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jeudi 17 juin 2010

Les enjeux de la vallée du Panshir/Panjshir (Afghanistan) : site et situation


Voici un reportage diffusé ce samedi 12 juin 2010 dans l'émission Arte Reportages et consacré à l' "Afghanistan : le chemin de l'école". Ce reportage est consacré à la vallée du Panshir, l'occasion de présenter rapidement les enjeux de cette vallée.






La vallée du Panshir, située au Nord-Est du pays, est célèbre pour le mouvement de résistance contre l'armée soviétique lors de la guerre d'invasion entre 1979 et 1989 (voir une brève chronologie de l'Afghanistan), et surtout pour être la région d'origine du commandant Massoud. Son nom signifie "cinq Lions" en dari (d'où le surnom de Massoud).


Source : Wikipédia


Pendant les années 1980, la vallée du Panshir a été au coeur des combats, dans la mesure où elle constituait un passage primordial pour les troupes soviétiques vers l'Afghanistan. Ce qui montre l'importance du site et de la situation dans la conduite de la guerre. La situation est définie par la position d'un lieu ou d'une zone, tandis que le site correspond aux caractéristiques qu'offre cet emplacement. Les deux permettent de comprendre l'intérêt de certaines zones, par exemple les voies de passage naturelles qui permettent une avancée rapide des troupes. En plein terrain montagneux, les vallées sont des enjeux stratégiques majeurs, puisqu'elles permettent soit l'intrusion dans un territoire (ici, par l'armée soviétique), soit la défense d'un territoire (ici, par les moudjahidin) et de son arrière (ici, une voie d'accès majeure, qui permet aux deux adversaires de s'approvisionner et de faire venir un éventuel renfort). La situation de cette vallée (qui en fait une des principales voies d'accès entre la frontière URSS/Afghanistan et Kaboul) permet de comprendre l'intérêt pour l'Armée rouge (avancer, la mobilité des troupes étant le principal objectif), tout comme celui des moudjahidin (entraver la mobilité des troupes adverses, pour les obliger à stagner au Nord-Est de l'Afghanistan). "Pour les Soviétiques comme pour les moudjahidin, cette vallée constitue un centre névralgique. C'est en particulier une voie de communication essentielle. Via un col à 5 000 mètres d'altitude, elle relie en effet les provinces centrales d'Afghanistan à la région de Chitral au Pakistan, source d'approvisionnement et de reconditionnement des moudjahidin. A son extrémité ouest, elle débouche, à hauteur de Jabal Saraj, sur la route de Salang, à quelques kilomètres seulement du tunnel du même nom. Cette route constitue l'unique axe de ravitaillement du corps expéditionnaire entre Kaboul et l'Union soviétique" (Lieutenants-Colonels Hervé de Courrèges, Pierre-Joseph Givre et Nicolas Le Nen, 2006, Guerre en montagne. Renouveau tactique, Economica, coll. Stratégies & Doctrines, Paris, p. 109).

Néanmoins, la mise en place d'un pont ien entre Moscou et Kaboul en décembre 1979 relativise l'importance de cette vallée, dans la mesure où malgré sa position stratégique majeure, il est important de voir que l'armée soviétique a pu pénétrer en Afghanistan en s'affranchissant des contraintes au sol (200 chars sont ainsi débarqués par voie aérienne  Kaboul le 27 décembre 1979). L'enjeu militaire de la vallée est triple : il est, tout d'abord, logistique, puisqu'elle permet à chaque adversaire d'assurer son ravitaillement (via le Pakistan pour les moudjahidin, et via les territoires frontaliers de l'URSS, sachant que la voie aéeut suffire à tous les besoins). Il est, ensuite, tactique, la région montagneuse aux alentours servant de territoires-refuges pour les movements de résistance à l'invasion soviétique). Il est enfin, stratégique, dans la mesure où l'ambition de l'URSS est de contrôler l'ensemble de l'Afghanistan et de placer à la tête du pays un homme fidèle au pouvoir de Moscou, permettant ainsi de transformer l'Afghanistan en zone-tampon entre l'URSS alliés au bloc occidental, selon la logique d'affrontement par pays interposés de la guerre froide. Tandis que Kaboul constitue pendant la guerre de 1979-1989 un territoire-refuge, les affrontements se font majoritairement dans des zones qui constituent des voies d'accès majeures.

Pour plus d'informations, voir notamment le chapitre "L'opération Panshir V (1982) : la mobilité surclasse les feux" dans l'ouvrage des Lieutenants-Colonels Hervé de Courrèges, Pierre-Jospeh Givre et Nicolas Le Nen : Guerre en montagne. Renouveau stratégique, Economica, coll. Stratégies & Doctrines, Paris, 2006 (nouvelle édition en 2010). Concernant l'opération Panshir VII (1984), voir le reportage "Offensive soviétique en Afghanistan" datant du 9 avril 1984 sur le site de l'INA.

Aux lendemains de la guerre d'invasion, l'Afghanistan plonge dans une guerre civile. Les années 1990 sont particulièrement dures pour la vallée du Panshir, qui se retrouve au coeur des affrontements entre les différents chefs de la résistance contre l'invasion soviétique qui se disputent le pouvoir, dès le départ des troupes soviétiques en Afghanistan. La guerre civile se prolonge jusqu'en 1996, date de la prise du pouvoir par les Taliban. Auparavant, la vallée du Panshir devient le fief du commandant Massoul et de son mouvement, isolés politiquement. Elle va donc devenir le théâtre d'incursions des Taliban cherchant l'affrontement avec les alliés de Massoud, dans le but d'obtenir le pouvoir et le contrôle de l'Afghanistan. Les combats dans cette vallée vont même se poursuivre dans la fin des années 1990 (voir, par exemple, le reportage "Vallée du Panshir en 1998 : combats et scènes rurales" datant du 1er janvier 1998, sur le site de l'INA). Pendant la fin des années 1990, la vallée devient alternativement un espace de combats et un espace refuge, voyant ainsi de nombreux déplacements de populations, parfois fuyant leur habitat, parfois venant d'une autre région pour s'installer dans la vallée du Panshir (voir les reportages "Exode de civils vers le Panshir", et "Vallée du Panjshir : affrontements et exode en 1999", datant du 1er janvier 1999, sur le site de l'INA). Durant les années 1990, la vallée devient alors un haut-lieu de l'affrontement politique (les combats sont liés à l'affrontement politique interne entre les Taliban et leurs opposants "terrés" dans cette région qui constitue leur fief) là où elle était un haut-lieu de l'affrontement militaire dans les années 1980 (c'est-à-dire que les combats y avaient pour objectif premier d'obtenir des avantages taciques, stratégiques et logistiques).

La forte dimension symbolique du personnage de Massoud est également importante pour comprendre cette région. Ainsi, son tombeau est devenu un haut-lieu de l'identité de cette région, et est même devenu un lieu de pélerinage. Ainsi, par le combat du commandant Massoud et de ses partisans, la vallée revêt désormais une forte symbolique. De territoire de combats, elle est devenue territoire-martyr, et le mausolée de Massoud un haut-lieu pour les anciens moudjahidin. La vallée du Panshir est relativement calme à l'heure actuelle, elle est au coeur des enjeux de la reconstruction post-conflit, entre paupérisation des populations, destruction des infrastructures et gestion de l'arrivée de populations des autres régions de l'Afghanistan.



==> Site et situation sont deux concepts qu'il faut prendre en compte dans la conduite de la guerre, puisqu'ils permettent de déterminer des zones stratégiques dans la planification des opérations. Dans les années 1980, la position de la vallée du panshir en fait une voie de passage très avantageuse pour les deux ennemis (troupes soviétiques d'un côté et divers mouvements de résistance à cette invasion de l'autre). Néanmoins, ils ne sont pas suffisants pour expliquer tous les critères de détermination d'une zone stratégique : dans les années 1990, c'est principalement la présence des partisans de Massoud, opposant aux Taliban, qui détermine les combats dans la vallée du Panshir. Dans le même temps, la vallée accueille un flux important de déplacés provenant d'autres régions de l'Afghanistan. Il est nécessaire de rappeler le rôle de territoire-refuge qui a toujours été inhérent à la montagne : la difficulté de ce milieu dans la conduite de la guerre, le manque de visibilité et d'accessibilité notamment, permettent ainsi à des populations civiles comme à des groupes armés de se réfugier dans ces espaces.

"Dans la défensive, le terrain [montagneux] offre plusieurs avantages : une progression de l'ennemi ralentie, un emploi restreint des blindés, le passage prévisible de l'attaquant sur certains axes, des points d'observation en hauteur, un couvert forestier pouvant assurer une protection. [...] Dans le combat offensif, le but est d'attaquer des points dont l'occupation entraîne la désorganisation du système de défense de l'adversaire, le plus souvent situé sur les axes de communication" (Philippe Boulanger, 2006, Géographie militaire, Ellipses, coll. Carrefours Les Dossiers, Paris, pp. 156-158).



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