidéo d'une conférence du géographe Marcel Roncayolo, datant du 6 avril 2000. Si la vidéo semble "dater" (beaucoup de publications sont venues renouveler la géographie ces 10-15 dernières années, notamment par un renouveau des objets géographiques), elle propose des points sur l'épistémologie et l'histoire de la géographie importants, qui permettent (en gardant à l'esprit que cette conférence est située dans le temps) d'écouter l'un des géographes qui ont contribué à replacer la géographie dans son utilité sociale (notamment autour de l'urbanisme et de la ville). A noter que cette conférence a été proposée dans le cadre d'un cycle qui proposait de faire le point sur les différentes sciences humaines et sociales (histoire, histoire de l'art, anthropologie, sociologie, mais aussi économique, psychologie, philosophie de l'esprit…). Cette vidéo témoigne également de la place de la question "A quoi sert la géographie ?" dans le raisonnement disciplinaire.



Présentation de la vidéo par Canal-U :
Le paradigme de la géographie paraît évoluer entre deux termes depuis l'institutionnalisation de la discipline, à la fin du XIXè siècle. Enracinée dans la tradition, confortée par l'éclat des théories biologiques, la géographie privilégie, avec nuance et refus d'un déterminisme mécanique, la nature comme fixant les conditions de l'activité humaine. A la suite non d'une rupture mais d'un débat complexe, les espaces sont plutôt considérés comme des constructions humaines, sociales, même si on doit tenir compte des mécanismes individuels.

Toute une série de changements se dessinent, se chevauchant les uns les autres : par exemple, les paysages agraires sont rapportés d'abord au milieu naturel, puis aux traditions ethniques, enfin à une évolution historique de plus en plus précise qui conduit de l'économie domaniale à l'individualisme agraire. En même temps que la géographie devient historicité, elle fait une place aux rythmes sociaux, aux mouvements, au temps. La géographie se place ainsi comme instance de réflexion par rapport aux changements techniques qui peuvent la dissoudre, mondialisation, individualisme et surtout, plus humblement, distance et temps, proche et lointain, vieilles contraintes rassurantes. Elle s'interroge sur ce que devient la territorialité, quand la mobilité des hommes et celle de l'information se conjuguent, vers les processus de construction des espaces (mémoire et projet) et sur l'ampleur des risques dans une société vulnérable, y compris dans son environnement naturel.


Source de la vidéo : Canal-U.

mardi 12 novembre 2013

La ville, nouveau champ de bataille (Demain la ville)

Voici le lien vers l'un entretien réalisé par le site Demain la ville, par téléphone, autour de la question de "La ville, nouveau champ de bataille". Cet entretien s'inscrit dans un cycle de publications de textes sur la ville, l'urbain, l'urbanité, parmi lesquels on notera des textes tels que "La ville dans les films de science-fiction", "Exode urbain : qui sont les néo-ruraux ?", "La ville nourricière et ses paradoxes", "L'espace public est un gymnase comme les autres"… Le site Demain la ville propose ainsi des textes courts autour de la ville d'aujourd'hui et surtout de la ville en train de construire aujourd'hui pour penser les villes du futur. L'imaginaire et les représentations de l'espace sont au coeur de nombreux textes.

Concernant les villes en guerre, l'entretien a été l'occasion de s'interroger sur le 11 septembre comme "événement spatial" qui a renforcé l'imaginaire de la ville vulnérable, du poids de l'urbanisation dans la conflictualité actuelle et future (qui ne signifie pas la disparition des "champs de bataille" non-urbains, le cas de l'Afghanistan étant parlant pour montrer que si les villes sont les espaces de l'urgence humanitaire, les espaces de l'intervention militaire se situent dans les montagnes moins densément peuplées, qui peuvent servir d'espaces-sanctuaires dans la guerre), et les "modèles" de villes en guerre (on postule que le découpage classique de "modèles" de villes par aires géographiques n'est pas suffisamment pertinent pour penser ce qui se joue dans les villes, mais surtout dans les pratiques spatiales et l'ancrage invisible de la guerre dans l'urbanité).


--> "La ville, nouveau champ de bataille", entretien avec Bénédicte Tratnjek, Demain la ville, 8 novembre 2013.


Le manga "Ethnicity 01" : Représenter l'espace dans la bande dessinée

Voici quelques billets rédigés dans le cadre des deux journées d'études "Ville et bande dessinée" (voir les podcasts de cette journée d'études) et "Violence et bande dessinée" du Laboratoire junior Sciences dessinées (ENS-Lyon), à partir d'un manga peu connu, Ethnicity 01. Si, par son scénario, ce manga n'est pas un "incontournable", le choix de discuter de la représentation de l'espace dans la bande dessinée par le prisme de ce manga a pour objectif de montrer comment, en décryptant une oeuvre, on peut discuter d'éléments fondateurs dans l'imaginaire spatial collectif, notamment de l'urbaphobie telle qu'elle apparaît dans la représentation d'une ville imaginaire, au prisme d'une géographie de la guerre et d'une géographie de la ville vulnérable. Ce manga, qui se présente comme une dystopie, propose un monde imaginaire post-catastrophe : la ville, présentée à la fois comme sanctuaire et comme menace, est un espace de la domination et de l'enfermement. Les frontières urbaines dessinent une géographie de l'exclusion la plus extrême. C'est donc par le prisme des liens entre ville et violences que ces billets discutent de la représentation de l'espace dans la bande dessinée par le prisme du manga Ethnicity 01.

La cité fortifiée de Sensoram
Source : Nobuaki Tadano, 2012, Ethnicity 01, tome 1, planches 2-3, Doki-Doki.


"Comme de nombreuses oeuvres de science-fiction, la ville de Sensoram n’est pas seulement un espace-cadre de l’intrigue (une seule “scène de théâtre” que l’on pourrait intervertir avec un autre espace) : elle est avant tout un espace-support, c’est-à-dire que ses particularismes produisent un espace de vie, un espace politique, un espace social et/ou un espace culturel spécifique qui produisent des modes de vie, à partir desquels se noue l’histoire des protagonistes. C’est dans cette perspective que l’on va, dans ce billet, observer, Ethnicity 01. Le nom même de ce manga fait référence à la problématique de la ségrégation, et ce à plusieurs titres :
  • l’ethnicité évoque des ségrégations spatiales fondées sur des critères de différenciation culturels et/ou politiques,
  • le “01″ fait référence, comme dans de nombreux autres mangas de science-fiction (voir notamment le billet sur l’animé Code Geass), à un zonage de la ville (souvent dans des contextes de reconstruction, dans la ville post-catastrophe ou dans la ville post-conquête) où des quartiers sont anonymisés (pas de toponyme, mais un numéro de zone), parce qu’exclus de la ville."



Pour découvrir les billets : SÉRIE ETHNICITY 01

lundi 11 novembre 2013

Questionnements géographiques sur les monuments aux morts : symboliques et territoires de la commémoration (2)

Suite à la panne du site des Cafés géographiques (toutes les archives seront progressivement remises en ligne), voici l'intégralité d'un texte publié le 21 novembre 2009. Ce texte n'a d'autre prétention que de rappeler l'importance de penser les mémoires par la dimension spatiale, ici questionnées par le prisme des monuments aux morts. Ce texte avait été rédigé suite à l'émission Planète Terre du 11 novembre 2009 : "Traces de la guerre sur les territoires".


Références originales de l'article : TRATNJEK, Bénédicte, 2009, "Questionnements géographiques sur les monuments aux morts : symboliques et territoires de la commémoration", Cafés géographiques, rubrique Vox geographi, 21 novembre 2009 (version PDF).



Questionnements géographiques
sur les monuments aux morts :
symboliques et territoires de la commémoration



Mercredi 11 novembre 2009. Partout en France, les cérémonies de commémoration de l’armistice mettant fin à la Grande guerre ont réuni différentes générations autour des monuments aux morts. Fait historique, pour la première fois un chancelier allemand, Mme Angela Merkel, s’est tenu aux côtés du Président de la République française, rendant ainsi visible la réconciliation entre les deux pays par un acte symbolique. Un événement dont la presse nationale a beaucoup parlé, soulignant le rapprochement politique nécessaire dans la construction européenne en mal de développement. Une Union européenne qui s’est construite par instaurer durablement la paix sur le continent européen, comme l’avaient déjà préconisé les Lumières, premiers penseurs de l’idée européenne. L’événement est de taille puisqu’il s’agit pour Angela Merkel, représentante de la Nation allemande (le symbole est fort pour un pays qui fut notre principal adversaire dans la Grande guerre), de se recueillir sur un haut-lieu de l’identité française en ce jour de commémoration d’une victoire française. L’espace et le temps réunis pour commémorer la Nation française. Mais, l’intérêt géographique n’est pas seulement dans cette cérémonie dont on a beaucoup parlé dans la presse : il est également dans les pratiques spatiales complètement modifiées pour de nombreux Français se rendant auprès des monuments aux morts de leur commune en ce jour du 11 novembre. Un rituel qui s’ancre dans des lieux déterminés et chargés d’une forte symbolique.





Commémoration franco-allemande de l’armistice du 11 novembre 1918 :
la présence symbolique du chancelier allemand dans un haut-lieu de l’identité française
(source : Reuters, 11 novembre 2009)




samedi 9 novembre 2013

Carte postale ancienne de Stari Most (Mostar) : Les cartes postales sont-elles des « lieux de mémoire » ? (2)

Suite à la panne du site des Cafés géographiques (toutes les archives seront progressivement remises en ligne), voici l'intégralité d'un texte publié le 19 février 2013 sur le pont de Mostar. Cet article est republié à l'occasion de la célébration (très discrète dans les médias) du 20ème anniversaire de la destruction du pont de Mostar, le 9 novembre 1993.


Source de l'article : Tratnjek, Bénédicte, 2013, "Carte postale ancienne de Stari Most (Mostar) : Les cartes postales sont-elles des « lieux de mémoire » ?", Cafés géographiques, rubrique Cartes postales du monde, 19 février 2013, en ligne : http://cafe-geo.net/article.php3?id_article=2640





Carte postale ancienne de Stari Most (Mostar) :
Les cartes postales sont-elles des « lieux de mémoire » ?

Carte postale ancienne. Yougoslavie, 1951.
Source : Site Les ponts et leurs représentations en philatélie, page « Pont de Mostar ».


Cette carte postale a été envoyée, comme en témoignent le timbre et l’oblitération, en 1951. L’Etat émetteur de ce timbre est alors la Yougoslavie. Stari Most (le « Vieux pont » de Mostar, qui a donné son nom à la ville) est alors un haut-lieu de la Yougoslavie titiste[1] : haut-lieu de tourisme, ce pont en arche de pierre érigé sous la période ottomane (1566) est aussi un lieu polarisant un espace géosymbolique fondé sur l’entente entre les populations « yougoslaves » [2]. Stari Most, haut-lieu de la yougoslavité ? La carte postale, lieu de mémoire d’une yougoslavité disparue ?

9 novembre 1993 : La destruction du pont de Mostar, un géosymbole dans la guerre

Dans l'imaginaire collectif, la date du 9 novembre est immédiatement associée à la destruction (heureuse) du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989. 4 ans plus, une autre destruction (malheureuse) marquera tous les médias : celle de Stari Most, le "Vieux pont" de Mostar (la "ville du pont"). Si, depuis, le "Vieux pont" a été reconstruit, l'ancrage spatial de la guerre se laisse toujours entrevoir dans cette ville-symbole :
"Le 9 novembre 1993, les milices croates du HVO détruisaient le vieux Pont, symbole de la ville de Mostar. Vingt ans plus tard, certaines rues de cette ville toujours divisée portent encore les noms des dirigeants fascistes de l'Etat indépendant croate (NDH) des oustachis". ("Bosnie-Herzégovine : il y a vingt ans, la destruction du Vieux pont de Mostar", Le Courrier des Balkans, 9 novembre 2013).

Bien moins mis en avant dans la presse que la commémoration du 20ème anniversaire du déclenchement du siège de Sarajevo le 6 avril 2012, cette commémoration a été somme toute très sommaire, les autorités locales ne se déplaçant pas. Seuls quelques Mostaris ont sauté depuis le pont pour se jeter dans la rivière Neretva (les plongeons depuis le Vieux pont étaient, avant sa destruction, à la fois un "attrape-touristes" - les plongeurs attendant que les touristes aient déposé de l'argent pour sauter ou plonger -, et une "tradition" qui faisait de ceux qui osaient le grand plongeon des "héros" de la ville). Alors que l'ancien du quartier du Vieux pont de la vieille ville de Mostar est classé patrimoine mondial de l'Unesco et que la destruction de Stari Most avait été particulièrement couverte par les médias il y a 20 ans, cette absence de commémoration et de médiatisation ne doit pas faire oublier le poids de la symbolique des lieux qui se joue sur le pont et dans toute la ville de Mostar.

Journée d'études : "Europe et Barbarie, passé-présent"

Le vendredi 15 novembre 2013, le Centre d'histoire de Sciences Po organise une journée d'études intitulée "Europe et Barbarie, passé-présent" (salle de conférences, rez-de-chaussée, 56 rue Jacob, Paris 6ème arrondissement, entrée libre).



lundi 4 novembre 2013

3e Rencontres d'Histoire critique : Guerre et paix (28-30 novembre 2013, Gennevilliers)

Après "Vivre la ville" en 2009 (voir le billet "Vivre la ville en guerre") et "Etre d'ici et d'ailleurs" en 2011, l'Université populaire des Hauts-de-Seine organise les 3e Rencontres d'histoire critique autour du thème "Guerre et Paix" du 28 au 30 novembre 2013 à Gennevillers (Cinéma Jean-Vigo et Espace Grésillons).


Présentation des 3e Rencontres d'histoire critique "Guerre et Paix" :
"La guerre aux multiples visages, avec son cortège de morts, de ruines et de souffrances, marque profondément et durablement les sociétés. toujours menaçante. Toujours présente. Mais l'aspiration à la paix les travaille elle aussi.

Comment résister à la guerre et construire un avenir de paix ? Comment éviter la guerre et pourquoi souvent l'accepter ?

La confrontation est-elle la seule issue à la coexistence d'Etats et de nations en concurrence pour la domination ? Quelles sont les chances et l'efficacité des projets de construction de la paix ?"


Programme détaillé :


Sources de l'information :


lundi 28 octobre 2013

"Violence et Bande dessinée" (ENS-Lyon, 6 novembre 2013)


Le mercredi 6 novembre 2013, le laboratoire junior Sciences Dessinées organise sa troisième journée d’études : après la science et la ville, cette journée interrogera  “Violence et bande dessinée“, à l’ENS de Lyon (amphithéâtre Descartes, métro Debourg, entrée libre, 9h30-17h30).

La journée “Violence et bande dessinée” se déroulera en deux temps :
  • une matinée consacrée à des interventions d’universitaires et de chercheurs sur la question de “L’hyperviolence, du choc à la suggestion“
  • une après-midi sous forme de grand entretien avec Kris, notamment auteur de Notre Mère la Guerre (avec Maël), Coupures irlandaises, et Un homme est mort.

affiche bd et violence 2

Toutes les informations : carnet du Laboratoire junior Sciences Dessinées (ENS-Lyon).


samedi 26 octobre 2013

France : un droit d'asile à géographie variable (2)

Suite à la panne du site des Cafés géographiques (toutes les archives sont progressivement en train d'être remises en ligne), voici l'intégralité d'un texte publié en 2012, qui prend ces derniers jours une actualité forte : "France : une géographie du droit d'asile".


Références de l'article original : TRATNJEK, Bénédicte, 2012, "France : un droit d'asile à géographie variable", Cafés géographiques, rubrique Vox geographi, 14 février 2012.



France : un droit d’asile
à géographie variable




Introduction

En 2011, les institutions internationales, les instances et associations agissant pour la protection des demandeurs d’asile ont célébré le soixantième anniversaire de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951 qui assure la protection des réfugiés, des apatrides et des demandeurs d’asile. A priori, la question du droit d’asile semble dessiner une géographie « uniformisée », ou tout du moins une géographie de la sécurité/insécurité qui s’établit à l’échelle de chaque Etat qui la regarde. Mais les diverses interprétations de la Convention de Genève de 1951 peuvent être plus ou moins restrictives, et donnent à voir diverses représentations du statut de demandeur d’asile et une géographie de la discrimination et des persécutions à géométrie variable, qui construit un imaginaire spatial de la migration à destination de la France.

Le 11 mars 2011, le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) décide d’ajouter à la liste des « pays d’origine sûrs » : l’Albanie et le Kosovo. Mise en place pour la première fois en place en 2005, « la notion de pays d’origine sûr a été introduite dans le droit français par la loi n°2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile. Aux termes de la loi, un pays est considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». C’est le conseil d’administration de l’OFPRA qui fixe la liste des pays d’origine sûrs » [1]. Le Kosovo était, en 2009 et en 2010, le principal territoire [2] d’origine des demandeurs d’asile en France [3].

Le 2 décembre 2011, cette liste s’allonge, passant de 16 à 20 Etats placés sur la liste des « pays d’origine sûrs », avec l’ajout de l’Arménie, du Bangladesh, du Monténégro et de la Moldavie. En 2011, le Bangladesh était devenu le premier pays d’origine des demandeurs d’asile en France, et la demande en provenance de l’Arménie avait doublé [4]. De nombreuses associations de protection des demandeurs d’asile dénoncent l’imbrication des enjeux socio-politiques internes (la liste des pays d’origine sûrs étant perçue comme un moyen de réguler les flux migratoires) et des enjeux socio-politiques des pays que quittent les demandeurs d’asile, au nom de la protection accordée par la Convention de Genève de 1951. C’est donc un regard multiscalaire qu’il est nécessaire de poser sur ces questions, tant l’entremêlement des échelles permet de comprendre les conflits de représentation qui se jouent entre institutions étatiques et protecteurs des demandeurs d’asile.

La liste des « pays d’origine sûrs » ne vise pas à dessiner une géographie de la sécurité et de l’insécurité dans le monde : comme son nom l’indique, elle ne s’attache qu’à définir, parmi les différents pays d’origine des demandeurs d’asile en France (et non ceux qui ne sont pas concernés par le départ de migrants qui se déclareront dans le pays d’accueil comme relevant de la Convention de Genève de 1951), les pays dans lesquels la sécurité des habitants est garantie par les institutions étatiques. Ce sont donc les pays « producteurs » de demandeurs d’asile qui sont visés dans cette liste. En 2010, « pour la troisième année consécutive, la France enregistre une hausse de la demande d’asile sur son territoire. 52 762 demandes ont été formulées contre 47 686 en 2009, soit un écart de près de 11 % » (Forum Réfugiés, 2011, p. 129).

Cette même année 2010, les principaux pays de provenance des primo-arrivants (première demande d’asile, en opposition aux dossiers en réexamen, c’est-à-dire aux demandeurs ayant déjà fait une tentative) sont le Kosovo (avec 3 267 demandes – hors mineurs accompagnants, soit 8,8 % de la demande globale), le Bangladesh (3 061 demandes, soit 8,3 %), la République démocratique du Congo (2 616 demandes, soit 7 %), la Russie (2 424 demandes, soit 6,6 %), Sri Lanka (2 265 demandes, soit 6,1 %), la Chine (1 805 demandes, soit 4,9 %), la Guinée (1 712 demandes, soit 4,6 %), Haïti (1 500 demandes, soit 4 %), l’Arménie (1 278 demandes, soit 3,5 %) et la Turquie (1 240 demandes, soit 3,3 %) (Forum Réfugiés, 2011, p. 130).

Ce sont ces pays qui sont concernés par un examen par l’OFPRA sur l’(in)sécurité des habitants, et qui sont potentiellement inscrits sur la liste des pays d’origine sûrs. Des Etats voisins de la France comme la Belgique, l’Allemagne ou encore la Suisse n’étant pas des pays d’origine de demandeurs d’asile, ils n’apparaîtront pas sur cette liste. Pourtant, celle-ci reste une manière de concevoir, par le prisme des pays « producteurs » de demandeurs d’asile, une géographie de l’insécurité et une géographie du droit d’asile « légitime ». En quoi la proportion de la demande d’asile dessine-t-elle une géographie de l’(in)sécurité telle que perçue par les autorités françaises ?

Les frontières et les espaces frontaliers : objet d’étude géographique et géopolitique

Voici deux enregistrements de la journée d'études Les frontières et les espaces frontaliers : objet d'étude géographique et géopolitique (organisée par François Arnal et Franck Thénard-Duvivier) revenant sur la géographie et la cartographie de la frontière entre conflits et gestion des conflits.

L'atelier du cartographe
Source : Dessin de Selcuk pour Philippe Rekacewicz.



Cartographier la frontière et les espaces frontaliers


« Lorsque je dessine les frontières en Afrique, disait un cartographe, j’ai le sentiment que je blesse les peuples… ». Comment mieux dire que les frontières « naturelles » n’existent pas ? Qu’elles sont une pure invention des êtres humains ? qu’elles se meuvent en permanence dans l’espace au grès des événements historiques ? Elles sont avant tout des lieux de rencontre et d’échange, des espaces riches et donc complexes à représenter. Les frontières (ou plus généralement ces « lignes de partage » puisque toutes n’ont pas le même statut) ont ceci de paradoxal qu’elles regroupent autant qu’elles excluent. C’est précisément cette contradiction qui fait le cauchemar du cartographe qui n’a jamais su, il faut bien le reconnaître, ni très bien les franchir, ni très bien en donner une représentation cartographique pertinente : Les frontières ne sont pas que des lignes : elles sont même souvent de véritables territoires qui fonctionnent en tant que tel. Et comme rien n’est simple, au cours des deux dernières décennies, elles ont profondément changé de nature…
Source : Géopodcast, enregistrement du 1er février 2013.


Les territoires post-yougoslaves : ce qui fait frontière

Les guerres de décomposition de la Yougoslavie ont redessiné le pavage étatique dans les Balkans. L'Etat primaire - la Yougoslavie - a laissé place à une multitude d'Etats secondaires : la Slovénie (1991), la Croatie (1991), la Bosnie-Herzégovine (1992), la Macédoine (1992), le Monténégro (2006), la Serbie (2008 pour ses frontières actuelles) et le Kosovo (2008), bien que ce dernier exemple pose la question de la reconnaissance de l'indépendance, faisant de la discontinuité territoriale entre la Serbie centrale et le Kosovo une limite disputée, revendiquée comme "frontière" pour les uns, comme limite administrative intérieure pour les autres. Les territoires post-yougoslaves sont donc un "laboratoire" de la production des frontières par des revendications géopolitiques qui s'affirment dans des géonationalismes qui entrent en conflit. Pourtant, toutes ses frontières ne sont pas le produit de conflits armés : le Monténégro et la Macédoine ont acquis leur indépendance sans affrontement. Par les exemples post-yougoslaves, on abordera la question de la frontière contestée : les frontières interétatiques qui existent aujourd'hui ne correspondent pas aux (im)mobilités spatiales et aux discours géonationalistes qui parcourent les Etats post-yougoslaves. Parallèlement au durcissement de ces discours et représentations d'un territoire identitaire d'appropriation et d'appartenance qui exclut "l'Autre", d'autres mouvements tendent à dépasser les frontières interétatiques pour redonner sens à l'espace régional : une "Yougosphère" se dessine, confrontant les frontières-coupures à une volonté de recréer un territoire transfrontalier. A travers les exemples de la Bosnie-Herzégovine et du Kosovo, il s'agit d'interroger ce qui fait frontière, entre processus politiques et (non-)appropriations dans les territoires du quotidien.
Source : Géopodcast, enregistrement du 1er février 2013.