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lundi 9 novembre 2009

Le Mur et ses lieux emblématiques


En ce 20ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin, les émissions de radio et de télévision consacrées à l'événement foisonnent. Force est de constater que beaucoup appréhendent la construction et la chute du Mur par une approche historique. Pourtant, le questionnement ne peut faire l'économie de la géographie : le mur est une discontinuité spatiale qui s'ancre dans les paysages urbains et influencent les territorialités. La question du Mur de Berlin doit donc être analysée au prisme du duo points/lignes.

Les points posent à la fois la problématique du seuil et celle du géosymbole/haut-lieu. Parce que si le Mur semblait, dans l'imaginaire spatial, une construction infranchissable, de par la forte sécurisation, si les mobilités étaient effectivement restreintes et soumises à autorisation, le contrôle n'était pas absolu. Il existait dès lors plusieurs sortes de détournements du Mur comme barrière infranchissable : tout d'abord, le check-point constituait un seuil fortement identifiable et symbolique dans le paysage urbain.

D'une part, les noms de Checkpoint Charlie (Friedrichtstrasse) et de la Potsdamerplatz (voir une carte interactive) restent ancrés dans l'imaginaire collectif. Ils représentaient des géosymboles du passage contrôlé, des mobilités restreintes sous réserve d'avoir obtenu les autorisations légales. De hauts-lieux de la division (pas seulement à l'échelle de la ville mais également à l'échelle de l'organisation bipolaire du monde), ils sont devenus des hauts-lieux de la mémoire. De hauts-lieux du contrôle des mobilités et des identités, ils sont devenus des hauts-lieux commémoratifs : certaines traces du mur ont ainsi été maintenues volontairement dans la ville pour rendre le devoir de mémoire visible et l'inscrire dans le paysage. Interroger le mur au prisme de la question des mobilités permet aussi de montrer que, malgré la chute du Mur de Berlin, les pratiques spatiales des habitants ont longtemps été marquées par l'ancienne division, la ligne-frontière restant dans les esprits (voir notamment Jean-Paul Burdy, 2004, "La liberté coûte un ticket de métro... Transports et circulations dans le Berlin de la guerre froide (1949-1989)", Histoire Urbaine, n°11, n°2004/3, pp. 81-108). Et les symboles eux aussi sont restés, au point d'être déterritorialisés, comme l'exemple du "Checkpoint Charlie" de Nicosie, référence au géosymbole berlinois pour souligner par la toponymie la division actuelle de la capitale chypriote.

D'autre part, la question de l'enclavement suppose un imaginaire spatial reposant sur l'enfermement, la clôture et l'impossibilité de sortir. Les travaux récents des chercheurs en sciences humaines sur la question de l'enfermement montrent bien qu'il existe, en réponse à un enfermement vécu comme punition, des réponses passant par la construction d'un imaginaire spatial (les travaux du géographe Olivier Milhaud sur la géographie de la prison et de l'équipe TerrFerme sur les dispositifs contemporains de l'enfermement sont à ce titre particulièrement éloquents). L'imaginaire repose sur une évasion : la ville est vécue comme une prison par la privation - ressentie comme punitive pour les habitants de Berlin-Est. Du côté plus matériel, l'enfermement derrière une ligne politique matérialisée et contrôlée suppose une mise en place d'un système informel - et souvent criminel - fondé sur le franchissement de la ligne (on en voit des exemples pour le franchissement des "murs" (qu'ils soient matérialisés à Ceuta et Melilla ou non) séparant les pays africains des pays européens. Contournements moins connus également : les ouvertures mêmes qui perduraient même au temps de la division de la ville, comme l'exemple des lignes aériennes de métro reliant les stations de Berlin-Ouest aux stations "fantômes" de Berlin-Est : les lignes de transport existaient, seulement les Berlinois de l'Est ne pouvaient entrer dans de telles stations, jouant sur l'imaginaire d'une mobilité possible mais interdite. Ainsi, le Mur n'a pas, en soi, empêché les mobilités, il les a fortement restreintes tant dans les faits que dans les esprits, en les rendant "interdites".

Le Mur, une question géographique !


On retrouvera également des questionnements sur la place du mur dans la ville en guerre dans le billet "La guerre, la ville et le mur" du 22 janvier 2009.


2 commentaires:

Tratnjek Bénédicte a dit…

Petit ajout : on retrouvera l'article du géographe Antoine Fleury pour le Mensuel de l'Université sur Potsdamer Platz publié le 5 novembre 2009. Antoine Fleury travaille sur les espaces publics urbaines, entre biens communs et appropriation.

Résumé de l'article :
"De no man’s land pendant la Guerre froide, la Potsdamer Platz est redevenue une centralité majeure dans l’espace berlinois. Mais derrière le symbole que représente cette place, les objectifs qui ont présidé à l’aménagement du quartier et la façon dont ce dernier a été produit doivent être interrogés. En quoi ces choix pèsent-ils aujourd’hui sur les usages de l’espace public ?"

Antoine Fleury, "Potsdamer Platz : l'envers du décor", Le Mensuel de l'Université, 5 novembre 2009.
http://www.lemensuel.net/2009/11/05/potsdamer-platz-l%e2%80%99envers-du-decor/

Tratnjek Bénédicte a dit…

M. Augris, professeur au lycée Claude Gellée d'Epinal, publie ce samedi 14 novembre 2009, un post intitulé "La Potsdamer Platz à Berlin : symbole des transformations de la ville" à consulter pour ses nombreuses informations et illustrations.

http://histoire-geo-remiremont.blogspot.com/2009/11/la-potsdamer-platz-berlin-symbole-des.html