Les travaux de la géographe Jeanne Vivet (doctorante à l'Université Paris X) concernent les déplacés de guerre "invisibles", c'est-à-dire les populations issues de migrations forcées suite à un conflit qui s'installent dans une "ville-refuge" sans être accueillies dans des structures spécifiquement dédiées à leur déplacement (les camps de déplacés/réfugiés) qui les rendraient "visibles" du fait de leur "encampement". On avait déjà abordé la question de la ville et des déplacés de guerre dans les cas du Sri Lanka et de la Somalie (tout particulièrement Mogadiscio). De telles problématiques questionnent à la fois les parcours migratoires (lieux d'origine, lieux de transit, lieux d'arrivée) et la nature des mobilités (contraintes, forcées, restreintes, interdites) de telles populations, mais également le problème de l'intégration des populations au sein de l'espace social dans lequel elles s'installent : la question des déplacés/réfugiés "invisibles" met en exergue des situations mal connues (en termes quantitatifs comme qualitatifs) et souvent mal gérées : dans quelles conditions (réseaux de solidarité / exclusion / marginalisation) ces populations s'intègrent-elles dans les villes-refuges dans lesquelles elles font face à la fois à leur déracinement forcé (vis-à-vis du lieu d'origine) et à un enracinement nécessaire (dans le lieu d'arrivée).
Les travaux de Jeanne Vivet portent, tout particulièrement, sur les villes de Maputo (Mozambique) et Luanda (Angola). Elle se propose ainsi de confronter ces deux villes pour analyser le processus de "citadinisation" de ces populations qui ne sont pas encadrées par des structures bien établies (UNHCR, ONG...) et ne sont pas cloisonnées dans l'espace (à travers leur enfermement dans des camps de déplacés/réfugiés). Elle "cherche donc par l’étude de ces deslocados à interroger cette notion en analysant leur rapport à la ville, leur définition de soi comme citadin, leur appropriation des territoires urbains, etc." (Jeanne Vivet, "Entre déracinement et réenracinement : Quelle identité des deslocados à Maputo et Luanda ?", colloque Identités en ville, identités de la ville, 21 et 22 janvier 2008, Université Paris 7).
Pour découvrir ces travaux, voir la vidéo de l'intervention de Jeanne Vivet à la journée d'études Migrations : nouvelles pratiques, approches plurielles (EHESS, Paris, 8, 9 et 10 octobre 2008) intitulée "Maputo : des déplacés de guerre invisibles ?" (cliquer sur le titre pour trouver le texte de cette intervention).
"Cette communication se propose d’analyser la relative « invisibilité » des deslocados (déplacés de guerre) à Maputo au Mozambique. Cette invisibilité à la fois statistique, politique et territoriale pose des enjeux scientifiques et méthodologiques. Quel statut donner à l’invisible et comment l’appréhender sur le terrain ? En géographie, la notion d’invisible peut être entendue à deux niveaux distincts. Elle signifierait d’abord ce qui, dans l’espace, serait difficilement perceptible car non aisément distinguable. Ainsi des migrants dispersés à l’échelle d’une ville sont moins visibles que des étrangers regroupés dans un quartier « ethnique », à l’instar d’un « Chinatown ». L’invisible renverrait ensuite également à ce qui n’aurait pas de représentation normée dans une société donnée, ni d’organisations chargées de les représenter. Quels sont les enjeux méthodologiques d’une telle situation pour le chercheur ? Comment aborder ces anciens déplacés sur le terrain ? L’invisibilité est-elle le signe d’une intégration urbaine ou « assimilation » réussie ? Ou au contraire faut-il l’analyser comme une manifestation de leur « oppression » ? Dire l’invisible peut être un acte positif : le chercheur peut devenir un moyen de faire entendre la voix des déplacés, « oubliés de l’histoire », qui n’avaient pas la possibilité de le faire. Mais l’engagement du chercheur à révéler et dire l’invisible peut aussi le guider vers la volonté de le taire, afin de ne pas nuire à un individu ou à un groupe."
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