Olivier Kempf, dans son blog Etudes Géopolitiques Européennes et Atlantiques, propose un article très intéressant sur le cas d'Abéché, une ville-refuge du centre-Est du Tchad. Ville-refuge, car comme le définit Olivier Kempf, "il s'agit de la ville dont le fonctionnement est altéré par la guerre environnante, même si elle ne souffre pas directement de méfaits de la guerre". Le cas est d'autant plus intéressant que la ville est ici affectée à la fois par les tensions internes et par une guerre qui se déroule au-delà des frontières étatiques. L'afflux de populations réfugiés provenant du darfour voisin dans des camps, territoires construits dans l'urgence, entraîne des modifications du peuplement dans l'ensemble de la région. Olivier Kempf le montre : une accélération de l'exode rural, une arrivée massive d'acteurs extérieurs dans une "ville-vitrine" ("avec un peu d'ironie, on évoquera l'arme des ONG : il y aurait 46 ONG en ville ! Le processus est connu, et dû à la logique de fonctionnement économico-médiatique de cette catégorie : pour faire son travail, il faut des fonds, qu'on rassemble à coup de publicité, qu'on justifie en allant dans les endroits les plus emblématiques. Achébé a vu passer Georges Clooney et l'Arche de Zoé, une ONG sérieuse doit donc avoir un bureau à Achébé"). Mais également, "ville militarisée" : ces tensions se traduisent par la militarisation de la ville. Les camps militaires font apparaître de nouvelles formes de territorialisation, mais également de nouvelles formes de pouvoir dans la ville d'Achébé, spécifiques aux contingences militaires. De plus, la région d'Ouaddaï est une région d'accueil de très nombreux réfugiés soudanais. Comme le rappelle Olivier Kempf, "Achébé est la grande ville de l'est du Tchad. C'est la région limitrophe du Darfour soudanais [...] Le Ouaddaï accueille tout d'abord de nombreux réfugiés et déplacés provoqués par la crise du Darfour, agglutinés dans des camps le long de la frontière". L'arrivée d'acteurs extérieurs dans la ville d'Abéché ou à proximité de la ville a donc des conséquences avec l'apparition de nouvelles formes d'autorités, et entretient de nouvelles rivalités de pouvoir dans le contrôle et l'appropriation de l'espace. La démonstration d'Olivier Kempf montre bien les bouleversements de la géographie sociale dans cette ville. il en conlut que "c'est une certaine économie de guerre qui bouleverse la ville. La ville ne fait pas la guerre, mais elle est « en » guerre". Même si la guerre n'est pas dans la ville, elle peut la transformer par des conséquences indirectes.
Un camp de réfugiés au sud d'Abéché

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Camps de réfugiés soudanais de Bredjing près de la frontière soudanienne
Tchad (13°28’ N - 21°42’ E) - Yann Arthus-Bertrand
"Le Soudan, géant africain aux neuf frontières, n’a connu que 11 ans de paix depuis son
indépendance en 1955. La guerre civile trouve son origine dans l’opposition entre un Nord dominant, arabe et musulman et un Sud noir-africain, chrétien et animiste. Depuis 2003, le conflit s’est durci dans la région du Darfour au sud-ouest du pays, où les milices arabes Janjaweed armées par le gouvernement, ont poussé sur les routes plus d’1 million de personnes en une seule année. Près de 200 000 sont réfugiées au Tchad, dans des camps dont la capacité d’accueil est parfois dépassée, comme ici à Bredjing. Aujourd’hui, les guerres civiles sont beaucoup plus fréquentes que les conflits entre nations. Depuis 1990, 55 des 59 conflits enregistrés dans le monde se sont produits à l'intérieur même d'un pays, impliquant ainsi directement la population civile. Plus de 2 millions d'enfants ont été tués au cours de ces combats et 20 millions déplacés. Villages incendiés, pillages, viols, meurtres et destruction systématique des moyens de subsistance... Les populations sont d’autant plus démunies face à ces violences qu’elles émanent de leur propre gouvernement."
Source : site de Yann Arthus-Bertrand.
Tchad (13°28’ N - 21°42’ E) - Yann Arthus-Bertrand
"Le Soudan, géant africain aux neuf frontières, n’a connu que 11 ans de paix depuis son
indépendance en 1955. La guerre civile trouve son origine dans l’opposition entre un Nord dominant, arabe et musulman et un Sud noir-africain, chrétien et animiste. Depuis 2003, le conflit s’est durci dans la région du Darfour au sud-ouest du pays, où les milices arabes Janjaweed armées par le gouvernement, ont poussé sur les routes plus d’1 million de personnes en une seule année. Près de 200 000 sont réfugiées au Tchad, dans des camps dont la capacité d’accueil est parfois dépassée, comme ici à Bredjing. Aujourd’hui, les guerres civiles sont beaucoup plus fréquentes que les conflits entre nations. Depuis 1990, 55 des 59 conflits enregistrés dans le monde se sont produits à l'intérieur même d'un pays, impliquant ainsi directement la population civile. Plus de 2 millions d'enfants ont été tués au cours de ces combats et 20 millions déplacés. Villages incendiés, pillages, viols, meurtres et destruction systématique des moyens de subsistance... Les populations sont d’autant plus démunies face à ces violences qu’elles émanent de leur propre gouvernement."
Source : site de Yann Arthus-Bertrand.
Quelques lectures sur le Tchad :
- Géraud Magrin, "Tchad 2008. Géographie d'une guerre ordinaire", Echogéo, rubrique Sur le vif 2008, mis en ligne le 13 mai 2008.
- Johanne Favre, "Marginalité de l'Etat et violences sociales au Far Est (Tchad oriental)", Bulletin de l'Association de Géographes Français, n°2007-3, septembre 2007, pp. 357-365.
- Gérard-François Dumont, "Géopolitique et populations au Tchad", Outre-Terre, n°20, 2007/3.
- Le blog d'Isabelle Bal (18e Régiment des Transmissions) consacré au Tchad et à la mission Epervier.
Quelques lectures sur les camps de réfugiés :
- Le dossier "Territoires d'exil : les camps de réfugiés", coordonné par Véronique Lassailly-Jacob, dans le Bulletin de l'Association de Géographes Français, n°2006-1, mars 2006.
- Michel Agier, "De nouvelles villes : les camps de réfugiés. Eléments d'ethnologie urbaine", Annales de la recherche urbaine, n°91, pp. 128-136).
- Luc Cambrézy, "Les camps de réfugiés du Kenya : des territoires sous contrôle", Géoconfluences, mis en ligne le 15 janvier 2006.
- Michel Agier, Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, Flammarion, collection Bibliothèque des savoirs, Paris, 2008, 352 pages.
Quelques lectures sur l'action humanitaire et les liens avec l'action militaire :
- Yann Braem, "Les relations Armées - ONG, des relations de pouvoir ? Caractéristiques et enjeux de la coopération civilo-militaire française : le cas du Kosovo", Les Documents du C2SD, Paris, 2004, 283 pages.
- Yann Braem, "Contrôler les territoires ? Les enjeux des relations entre les militaires et les humanitaires en Afghanistan et au Kosovo", intervention (à écouter) à la journée d'étude Penser les conflits contemporains. Etat des lieux et prospective, C2SD, 23 octobre 2007.
- Michael Schloms, "Le dilemme inévitable de l'action humanitaire", Cultures & Conflits, n°60, hiver 2005, pp. 85-102.
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