Plusieurs billets de ce blog ont posé la question de la création de l'événement par le biais des médias et, à l'inverse, "l'oubli" de certaines informations devenues trop "ordinaires" pour devenir des actualités (sur)médiatisées. Le sensationnel fait-il (ou doit-il faire) l'actualité ? Cette question s'est posée, dans ce blog, autour des violences à Mitrovica (ville qui a "disparu" de l'actualité médiatique, à l'exception de quelques articles lors de "moments" forts tels que l'auto-proclamation de l'indépendance le 17 février 2008 et l'anniversaire de ce "événement"), mais également les violences dans la ville de Bagdad, devenues "ordinaires", non dans leur "réalité" mais dans la perception qu'en a l'opinion publique, dans la façon dont les lecteurs/téléspectateurs des médias occidentaux "reçoivent" cette information.
Cette (re)présentation médiatique sélective de l'information "formate" une image du monde : quels sont les moments qui nous sont montrés ? Que nous disent ces événements sur les menaces, les risques, les dangers dans le monde actuel ? Quels sont, au contraire, les moments qui nous sont "cachés", devenant ainsi des non-événements, non pour l'importance de l'action, mais parce que leur non-présentation les fait devenir de simples "faits ordinaires" ? Il y a des moments qui "méritent" (le mot est volontairement provocateur) de devenir des événements, tandis que d'autres peuvent être oubliés dans cette information, dans cette mise en scène des dangers du monde, rythmée par la vitesse et "l'immédiat".
Et les lieux ? Des zones, des pays, des régions entières sont absents de l'actualité. Ou peu (re)présentés : mardi 7 avril, des violences en Moldavie. Mais que sait-on le reste du temps de la Moldavie ? Comment analyser ces violences ? Sont-elles structurelles ou conjoncturelles ? Combien de personnes, tout simplement, savent placer la Moldavie sur une carte (sans être très précis : la Moldavie, c'est sur quel continent ?), ou connaissaient même avant-hier le nom de cet Etat ? Provocateurs, ces propos ? Peut-être pas tant que cela. En tout cas, il est sûr qu'il existe des faits et des lieux qui sont fortement médiatisés, et ainsi transformés en événements et en hauts-lieux, alors que d'autres sont "oubliés", comme "rayés" de la carte de notre imaginaire collectif.
Une étude sur les moments et les lieux (re)présentés dans les médias permettrait certainement de montrer de façon plus rigoureuse comment des faits et des lieux sont mis en scène ou au contraire ignorés par les médias. Les médias participent à notre représentation du monde (tout particulièrement dans ces dangers), mais parallèlement, ils répondent avant tout à la demande du public (la question de l'audimat ou des ventes), et donc montrent ce que l'opinion publique attend. C'est donc un double mouvement. Il s'agit là de montrer avant tout un problème : les médias, par leurs "sur-objets" et leurs "non-objets", entre surmédiatisation et oubli, formatent-ils notre conception du monde qui elle-même est déjà ancrée dans l'idée de menaces ?
3 commentaires:
Très bon post !!! et oui il fallait bien le dire... la banalisation de l'information, la non-information, la surmédiatisation....
et ceci dans tous les domaines hélas....
Combien de gens savent à l'heure actuelle que les effets du tsunami de 2004 se font encore sentir !!!
Belle réactivité analytique !
A lire également sur ce sujet, le billet de Thomas Renard, dans son blog Le Front asymétrique daté du 6 mai 2009 et intitulé "Quand les Médias se montrent Complices", dans lequel il analyse une "interview exclusive avec un proche du Mollah Omar" passée ces jours-ci sur la télévision belge.
http://lefrontasymetrique.blogspot.com/2009/05/quand-les-medias-se-montrent-complices.html
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