De violents combats ont opposé ce mardi 24 février 2009 les islamistes radicaux et les forces progouvernementales à Mogadiscio. Ces violences s'inscrivent dans un contexte d'instabilité politique chronique en Somalie, tout particulièrement dans la capitale Mogadiscio. Depuis les famines et la guerre dans les années 1990, la situation de la Somalie reste très précaire, tant du point de vue de son instabilité politique que du fait des conséquences de la guerre.
La ville de Mogadiscio a été en proie à une guerre civile depuis 1988, qui a déclenché l'opération "Restore Hope" en juin 1993 (voir à ce propos l'excellent billet de François Duran "Mogadiscio, le 17 juin 1993"). Alors que la situation s'est stabilisée dans le reste du pays à partir de 1995, Mogadiscio et sa région sont restées en proie à une importante déstabilisation. Les conséquences de la guerre civile pour la ville de Mogadiscio sont multiples :
- importance des destructions
Destructions des habitations, de la voierie, des services publics (tels que le ramassage des ordures, les services médicaux, l'éducation...), etc.
Ces destructions se surajoutent à un urbanisme déjà déficient et à de grandes difficultés (voir à ce propos Marc-Antoine Pérouse de Montclos, 2000, Villes en guerre en Somalie : Mogadiscio et Hargeisa, Les Dossiers du CEPED, n°59, Centre français sur la population et le développement, 68 pages). L'inscription durable dans le temps et dans l'espace de l'instabilité ont empêché toute reconstruction tant du bâti, que des infrastructures et des services publics.
- des flux massifs de population
Ces flux se font dans les 2 sens : arrivée de déplacés dans la ville de Mogadiscio et exode massif des habitants de Mogadiscio, en fonction de la situation politique.
Cela se traduit notamment par la multiplication de "camps de réfugiés" (ici, le terme de "camps de déplacés" serait plus approprié, même si l'on ne distingue pas, par la terminologie, la provenance des habitants de ces espaces d'accueil en utilisant globalement l'expression "camps de réfugiés). Ces réfugiés ne comptent pas s'installer définitivement dans la ville de Mogadiscio. Les camps sont principalement répartis dans les espaces laissés vides par l'urbanisation et à la périphérie de la ville.
A chaque reprise des combats à Mogadiscio, la ville se vide d'une part très importante de sa population. Les affrontements du mardi 24 février 2009 ont ainsi provoqué le départ de milliers d'habitants de la capitale pour le Kenya, qui s'installent principalement dans le camps de réfugiés (on peut parler là de réel camp de réfugiés, puisqu'il accueille des arrivants ayant fui leur pays) de Dadaab (Nord-Est du Kenya), un camp surpeuplé dans lequel les conditions de vie sont déplorables, comme le prouve l'épidémie de choléra actuelle. Force est de constater que la situation dans ce camp ne risque pas de s'arranger avec l'arrivée massive de nouveaux réfugiés.
- une situation qui s'enlise
Les violences se poursuivent dans la ville de Mogadiscio, soumise à de régulières oppositions armées entre les milices et les forces pro-gouvernementales (comme, par exemple, les affrontements du mois de juin 2008), ainsi qu'à de violentes émeutes (comme les émeutes de mai 2008).
- une insécurité accrue
La ville toute entière ainsi que ses voies d'accès sont particulièrement insécurisées. Les voyageurs sont menacés par des pilleurs, des milices... De plus, les chefs de guerre se disputent des quartiers, afin d'asseoir leur pouvoir, leur contrôle territorial, ainsi que leurs trafics criminels (voir à ce propos l'article d'Alain Gascon, "La Somalie en mauvais Etat", Echogéo, Rubrique Sur le vif, 27 mai 2008).
- une jeunesse détruite
Par l'engagement de nombreux enfants dans les milices, par le manque d'accès à l'éducation, par le manque d'accès aux soins médicaux et à une alimentation suffisante...
En résulte dans la capitale une véritable anarchie. La Somalie est un pays sans Etat stable, en proie aux affrontements entre un gouvernement qui peine à établir sa souveraineté territoriale et des milices qui s'approprient des territoires dans lesquels règnent leur autorité.
A lire sur la ville de Mogadiscio :
- Alain Gascon, 2008, "La Somalie en mauvais Etat", Echogéo, Rubrique Sur le vif, 27 mai 2008.
- François Duran "Mogadiscio, le 17 juin 1993", blog Théâtre des opérations, 9 septembre 2007.
- CEREX (Centre d'Evaluation et de Retour d'Expérience), 2001, "Combats en zone urbanisée. Retour d'expérience des combats de Mogadiscio", Les Cahiers du RETEX, n°4, pp. 1-5.
- Colonel Pierre de Saqui de Sannes, 2004, "Des enseignements toujours valables dix ans après... Les combats de Mogadiscio (juin 1993)", Doctrine, n°03, juin 2004, pp. 51-55.
- Marc-Antoine Pérouse de Montclos, 2000, Villes en guerre en Somalie : Mogadiscio et Hargeisa, Les Dossiers du CEPED, n°59, Centre français sur la population et le développement, 68 pages.
- Roland Marchal, 1992, "La guerre à Mogadiscio", Politique africaine, n°46, juin 1992, pp. 120-125.
- Roland Marchal, 2000, Mogadiscio dans la guerre civile : rêves d'Etat, Les Etudes du CERI, N°69, octobre 2000, Centre d'études et de recherches internationales, 36 pages.
- Le chapitre "Mogadiscio", dans "Géographie et combat en zone urbaine", Cahier de la recherche doctrinale, CDEF (Centre de Doctrine et d'Emploi des Forces) / DREX (Division Recherche et Retour d'Expérience), janvier 2005, annexe n°V, pp. 107-126.
A voir :
- "Reportage sur la vie quotidienne à Mogadiscio", France 24, 9 décembre 2007.
- "Les acteurs d'une guerre sans fin", France 24, 20 novembre 2008.
- "Dix-sept années de chaos", France 24, 24 février 2009.
- "Plus de 80 morts dans les affrontements à Mogadiscio", France 24, 25 février 2009.
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