Le thème du FIG "Guerres et conflits : la planète sous tension" a inspiré 2 revues parues ce mois-ci : Diplomatie (n°34) et La GéoGraphie (n°4).
Avec un éditorial qui prend le contre-pied de la phrase célèbre d'Yves Lacoste "La guerre, c'est d'abord de la géographie !", la revue consacre 9 articles aux guerres et conflits de par le monde. Frédéric Lasserre (professeur de géographie à l'Université de Laval à Québec, et auteur de nombreux ouvrages sur la géopolitique de l'eau) présente ainsi un article consacré à "Se battre pour l'eau". Soulignant l'intérêt médiatique de plus en plus marqué pour les questions de partage de l'eau, il montre combien les représentations et les peurs quant à un avenir ancré dans de nombreuses "guerres de l'eau" ont des impacts sur les crises, qui sont le fruit d'un emboîtement de facteurs géopolitiques. Insistant sur les nombreux cas de coopération pour l'eau (bien plus nombreux que les tensions autour de la ressource hydrique), il montre combien une géographie de la peur du stress hydrique et du manque d'eau est un facteur catalysateur des conflits actuels.
Michel Lussault (professeur de géographie à l'Université de Tours), lui aussi, est amené à montrer le poids des médias et des images, mais cette fois dans le cadre de nos représentations du milieu urbain. Dans un article intitulé "L'assurance de la catastrophe", il revient sur le poids des perceptions et des nominations qui transforment les espaces parce qu'ils lui donnent un sens : "Partout, les mêmes images, filmées en général par un caméraman en déplacement, traversant le champ de ruines : des bâtiments béants, des places saccagées, des débris jonchant le sol, des véhicules en feu ou calcinés, des routes eventrées, des citadins traumatisés ou exténués, des traces de sang, des cadavres, des reliefs d'une vie quotidienne dévastée et des signes d'une débrouille généralisée afin de survivre". Une réflexion à ne pas manquer pour tous ceux qui s'intéressent aux guerres et guérillas urbaines, montrant le poids des images et des mots dans l'imaginaire collectif et dans la représentation d'un milieu urbain vulnérable et dangereux.
Christian Perret (maire de Saint-Dié-des-Vosges et fondateur du FIG) a répondu aux questions du géographe Gilles Fumey (maître de conférences en géographie à l'Université Paris-Sorbonne) à propos de "Peut-on parler de « guerre financière » ?". Le politique a alors été amené à montrer son intérêt en tant qu'homme d'action de la pensée géographique pour comprendre le monde actuel, notamment en ce qui concerne la question des matières premières, celle du poids des Etats-Unis, ou celle de la place des pays du Sud.
Les amoureux de l'histoire militaire, de la stratégie, de la géographie militaire et de la géohistoire seront ravis de trouver également un article sur "Napoléon, la stratégie du terrain" par Jacques-Olivier Boudon (professeur d'histoire à l'Université Paris-Sorbonne). L'article montre l'importance de la géographie pour Napoléon, tant dans la formation d'officiers géographes, dans ses consultations au cabinet de topographie, que dans l'importance qu'il apportaitt au choix du terrain dans la conception de la stratégie et à la connaissance du territoire.
Anne Giudicelli (créatrice de la structure de conseil Terrorisc, auteur de l'essai Le risque anti-terroriste) se questionne sur "Al-Qaida : la guerre des ondes ?". Analysant les réseaux immatériels de l'Internet et de la télévision satellite, elle pose dans son article des pistes de lecture sur les outils de propagande et les acteurs qui les contrôlent dans un monde mondialisé. Présentant ainsi "l'arme des médias" comme "une bombe à retardement", elle montre combien "très tôt, les groupes actifs dans la mouvance extrémiste ont compris les avantages à exploiter les extraordinaires potentialités des réseaux électroniques et des nouvelles technologies de l'information pour exporter l'idéologie radicale et oeuvrer dans l'ombre en toute impunité".
Pierre Pagney (professeur émérite en géographie de l'Université Paris-Sorbonne, auteur de Le climat, la bataille et la guerre : des conflits limités aux conflits planétaires) consacre un article au "Sale temps pour la guerre". Spécialiste de climatologie, il analyse le rôle du temps (avec une temporalité courte, contrairement au climat qui s'inscrit dans la durée), qui transforme alors le champ de bataille en quelques instants. Partant d'un constat simple : "le type de matériel expose les combattants différemment aux caprices du temps. Les chars sont très dépendants de l'état d'un sol boueux, englacé ou sec et ils sont repérables sur la neige. Cela vaut plus ou moins pour toutes les unités mécanisées qui sont toujours à l'épreuve du froid, de la chaleur et de la neige, voire de la poussière qui éprouve les moteurs. Pour les avions, la météo est l'une des conditions premières de l'action en guerre", il développe tout au long de son article les adaptations des armées au temps, l'importance de comprendre les phénomènes météorologiques et de les inclure dans la préparation de la guerre (et ce, de tout temps) et questionne l'impact de ces facteurs à l'heure des technologies actuelles - qui semblent à priori offrir la possibilité de s'affranchir du climat.
D'autres articles sont également à retrouver dans ce numéro, notamment "Visa pour l'image. Vingt ans de photojournalisme", présentant des photographies sur des zones de conflit présentées au festival international de photojournalisme de Perpignan. Egalement, Sylvain Kahn (professeur à Sciences Po Paris, et producteur de l'émission radio Planète Terre) propose une réflexion sur "La guerre de l'intelligence. Les campus dans la mêlée", où il présente la "guerre" à l'innovation entre les différents campus. Avec une introduction un peu provocatrice ("Les étudiants et chercheurs seraient-ils devenus des soldats dirigés par des recteurs métamorphosés en généraux et des présidents en chefs d'état-major ?"), son article pose la question de la place de la compétition entre les Universités au coeur de la mondialisation. Retrouvez également un article consacré au "Samouraï" par Deirdre Emmons (le Japon étant le pays invité au FIG 2008), un article de Jean-Robert Pitte intitulé "La chère est triste" consacré à une photographie du Japon appartenant à la Société de Géographie, un article présentant "Sir Richard Francis Burton, l'iconoclaste" par Philippe Guhur, un article de Sylvie Brunel "Etre géographe, c'est souffrir" dénonçant le peu de place de la géographie dans le secondaire. retrouvez également les rubriques consacrées aux expositions, aux ouvrages coups de coeur, à la gastronomie, au cinéma et à l'histoire de la Société de Géographie.
Diplomatie consacre un dossier du n°34 au thème du FIG avec 4 articles. Comme toujours, la revue est illustrée de figures (photographies, tableaux, graphiques, cartes...) particulièrement démonstratives, qui renforcent l'analyse.
L'entretien avec François Heisbourg (président de l'Institut international d'études stratégiques de Londres et membre de la Commission sur le Livre blanc de la Défense) intitulé "La connaissance au coeur d'une défense intelligente" est l'occasion de revenir sur les défis auxquels la France doit faire face aujourd'hui : coût des guerres, spécificités de l'économie de défense, de la place du renseignement et des enjeux du livre blanc.
Elisabeth Sköns (directrice du projet du SIPRI sur les dépenses militaires et la production d'armements) propose un article sur "Guerre & Paix : les coûts d'un choix". L'article présente les défis de l'économie légalisée de la guerre, ainsi que la criminalisation d'une partie de cette économie générée par la violence armée des groupes non conventionnels impliqués dans les conflits. Différenciant les coûts et les enjeux pour les différents acteurs, l'article montre que la guerre peut être rentable dans le cercle illégal de l'économie.
Le dossier est complété d'un article consacré à "La guerre vue par l'un de ses héros : Smedley Darlington Butler", et par un Atlas sur "La paix et la guerre : coûts et bénéfices selon le SIPRI yearbook 2008".
Le n°34 comporte également d'intéressantes analyses avec des dossiers sur :
- France : Le Livre blanc de la Diplomatie
- Géopolitique : Le Centre de crise du Quai d'Orsay
- Stratégies : Europe de la Défense
- Points chauds
- ethnopolitique : La Mongolie
Des revues à se procurer !
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