L'effondrement d'une école dans la périphérie de Port-au-Prince
Néanmoins, il faut rappeler que la notion de risque n'est pas seulement une donnée quantitative et objective : elle est également un construit social. En effet, le risque dépend de celui qui le perçoit. A travers la notion de risque, il existe 2 concepts distincts : le "risque réel" et le "risque perçu". Il ne s'agit pas de minimiser les risques urbains, mais de montrer que ces 2 types de risques ne coïncident pas forcément, puisque le risque perçu dépend du degré d'acceptabilité du risque. Celle-ci dépend de valeurs sociales, culturelles, politiques, économiques... La géographe Yvette Veyret a ainsi montré qu'il existait 2 problématiques associées à la question de risques, montrant ainsi combien la démarche géographique pour l'analyse des risques est particulièrement adaptée pour expliquer la dualité du terme et des enjeux :
- le risque comme produit de l'interaction entre une société et son environnement : "le risque a une double composante : un facteur externe, l'aléa qui est le produit de l'environnement, entendu ici au sens large de « ce qui nous entoure » et non pas uniquement au sein restreint d'environnement naturel, et une composante interne, la vulnérabilité, qui est une caractéristique de la société. Aussi l'existence d'un risque pose-t-elle la question du rapport des hommes à leur environnement" (Yvette Veyret, dir., Les risques, Bréal, collection Amphi Géographie, Paris, 2004, p. 32)
- le risque comme construit social : "la première question qui se pose ici est celle des représentations associées au rique. On doit mobiliser :
- les notions de risque perçu, de risque réel, de risque objectif et de risque subjectif ;
- les notions d'acceptabilité du risque et de seuil de tolérances ;
- les notions de contruction mentale du risque, mémoire du risque, culture du risque, etc;
En abordant ces problématiques, il convient d'abord de veiller à varier les échelles sociologiques : l'individu, le groupe social, la minorité (au sens de groupe dominé, plus ou moins partiellement privé d'accès au pouvoir, et non de minorité numérique), etc. Il faut également envisager les différentes temporalités de ces « acteurs sociaux ». Mais on doit aussi dépasser le traitement purement sociologique de la question et réinscrire la réflexion dans le cadre des préoccupations du géographe. Il convient ainsi de faire appel à la géographie des représentations et des pratiques"(Yvette Veyret, op. cit., p. 33)
La gestion du risque dans la reconstruction
Force est de constater que les cartes représentant le degré d'acceptabilité du risque dans une ville ne coïncident pas aux cartes figurant le risque réel. Dans les quartiers populaires et précaires, les populations sont bien plus exposées aux risques de tout ordre (industriels, environnementaux, sanitaires, sociaux, alimentaires...), et sont pourtant plus "résignées" à ces risques. Ce qui peut paraître être une évidence est en réalité une donnée fondamentale pour comprendre l'émergence ou le renforcement de lignes de fractures dans les villes avant, pendant, et après la guerre. Dans le cas particulier de la reconstruction, la paupérisation touche avant tout les quartiers les plus démunis, et ce avant la guerre. Mais également, l'effort de reconstruction y est beaucoup moins important financièrement, et recouvre des espaces beaucoup plus restreints et circonscrits. Il existe alors une véritable concurrence entre centralités et périphéries. La géographie des espaces reconstruits est directement liée à celle des "espaces visibles". Parmi ceux-ci, on peut distinguer les ¨"espaces stratégiques" et les "espaces médiatisés" qui concident le plus souvent. Dans le cas de Port-au-Prince, le centre-ville, situé en bord de mer, concentre les principaux centres de décision (politique et économique), et relève donc d'une importance vitale pour la "revitalisation" de la ville. Mais ce centre correspond aussi aux principaux territoires médiatisés. L'enjeu de reconstruire cette zone centrale est donc à la fois politique, économique, et également médiatique. L'importance de cette centralisation se ressent du point de vue des aides (à travers les donations de la communauté internationale ou des ONG) et de celui des images (celles d'une ville qui "tourne la page" de la guerre, qui "se modernise" et qui peut s'ntégrer dans les réseaux de la mondialisation). Rassurer les investisseurs économiques et les partenaires politiques passe par cette médiatisation de la reconstruction. La question de l'image dans les risques urbains se traduit non seulement auprès de la population (qui a des représentations différenciées en fonction de son seuil d'acceptabilité du risque, et ce malgré le seuil de vulnérabilité), mais également dans les politiques de la ville (à travers une reconstruction inégalement répartie dans l'espace urbain, qui délaisse des quartiers entiers pour être concentrée dans les "espaces visibles").
L'image que l'on donne aux risques et les représentations que s'en font les populations et les acteurs extérieurs ont donc des incidences sur les relations entre les différentes catégories sociales et entre les différents quartiers. Les bidonvilles et les zones centrales sont les quartiers les plus médiatisés : mais les quartiers populaires semblent souvent délaissés dans cette médiatisation du risque.
1 commentaire:
Merci pour cet excellent article !!!
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