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dimanche 17 mai 2009

La guerre, la ville et les déplacés


La question des déplacés se pose tout autant dans la ville-refuge que dans la ville-cible. Pour la ville-refuge (c'est-à-dire la ville épargnée par les combats qui s'érige en sanctuaire, en havre de paix), le lien entre cette "sanctuarisation" de la ville et l'arrivée massive de déplacés (mais également de réfugiés, traversant les frontières, comme le montre le cas d'Abéché à l'Est du Tchad qui accueille de nombreux réfugiés du Soudan voisin) paraît relativement évident. Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer le fait que ce phénomène se développe également dans la ville-cible. D'une part, la ville garde son attraction malgré la guerre. La ville peut être un relais (plus ou moins temporaire) dans le déplacement. La ville (tout particulièrement la très grande ville) peut également garder son attractivité face à un exode rural qui se poursuit ou qui se renforce pendant la guerre (surtout si la zone de combat ne se limite pas à la ville). D'autre part, des déplacements peuvent se faire à l'intérieur de la ville, renforcés par les actions miliciennes. La logique de peur provoque chez les habitants d'une ville des stratégies de survie qui les pooussent à abandonner leur domicile pour se rendre dans des lieux jugés plus sûrs. Cette recherche de la sécurité est dictée par 2 principales logiques : l'entre-soi communautaire (la peur de se retrouver en situation de minorité dans un quartier tend à reforcer l'homogénéisation communautaire dans la ville) et la fuite de la zone ou des zones de combat à l'intérieur de la ville.



Déplacés forcés / déplacés contraints

La géographe Liliane Barakat (professeur à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth) propose une typologie des plus intéressantes sur les déplacés pendant une guerre, en analysant le cas particulier des villes libanaises, dans son article "Lieux d'origine et zones d'accueil" (Annales de Géographie, année 1989-1990, volume 10-11, Université Saint-Joseph, Beyrouth, pp. 69-78). Dans cet article, elle distingue déplacés forcés et déplacés contraints dans le cas de la guerre au Liban (cliquez sur le texte pour l'agrandir). Dans les deux cas, ces déplacements répondent à des stratégies de survie, mais impliquent des lieux d'accueil différenciés. L'article de Liliane Barakat démontre bien que les conséquences pour la ville d'accueil ne dépendent pas seulement du lieu d'origine des déplacés et de leur situation socio-identitaire, mais également des conditions de leur départ. Les déplacés dans la guerre agissent donc en fonction de deux types de contraintes qui s'expliquent par des rythmes différents.



Les déplacés contraints

Ce sont des personnes qui prennent le temps de préparer leur départ. Dans le contexte de la guerre, elles ressentent leur insécurité et la fragilité de leur situation. Elles quittent leurs maisons soit parce qu'elles se situent à proximité d'une zone de combats (et donc anticipent le déplacement de la zone de combats), soit parce qu'elles sont en position de minorité dans leur lieu de vie (et donc anticipent les violences pratiquées par les milices contre "l'Autre", quelque soit la façon de définir l'identité et les minorités). Si le traumatisme de la fuite et de l'abandon de sa maison (territoire de l'intimité par excellence) n'est pas moins grand que dans le cas des déplacés forcés, les déplacés forcés peuvent néanmoins prendre des affaires, réunir leurs richesses (financières mais aussi affectives) avant leur départ. Selon les situations sociales, les déplacés contraints peuvent soit gérer eux-mêmes leurs logements dans la zone d'accueil, soit faire appel à un réseau de soidarité (le plus souvent familial). Ils peuvent donc se retrouver dans des quartiers très différents de la ville d'accueil. Néanmoins, l'important pour eux est de s'installer dans une zone où ils se sentiront en sécurité : le lieu d'accueil correspond également à leur perception de l'insécurité dans la zone d'accueil. Une fois déterminée la zone de destination (une ville, une région), les déplacés contraints prennent le temps de choisir (au moins dans leurs intentionnalités, bien que la situation sociale de certains ne puissent réellement leur permettre de réaliser ce choix) le lieu plus précis de leur installation (un quartier, voire un micro-quartier) en fonction du degré de dangerosité (réel ou perçu) que représenterait cette nouvelle installation.



Les déplacés forcés

Ce sont les personnes qui fuient leur habitation dans une situation d'urgence. Bien que le départ corresponde là aussi à des logiques de peur et à des stratégies de survie, il se fait sans que les déplacés n'aient le temps de prendre leurs affaires (abadonnant richesses financières et affectives) ou de préparer leur arrivée. Si certains de ces déplacés peuvent être accueillis dans leur famille, la plupart doivent faire face à une absence de logement. La ville-refuge est fragilisée par l'arrié massive de ces déplacés et ne peut mettre en place une politique de construction de logements face à la situation d'urgence. La ville-cible est encore plus mal lotie, dans la mesure où une partie de ses logements d'avant-guerre est détruite, et qu'elle doit parallèlement faire face à un afflux de population. Et dans tous les cas, les déplacés forcés s'installent dans des conditions trè difficiles : baraques de fortune dans les périphéries de la ville (d'où une bidonvilisation de ces périphéries), logements partiellement détruits dans des zones proches des combats (dans le cas de la ville-cible)...




=> La question des déplacés est l'un des plus grands enjeux de l'immédiat après-guerre en termes psychologiques (traumatismes), de gestion urbaine (paupérisation de certains quartiers, entassement des populations dans de petits logements, habitat illégal, problème d'accès au mrché du travail pour ces nouveaux arrivants...), de rivalités de pouvoir (le pouvoir en place dans l'immédiat après-guerre est souvent rapidement fragilisé par cette question)...


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