Les émeutes de la faim (ici à Haïti, en avril 2008, source : Le Point) ont souvent été l'objet de l'actualité internationale de l'année 2008, montrant ainsi la détresse des populations urbaines les plus pauvres des grandes métropoles des pays du Sud. Les émeutes du mois d'avril 2008 à Port-au-Prince ont été un symbole fortement médiatisé, relançant le débat sur la situation des 35 pays touchés cette année par ce phénomène. La hausse des prix des denrées alimentaires touche ainsi inégalement les populations urbaines, et se superposent à une géographie ségrégative dans les pays du Sud. Une première distinction semble nécessaire : un petit point sur les différentes significations de la "sécurité alimentaire".
"food security" : "capacité de produire des quantités suffisantes de nourriture pour assurer l'alimentation d'une population donnée" (définition de Jean-Paul CHARVET, 2002, Historiens-Géographes, n°378). C'était la première définition que l'on a donné à cette question de sécurité alimentaire, on ne prenait en compte que la quantité de nourriture. On calcule alors la sous-alimentation.
"food safe" : la question n'est pas tant la quantité que la qualité : il ne suffit pas que les hommes est suffisamment à manger en termes de quantité (ce que reprenait la notion de "food security") mais qu'ils puissent accéder à suffisamment de nourritures en termes de quantité et de qualité (ex : avoir une alimentation équilibrée apportant les différents besoins nutritionnels nécessaires au bon fonctionnement du corps humain). On calcule alors la malnutrition.
Les émeutes de la faim posent la question de "la justice et de l'injustice spatiales", et ce à plusieurs échelles. Tout d'abord, à l'échelle mondiale, elles se superposent à la carte de l'IDH (indice de développement humain), soulignant bien évidemment les écarts de développement entre les pays du Nord et les pays du Sud. La mondialisation pose le défi de la sécurité alimentaire. Les travaux de la géographe Sylvie Brunel replacent également cette question dans le cadre de la mondialisation. Notamment son article "La famine est en partie le fruit de la géopolitique" (dans Images économiques du monde 2005, Armand Colin, 2004), mais aussi dans ses nombreux ouvrages. Elle explique que les famines d'aujourd'hui sont devenues un outil de contrôle ou d'élimination de populations jugées comme indésirables. Elle met ainsi en place une différence entre les facteurs des famines et ceux de la malnutrition. "Entre famine et malnutrition existe une différence non de degrés, mais de nature : phénomène brutal, collectif et localisé, la famine ne s'explique pas par les mêmes causes que la malnutrition, ne frappe pas les mêmes personnes et ne résout pas de la même façon" (extrait de l'article cité précédemment). Elle en conclut que les famines actuelles "s'expliquent donc par la géopolitique, tandis que la malnutrition est le produit de la pauvreté". On retrouve ces phénomènes d'utilisation des ressources alimentaires comme arme à la fois au Darfour, mais plus anciennement en Somalie (où les sacs de denrées alimentaires provanant de l'aire internationale ont été pour la plupart conservés dans des zones de stockage sans pouvoir atteindre les population, voire réquisitionnés par les rebelles). Aujourd'hui, au Darfour, le gouvernement soudanais exploite cette arme alimentaire de la même façon qu'il l'avait fait dans les années 1990 pour les conflits dans les monts Noubas, interdit aux ONG d'intervenir pour apporter une aide alimentaire.
Mais l'on ne peut se contenter d'une analyse à l'échelle mondiale, la faim touchant inégalement les populations des pays les plus pauvres. D'une part, la ville semble le terrain le plus touché par cette question, du fait de la dépendance alimentaire qu'elle entretient avec son arrière-pays, et l'absence partielle ou totale de moyens de subvenir à ses besoins pour la population sans recourir aux achats sur les marchés ou des magasins. D'autre part, au sein de la ville, une géographie ségrégative explique les contrastes existant dans l'accès aux ressources alimentaires.
Les facteurs explicatifs sont nombreux : bien évidemment la flambée des prix mondiaux des denrées alimentaires est une cause majeure, mais également des processus économiques mondiaux touchant indirectement (la hausse des prix des ressources énergétiques, un changement des demandes de consommation à l'échelle mondiale, la réorganisation de la filière alimentaire dans l'économie mondiale).
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