L'île d'Haïti se situe au coeur d'un espace géostratégique très tendu : le bassin Caraïbe (carte extraite de l'Atlas Caraïbe, de l'Université de Caen). Les enjeux de cette aire géographique sont à comprendre à travers le prisme de son développement durable et de son intégration à la mondialisation : "le Bassin caribéen est bien plus qu'un lac, une simple arrière-cour des Etats-Unis ou encore une plaque tournante où transitent moult flux illicites. Les territoires de cette région essaient comme ailleurs, tant bien que mal, de ne pas être écartés de la mondialisation et cela en dépit de l'absence pour certains d'entre eux d'un pacte territorial nécessaire à une meilleure compétitivité. Les stratégies de développement fortement suggérées voire, dans certains cas, imposées par les institutions internationales - ONU, Banque mondiale, FMI, USAID - n'ont pas réussi à créer l'environnement industrieux destiné à sortir l'intégralité des territoires du Bassin caribéen du mal développement." (Source : LAMBOURDIERE Eric, dir., 2007, Les Caraïbes dans la géopolitique mondiale, Ellipses, collection Carrefours Les Dossiers, Paris, p. 451).
Source : ONU, rapport 2001 sur l’urbanisation mondiale.
Loin de l'image de la statue du "Marron inconnu" (un marron est un esclave révolté qui a fui la propriété du colon), symbole de la liberté et de l'indépendance d'Haïti, et même de l'ensemble caribéen, la ville subit de plein fouet les crises économiques, sociales et politiques qui déstabilisent le pays. Le centre-ville lui même est paupérisé et est devenu l'espace privilégié des violences et de l'insécurité.
"Le centre-ville de Port-au-Prince est situé en bord de mer. De là, l'agglomération remonte vers l'intérieur des terres le long de trois vallées. Héritage du passé, le centre-ville suit un plan en damier qui abritait le coeur politique, administratif et financier de la capitale. Avec une telle disposition, le centre-ville se distingue très clairement du reste de la ville sur les cartes comme sur le terrain. Si sa situation a commencé à se détériorer depuis la moitié du vingtième siècle, ce n'est réellement qu'en 1986, avec le coup d'Etat, que des changements majeurs ont commencé à apparaître. [...] Il forme originellement la partie Est de la ville qui s'est étendue vers l'Ouest jusqu'à occuper tout l'espace disponible au pied des contreforts des montagnes. Aujourd'hui, même si l'agglomération s'est élargie sur l'espace littoral disponible au Nord et au Sud, son expansion se fait surtout sur ces mêmes contreforts. [...] Les premières collines représentent des espaces immobiliers particulièrement prisés par les élites haïtiennes et internationales : les prémices de Pétion-Ville. Le downtown (note : en géographie urbaine, le downtown est un terme anglo-saxon qui désigne dans la ville nord-américaine les quartiers centraux) recouvre alors une réalité sociale d'un vieux centre-ville comme un espace synonyme de misère et de dangers par opposition à de nouveaux quartiers périphériques plus aisés et sûrs." (Source : COIFFIER Nicolas, 2005, Géographie et missions de maintien de la paix : le cas de Port-au-Prince (Haïti) et de la MINUSTAH. Une étude de géographie politique", mémoire de maîtrise de géographie, Université Paris-Sorbonne, p. 10).
Le centre-ville de Port-au-Prince concentre donc les enjeux et les tensions :
- reflet de la pauvreté urbaine, avec des quartiers précaires en cours de paupérisation (par exemple, le quartier du Bel Air), le centre-ville est le lieu des manifestations sociales, comme l'ont symbolisé pour le monde entier les émeutes de la faim qui ont eu lieu à Port-au-Prince en avril 2008.
- centre des décisions, le centre-ville est "jonché" de hauts-lieux du pouvoir et de la contestation, dans un pays fortement déstabilisé.
- une part des territoires urbains échappent à la souveraineté de l'Etat et sont sous le contrôle de bandes armées, créant par-là des "zones grises" dans la ville, malgré la présence d'une force internationale qui multiplie les opérations pour sécuriser les quartiers centraux de Port-au-Prince.
La présence de la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti) depuis le 1er juin 2004, sera très certainement reconduite ce 15 octobre 2008 (date d'autorisation de déploiement actuelle) tant la situation, et tout particluèrement à Port-au-Prince, semble précaire et incertaine, malgré la présence de 9 055 personnels en uniformes (dont 7 174 militaires et 1 881 policiers) au 31 mai 2008 (chiffres de l'ONU).
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