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vendredi 17 avril 2009

Guerre et guérilla urbaines en Tchétchénie


La Russie a annoncé ce jeudi 16 avril 2009 sa décision de cesser les opérations dites "anti-terroristes" en Tchétchénie, qui ont marqué les interventions de l'armée russe sur ce territoire séparatiste depuis presque 10 ans (fin de la 2ème guerre de Tchétchénie début 2000). "De tous les problèmes graves ayant affecté le territoire de la Fédération de Russie depuis son accession à la souveraineté, seule la revendication de l'indépendance tchétchène a provoqué un conflit armé. Ce conflit perdure et s'envenime, malgré toutes les protestations officielles et l'apparente "régularisation" en cours" (Denis Eckert, 2004, Le monde russe, Hachette supérieur, collection Carré géographie, Paris, pp. 56-57).

Le 2 novembre 1991, la Tchétchénie auto-proclame son indépendance, qui n'est pas reconnue par le gouvernement russe. Très rapidement, l'Ingouchie se sépare de la Tchétchénie (4 juin 1992), territoire jugé rebelle par les autorités russes. Vont suivre 2 guerres : la 1ère guerre débute en 1994 et se termine par l'accord de paix de Khassaviourt en août 1996. La 2ème guerre de Tchétchénie débute le 7 août 1999 avec l'arrivée des troupes russes pour repousser un groupe d’extrémistes islamistes venus de Tchétchénie, se réclamant du wahhabisme, conduits par les chefs de guerre Bassaïev et Khatab, qui se sont emparés de quatre villages au sud du Daghestan. La guerre durera jusqu'en 2000, avec le retrait général des rebelles tchétchènes hors de Grozny le 1er février. Dès lors, le conflit s'enlise dans une guérilla urbaine (Voir une chronologie très détaillée jusqu'en 2007 sur le site de La Documentation française).



L'autoproclamation de l'indépendance par les Tchétchènes n'ayant été reconnue ni par les autorités russes, ni par les acteurs de la scène internationale, la Tchétchénie est officiellement l'un des 89 sujets de la Fédération de Russie. Elle se situe dans la partie orientale du Nord-Caucase, à la frontière avec la Géorgie et à proximité des autres Etats nouvellement indépendants du Sud-Caucase. Territoire de 15.600 km², sa "population était estimée en 1995 à 904.000 habitants, dont 337.000 urbains, et en 1998 à 796.000, dont 267.400 urbains. Un recensement effectué par les organisations internationales en pleine guerre (été 2000) donne 734.000 personnes, y compris celles qui sont réfugiées en Ingouchie" (Roger BRUNET, 2001, La Russie, dictionnaire géographique, CNRS-Libergéo - La Documentation française, Paris, p. 374). Ces chiffres sont très parlants et montrent bien l'impact de ces guerres sur la société tchétchène. Il est difficile d'estimer le nombre de morts (les estimations sont très partiales), le nombre de blessés, le nombre d'orphelins, le nombre de déplacés/réfugiés... Malgré l'absente de chiffres, les transformations de la société tchétchène sont évidentes : "en 1991, la population de Tchétchénie était, tout d'abord, pluriethnique. Dans la plaine, la moitié des habitants de la capitale, ainsi que d'autres villes (Goudermès, Argoun, Novogrozny...), étaient russes, cosaques, ukrainiens, juifs, ingouches, par opposition aux piémonts ou aux montagnes, peuplés presque exclusivement de Tchétchènes. La société tchétchène était fortement soviétisée et modernisée, comme l'attestent la sécularisation, l'alphabétisation massive, l'industrialisation, l'urbanisation, la place importante des femmes dans la vie publique" (Comité Tchétchénie, 2003, La Tchétchénie, dix clés pour comprendre, La Découverte, Paris, pp. 85-86). Les guerres de Tchétchénie et la poursuite du conflit sous la forme d'une guérilla urbaine sur la société tchétchène ont totalement transformé le paysage socioculturel de ce territoire : un dépeuplement , mais également une "tchétchénisation" de la population (c'est-à-dire une homogénéisation communautaire du fait du départ massif des populations autres que tchétchènes) et une transformation du mode de vie (avec un départ massif des populations urbaines tchétchènes vers les piémonts et les montagnes, une économie dévastée et une importante paupérisation de la population).

"Les images de Grozny parlent d'elles-mêmes : des quartiers rasés par les bombes ; des maisons éventrées où quelques appartements non calcinés demeurent occupés ; une vie chaotique pour les habitants soumis aux pressions des autorités tchétchènes et de l'armée russe omniprésente. Et, tout aussi injustifiables, d'autres images se superposent : celles de multiples attentats, à Moscou ou ailleurs ; celles, surtout, d'une école prise en otage le jour de la rentrée, à Beslan, en Ossétie du Nord, le 1er septembre 2004" (Jean RADVJANI et Gérard WILD, 2005, La Russie entre deux mondes, La Documentation photographique, n°8045, La Documentation française, Paris, p. 30).

La société russe toute entière est affectée par l'enlisement du conflit tchétchène. Les différents attentats et prises d'otage ont eu pour principal impact la montée de la xénophobie, déjà prégnante, mais fortement renforcée par la prise d'otages par un commando tchétchène dans un théâtre russe le 23 octobre 2002. Cet événement a profondément modifié la perception de la guerre de Tchétchénie dans la société russe : "avant la tragédie de Nord-Ost [du nom de la comédie musicale qui se jouait ce jour-là], l'opinion, lassée par la poursuite de la guerre, se déclarait à 60 % en faveur de négociations, tandis que 30 % y restaient opposés. Mais les partisans des négociations sont surtout préoccupés par les lourdes pertes dans les rangs russes, et n'adhèrent pas nécessairement au projet indépendantiste tchétchène. La prise d'otages à Moscou, qui s'est produite au moment où les négociations apparaissent envisageables, a retourné l'opinion : après son dénouement, seules 16 % des personnes interrogées sont restées en faveur de négociations, 30 % pour des négociations accompagnées d'actions militaires, et 25 % pour un règlement par la force" (Comité Tchétchénie, 2003, La Tchétchénie, dix clés pour comprendre, La Découverte, Paris, p. 80). Bien évidemment, la Tchétchénie est également un défi multiscalaire pour le pouvoir russe : remise en cause de la souveraineté russe et de la légitimité du gouvernement en Tchétchénie, mais également risque de diffusion des velléités séparatistes s'opposant au pouvoir russe dans d'autres régions du Nord-Caucase, problème de sécurisation des frontières entre la Tchétchénie et le Sud-Caucase où les républiques nouvellement indépendantes s'opposent régulièrement au pouvoir russe... "Les problèmes du Caucase-Nord intéressent la Fédération de Russie à trois titres au moins : l'avenir du fédéralisme russe, la question de la montée du danger islamiste, les enjeux du développement" (Michel NAZET, 2007, La Russie et ses marges : nouvel empire ?, Ellipses, collection CQFD, Paris, p. 156).














A lire en ligne :


Quelques éléments bibliographiques :

  • Isabelle FACON, 2007, "Un nouvel aplomb sur la scène internationale ? Une nouvelle doctrinemilitaire pour une nouvelle Russie", revue internationale et stratégique, n°68, n°2007/4, pp. 143-151.

  • Isabelle FACON, 2000, "L'armée russe et la seconde guerre de Tchétchénie", Le Courrier des pays de l'Est, n°124, avril 2000, pp. 27-48.

  • Denis ECKERT, 2004, "La Tchétchénie", Le monde russe, Hachette supérieur, collection Carré géographie, Paris, pp. 56-63.

  • Comité Tchétchénie, 2003, La Tchétchénie, dix clés pour comprendre, La Découverte, Paris, 128 pages.

  • Romain YAKEMTCHOUK, 2006, Le conflit de Tchétchénie, L'Harmattan, Paris, 152 pages.

  • Michel NAZET, 2007, "La Russie et "l'étranger de l'intérieur" ou le domino tchétchène", La Russie et ses marges : nouvel empire ?, Ellipses, collection CQFD, Paris, pp. 145-161.

  • Jean RADVJANI et Gérard WILD, 2005, "La Tchétchénie, mauvaise conscience de la Russie", La Russie entre deux mondes, La Documentation photographique, n°8045, La Documentation française, Paris, pp. 30-31.

  • Olga VENDINA, Vitali BELOZEROV et Andrew GUSTAFSON, 2007, "The wars in Chechnya and Their Effects on Neighboring Regions", Eurasian Geography and Economics, vol. 48, n°2, pp. 178-201 (traduit et publié sous le titre "Les guerres de Tchétchénie et leur impact régional" dans Denis ECKERT, 2007, La Russie, Hachette supérieur, collection Recueils pour les concours, Paris, pp. 41-65)


A voir en ligne :



2 commentaires:

Tratnjek Bénédicte a dit…

COURRIER INTERNATIONAL (du 17 avril 2009) :

"Fin des opérations antiterroristes en Tchétchénie

Alexander Bortnikov, le président du Comité national antiterroriste, a annoncé, le 16 avril, la fin des opérations contre-terroristes décrétées en 1999 et plus connu sous le nom de "deuxième guerre de Tchétchénie". D'après M. Bortnikov, directeur du FSB, "cette décision a pour but de garantir les conditions d'une normalisation ultérieure de la situation dans la République et du développement socio-économique", explique Moskovski Komsomolets. Une situation qui, selon Dmitri Medvedev, "est déjà normalisée dans l'ensemble". Il estime en effet que "la vie a repris son cours". Pourtant, d'après le journal russe Vzgliad, quelques heures à peine après l'annulation de l'ordre, un combat a éclaté entre des soldats russes et des combattants tchétchènes dans la région montagneuse de Chatoïski (dans le sud du pays)."

Tratnjek Bénédicte a dit…

L'EXPRESS (du 17 avril 2004) :

Fusillade en Tchétchénie après la levée du régime de sécurité"MOSCOU - Des échanges de tirs ont opposé jeudi des soldats russes et des rebelles tchétchènes, quelques heures après la levée par Moscou du régime de sécurité d'exception en Tchétchénie, rapportent des agences de presse.

La fusillade a eu lieu dans la région montagneuse de Chatoi, dans le sud de la Tchétchénie, et n'a fait aucune victime, a déclaré un membre des services de sécurité tchétchènes cité vendredi par l'agence RIA Novosti.

Le Kremlin a mis un terme jeudi au régime d'exception qui était en vigueur depuis 1999, année où l'armée russe était intervenue pour mettre fin à la brève indépendance obtenue par la petite république caucasienne après un premier conflit.

La plupart des unités russes ont déjà quitté la Tchétchénie mais plusieurs dizaines de milliers de policiers venus d'autres régions et les forces spéciales de Moscou s'y trouvent encore.

Le dirigeant tchétchène installé par la Russie, Ramzan Kadyrov, a éteint l'essentiel de la rébellion mais des poches de résistance subsistent."

http://www.lexpress.fr/actualites/2/fusillade-en-tchetchenie-apres-la-levee-du-regime-de-securite_754624.html