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dimanche 31 mai 2009

Trafics et frontières au Kosovo


Un article (cliquez sur le texte pour agrandir) paru dans le Balkan Investigate Reporting Network (BIRN) et traduit dans le Courrier des Balkans sous le titre "Trafics et contrebande : les frontières du Kosovo sont toujours poreuses" pose la question du contournement, voire de l'appropriation des frontières par les réseaux criminels au Kosovo. Plusieurs problématiques concernant sont ainsi soulevées :


1/ La question de la frontière
Le tracé entre la Serbie et le Kosovo est une frontière pour les uns (ceux qui reconnaissent l'indépendance du Kosovo) et une délimitation administrative interne à un pays pour les autres (ceux qui reconnaissent l'autorité de la Serbie sur le Kosovo, en dénonçant l'indépendance du Kosovo comme statut illégal). La question de la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo n'est pas seulement une question de rivalités de pouvoir entre des acteurs sur la scène internationale comme sur la scène régionale (balkanique), c'est aussi un problème de mise en place d'une sécurisation de ce tracé : qui doit protéger et contrôler ce tracé (qu'il soit ou non une frontière) ? La question du statut de ce tracé renvoie à la question de la légitimité des acteurs de la sécurisation et du contrôle de cette limite. Et donc à la question de la souveraineté et à ces incertitudes : si une partie de la communauté internationale (dont les Etats-Unis et une grande partie des membres de l'Union européenne) reconnaît aujourd'hui l'indépendance du Kosovo, les velléités de certains membres des Nations Unies sont toujours aussi grandes (Russie, Grèce, Chine, Espagne...). De plus, un certain flou juridique perdure, même parmi les membres reconnaissant l'indépendance, puisque la résolution 1244 (qui mit fin à la guerre du Kosovo en juin 1999 et devait prendre fin lorsque le statut du Kosovo serait décidé) est toujours en place. Au final, sur le tracé entre Serbie et Kosovo, existent 2 lectures : une frontière vs une limite interne. Et cette double lecture se reporte sur l'ensemble des frontières du Kosovo (celles dont le statut de frontière n'est pas remis en cause, c'est-à-dire celles avec un extérieur bien défini : les frontières avec l'Albanie pour la plus ancienne, le Monténégro et la Macédoine pour les plus récentes, c'est-à-dire celles issues de la décomposition de l'ex-Yougoslavie) à travers le problème de la multiplicité d'acteurs susceptibles d'être légitimes/illégitimes pour assurer la protection et le contrôle de ce tracé, en fonction du point de vue adopté : forces de police du Kosovo en tant qu'Etat indépendant, forces de police de Serbie en tant qu'Etat légitime sur le Kosovo, forces de police de la communuaté internationale en tant que forces de stabilisation maintenues dans le cadre de la résolution 1244. Cela renvoie à des problématiques "classiques" de la géopolitique / sciences politiques : qui gouverne(nt) ? quel(s) territoire(s) pour quelle gouvernance ? quelle(s) rivalité(s) de pouvoir entre les acteurs syntagmatiques ?


2/ La question de la criminalité
Autre point soulevé par l'article : la porosité des frontières et les problèmes de transit de marchandises illégales de toutes sortes (drogue, armes, contrefaçons, organes humains, êtres humains...). Le lien entre criminalité et frontière ne pose pas seulement des questions d'ordre géoéconomique (le géographe Christian Pradeau parle de "géofinance" pour démontrer la complexité entre l'intensification de l'effet-frontière comme catalyseur d'échanges et l'intensification des flux matériels/immatériels : voir le chapitre "Géofinance et frontières", Jeux et enjeux des frontières, Presses Universitaires de Bordeaux, Bordeaux, 1994, pp. 241-258). Ce lien criminalité/frontière pose également des questions de rivalité de pouvoir et des questions d'ancrage territorial.

Rivalités de pouvoir, non seulement entre les différents réseaux criminels qui se concurrencent sur certains marchés (les réseaux criminels serbes et la mafia albanaise, mais également les mafias russes et siciliennes qui ne sont pas "implantées" dans les Balkans, du moins pas pour toutes les marchandises, mais se servent des diverses organisations criminelles locales pour faire transiter leurs propres marchandises), mais aussi entre les différents acteurs de la lutte contre la criminalité organisée. Acteurs qui dépassent le cadre des frontières (quelles qu'elles soient !) du Kosovo. Les transits de marchandises illégales ne concernent pas seulement le Kosovo - et plus généralement les Balkans - mais également les autres pays "consommateurs", situés dans l'Europe de l'Ouest. Ces mêmes pays qui sont contributeurs de la sécurisation de la région balkanique à travers les différentes missions miliaires et policières déployées au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine... Les mises en place de politique et d'actions de lutte contre les réseaux criminels dans les Balkans ne concernent pas seulement les acteurs politiques locaux, mais bien l'ensemble du continent européen. Paradoxalement (ou peut-être pas tant que cela !), les membres de l'Union européenne, qui abolissent dans l'espace communautaire les frontières, tendent à renforcer les frontières des pays périphériques de l'UE. La question des routes de transit pour les marchandises illégales pose donc de nouveau la question de la souveraineté vis-à-vis de la frontière : quels sont les acteurs légitimes pour la sécurisation et le contrôle des marchandises aux frontières du Kosovo ? Le maintien de la résolution 1244, et donc des forces militaires et policières de l'Union européenne au Kosovo, permet ainsi d'assurer un des éléments clés de la politique des Etats contributeurs : la sécurisation de leur propre territoire vis-à-vis de l'afflux de marchandises illégales, en luttant non pas seulement à l'intérieur de leur espace souverain, mais également à l'extérieur, sur les routes des marchandises illégales.



Pour aller plus loin :

1 commentaire:

Ménesglad a dit…

Bonjour,
Je viens de mettre votre blog très intéressant dans mes liens. Si l'importance structurel du religieux dans la formation des communautés humaines et les mécanismes de la violence vous intéressent, vous trouverez sur mon blog un résumé de la Théorie de René Girard à "René Girard - Théorie".
Dans la lignée de la Théorie girardienne, je vous propose aussi dans mon dernier post une analyse remarquable de Lucien Scubla sur le retour des mécanismes du religieux archaïque dans les idéologies modernes depuis les Lumières (Révolution française, nazisme, communisme) et au cœur même des démocraties de manière dégradée. « Peut-on sortir du religieux ? ». Une lecture qui intéressera les spécialistes de Défense travaillant sur les sociétés où l’emprise religieuse est prééminente ; une réflexion qui devrait aussi permettre de mieux appréhender la soif de transcendance inavouée qui caractérise nos sociétés confrontées à une faillite dangereuse de toutes les valeurs permettant l’unité d’un peuple, d’une Nation ou d’une Civilisation. A lire absolument pour sortir de tous les poncifs et comprendre les forces ancestrales qui continuent de nous dominer au quotidien sans même qu’on s’en rende compte…
Une lecture bien entendue strictement anthropologique et non théologique.
Coridalement