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dimanche 24 août 2008

Typologie du lien ville/guerre

La fin du XXe siècle a vu émerger deux phénomènes particulièrement importants :
  • les nouveaux conflits ;
  • la ville comme espace concentrant les pouvoirs, les symboles, les intérêts et les populations en jeu dans ces conflits

Après la Seconde Guerre mondiale, des villes comme Alger, Lhassa, Saïgon, Phnom Penh, Mogadiscio, Beyrouth, Brazzaville, Kigali, Dubrovnik, Kaboul, Jérusalem, Sarajevo, Freetown, Grozny, Mitrovica, Monrovia et Bagdad se sont trouvées être des théâtres de guerres et être en proie à des désastres humanitaires. Exceptionnelle hier, la bataille en ville et pour la ville pourrait constituer le fait guerrier dominant du XXIe siècle.

Ce fait s'explique du fait de l'essor des populations citadines :

  • la progression annuelle moyenne de la population urbaine mondiale est d'environ 65 millions d'hommes
  • au début du XIXe siècle, 3 % seulement de la population mondiale résidaient dans des villes
  • ce pourcentage a dépassé les 50 % en 2007

Cette urbanisation accélérée a plusieurs conséquences sur l'évolution de la guerre. L'ensemble de ce blog donc de la ville en guerre et des conséquences pour l'urbanisme et les populations, la ville modelée par la guerre (urbanisation, urbanisme et urbanité) et la fixation de la guerre dans la géographie urbaine, politique, culturelle et militaire.



La ville refuge


Aujourd'hui, il est incontestable que la ville est un objectif stratégique dans les guerres en cours, mais il est possible de distinguer une typologie dans la forme que prend le lien ville/guerre. Tout d'abord, la ville peut être un objectif indirect, dans la mesure où le conflit n'a pas pour fin la prise de la ville en tant que telle. La ville est alors, au contraire, un havre de sécurité vers laquelle affluent les populations rurales se retrouvant au cœur des zones de combat, ce qui transforme profondément la composition socio-spatiale de la ville. Les populations rurales ainsi déplacées se trouvent marginalisées dans des espaces peu aménagés, dans un pays dérégulé et appauvri par un conflit. Dans le même temps, la ville se trouve coupée de son arrière-pays, lui-même déséquilibré : les échanges se raréfient, la ville se trouvant ainsi privée d'une importante partie de son approvisionnement, qu'il vienne de son arrière-pays ou de l'extérieur. Dans ce contexte, la ville est indirectement touchée par la guerre, mais en subit néanmoins d'importantes conséquences telles que l'augmentation de la population par l'afflux d'une population qui a tout laissé dans sa fuite, la paupérisation des quartiers accueillant cette population, et ainsi un risque très fort de stigmatisation des tensions dans la ville elle-même et de radicalisation d'une part de la population, et ainsi un risque de diffusion du conflit au sein de la ville. (Pour une approche plus généraliste de la ville-refuge, voir Olivier Mongin).





La ville cible


Autre forme de lien entre la ville et la guerre : la ville-cible. Dans ce cas, la ville est un objectif stratégique prioritaire pour les combattants, en tant lieu de concentration de tous les enjeux (pouvoirs, populations, économie, centres de décision, symboles…). La ville est alors considérée comme un haut-lieu dans le sens où la prise de celle-ci revient à gagner un incident psychologique fort et déterminant dans la guerre. Les combattants s'attaquent à la ville en tant qu'elle-même, tant dans son fonctionnement que dans ce qu'elle représente. Jean-Louis Dufour, historien spécailiste de la question de la guerre urbaine, distingue de trois catégories principales correspondant à ce rapport ville/guerre :


  • la guerre contre la ville (la ville fortifiée et la ville assiégée) ;
  • la guerre dans la ville (la ville assaillie et la ville insurgée) ;
  • la guerre à la ville (la ville bombardée et la ville otage).





Kaboul : une ville-refuge devenue une ville-cible

La ville est toujours un symbole, quelle soit un refuge ou une cible. De plus, elle est toujours transformée par la guerre, de manière directe ou indirecte. La frontière entre ville-refuge et ville-cible est très mince, comme le prouve l'exemple de la ville de Kaboul. Depuis 1979, Kaboul est la capitale d'un pays ravagé par la guerre, divisé par les dissensions ethniques, soumis à la pression extérieure. La violence, à laquelle la population kaboulie a été soumise, a évolué au cours du temps, lui imposant à chaque nouveau conflit une adaptation à des conditions de vie devenues de fait difficiles. Stratégies de survie contre stratégies des acteurs de la violence, le paysage urbain de Kaboul se métamorphose au fil des combats ainsi qu'en fonction des factions qui s'opposent. Trois grandes césures font l'histoire de Kaboul en tant que ville en guerre :

  • 1992 avec la fin du régime d'obédience communiste et le début des luttes de pouvoirs internes (guerre civile)
  • 2001 avec le déploiement de la coalition internationale sous l'impulsion de l'OTAN contre les talibans (guerre contre le terrorisme)

Ces différentes phases de l'histoire récente de Kaboul montrent qu'une ville peut être affectée par un double mouvement : lors de la guerre d'occupation, les combats entre les Afghans et l'armée Rouge se sont déroulés dans les campagnes. La ville de Kaboul voit sa population fortement augmenter pendant cette période (de 750 000 habitants avant la guerre à 2 millions en 1985) : les déplacés des zones de combat se réfugient dans les centres urbains, et tout particulièrement Kaboul. La ville de Kaboul, en pleine phase de modernisation dans les années 1970 (tout particulièrement dans le centre-ville, ouvert aux influences occidentales) se voit particulièrement affecter par l'arrivée de cette population rurale désoeuvrée et pauvre. Du fait de cette explosion urbaine, les périphéries de la ville connaissent ainsi une paupérisation et une ruralisation, alors même que la capitale est en difficulté écononique, car coupée de son aire d'influence. L'année 1989 voit s'achever le retrait des troupes soviétiques, mais ne marque pas pour autant un retour à la paix. La ville de Kaboul se voit rapidement transformer comme le principal foyer des combats de la guerre civile qui va opposer les tenants du pouvoir et les djihadis (les divers partis de la résistance). Les vainqueurs d'hier vont s'affronter dans la capitale pour le partage du pouvoir. La ville se divise en de nombreux champs de bataille : de nombreuses habitations sont désertées et détruites, les Kaboulis fuient la ville. Deux types de déplacements s'effectuent : d'une part, des déplacés fuient la capitale pour trouver refuge dans les zones épargnées par les combats ; d'autre part, des urbains se déplacent à l'intérieur de la ville, pour trouver refuge dans des quartiers plus sûrs. Lorsque les troupes de l'OTAN entrent dans la ville en octobre 2001, la ville est de nouveau prise pour cible, en tant que symbole du pouvoir des Talibans. Aujourd'hui, la ville de Kaboul est sinistrée et les enjeux de la reconstruction sont divers : eau, électricité, domaine sanitaire, éducation, logements... De plus, la ville est toujours aux prises de tensions et de violence, avec des attentats réguliers.





Photographie du site des éditions de l'Université de Washington.

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