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jeudi 5 mai 2011

Géographie des conflits récents : quelques articles (2)


Voici une actualisation du billet "Géographie des conflits récents : quelques articles" (11 mai 2009) qui proposait une "revue des revues" sur la polémogéographie. De la même façon, il s'agit de proposer des articles récents sur la géographie des conflits armés et sur la conflictualités des territoires, et de mettre à disposition les liens et leurs résumés.


Evelyne Ritaine, "La barrière et le checkpoint : mise en politique de l’asymétrie", Cultures & Conflits, n°73, pp. 15-33.
En considérant tous les murs de séparation contemporains (frontières blindées, lignes de cessez-le-feu outrepassées, séparations urbaines, gated communities) comme des gestes comparables (processus de blindage d’une limite territorialisée, destinés à contrôler la circulation des personnes), que peut-on apprendre de leur sens politique dans le contexte de la globalisation ? Le blindage contemporain de la limite territorialisée apparaît comme une réponse asymétrique à la perception d’un péril asymétrique. En se préoccupant d’« enfermer dehors » les indésirables, c’est-à-dire de prévenir un danger asymétrique, cette politique du Mur crée un espace public asymétrique. Asymétrique par le pouvoir de décision de la séparation que s’arroge l’une des parties, la plus puissante, tandis que l’autre est séparée de fait. Asymétrique par le pouvoir de contrôle qui se déploie ainsi, incarné par une lourde technologie militaro-policière, dans le triage des personnes - de leurs statuts. Asymétrique par le pouvoir de catégoriser qui vient légitimer la séparation, en définissant un espace de la sécurité et un espace du risque, un statut de reconnaissance et un statut de suspicion, une liberté de circulation et une limitation de la liberté de circulation, une reconnaissance de la dignité et une imposition de l’humiliation.


La commune d’Anjar (5000 hab.) se situe en position frontalière dans la plaine de la Békaa, sur la route Beyrouth - Damas ; elle fut le siège du centre de commandement des Forces syriennes au Liban de 1984 à 2005. Née en 1939 d’un camp de réfugiés chrétiens arméniens originaires du sandjak d’Alexandrette, la bourgade est le siège d’un conflit d’appropriation foncière depuis la fin des années 1990. Ce conflit oppose la municipalité et les instances islamiques (awqaf) de Barr Elias à propos de la propriété d’une colline. Ce litige montre la transcription au sol des frictions communautaires et des stratégies identitaires, avec pour corollaires l’élaboration d’une frontière locale et un conflit de mémoire, celle du lieu disputé. La gestion de ce conflit est révélatrice de la complexité du jeu politique libanais et des relations syro-libanaises.


Les associations féminines arabes en Israël entretiennent des relations diverses avec leurs homologues des Territoires palestiniens. Basés sur des solidarités nationales, des coopérations professionnelles et/ou une assistance humanitaire croissante, les contacts entre Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte sont en constante reconfiguration. Cet article se propose d’étudier les rapports transfrontaliers entre populations palestiniennes d’Israël et des Territoires occupés à l’aune de leur mobilisation féminine. En étudiant les liens qui se sont tissés entre associations de femmes dans les espaces israélo-palestiniens, cette recherche permet de comprendre les réajustements de la solidarité interpalestinienne. Si le déclenchement en 2000 de la seconde Intifada a renforcé les citoyens arabes dans leur affirmation d’une identité palestinienne, les enjeux immédiats de leur mobilisation sociale et politique restent ancrés dans les frontières de l’Etat israélien. De la même manière, la détérioration de la situation humanitaire dans les Territoires palestiniens conditionne la localisation des répertoires d’action des organisations civiles. Ainsi, quand bien même certains mouvements nationalistes et islamiques arabes défendraient l’idée d’une mobilisation palestinienne transfrontalière, les réalités et les priorités locales limitent, pour l’heure, toute concrétisation d’envergure.


La frontière en géographie est un concept polysémique. Outre son acception courante qui qualifie les lignes qui découpent l’espace terrestre en entités politiques étatiques, le géographe se doit d’analyser toutes les formes de limites, discontinuités et autre césures qui divisent l’espace humanisé. Le Proche-Orient, région multiculturelle et pluricommunautaire, offre un terrain passionnant à l’étude des phénomènes socioculturels et à leurs effets spatiaux. A partir de l’exemple druze en Syrie, nous montrerons comment une frontière sociale, celle construite par le groupe lui-même, a généré un territoire communautaire délimité par des frontières spatiales bien démarquées et comment ces dernières ont servi de base à la construction de frontières politiques dès lors que les stratégies des Etats successifs au pouvoir en Syrie ont convergé avec la construction socio-spatiale produite par la communauté druze.




Oumar Sy, "La transhumance transfrontalière, source de conflits au Ferlo (Sénégal)", Mappemonde, n°98, n°2/2010.
Il existe une importante mobilité pastorale transfrontalière au Ferlo (Sénégal) en provenance du Mali et de la Mauritanie voisins. Des enquêtes ont été menées entre 2000 et 2006 dans vingt zones de forages représentant les différentes zones agro-écologiques du Ferlo (y compris la zone fluvio-lacustre). L’analyse de l’usage des ressources pastorales par les transhumants, dans un contexte de rareté, permet de montrer quels sont les risques de conflits se profilant — entre acteurs locaux et étrangers — si des mesures d’encadrement de cette forme de transhumance ne sont pas mises en œuvre.



Paul David Régnier, "Un géographe au service des conflits : plaidoyer pour une géographie hors les murs", Tracés, hors-série n°10, 2010, pp. 174-186.
À partir d’une expérience dans les armées, impliquant le recours généralisé aux systèmes d’information géographique, l’auteur fait le plaidoyer d’un investissement des géographes dans le secteur privé, dans les institutions politiques et plus généralement dans le champ social.


Cet entretien vise, à partir de l’expérience de terrain de Marc Lavergne, à montrer le lien entre les pillages et les massacres opérés depuis 2003 dans les villagesdu Darfour par les milices tribales janja wid, et les projets du gou vernement soudanais enmatière de recompositionsocioethnique de cette région, en vue de faciliter une exploitation économique de type colonial. Derrière les pillages opérés au niveau local se profile ainsi une gestion par le pouvoir central du territoire et de la population sous son contrôle qui peut être assimilée à un piratage des ressources à son profit exclusif.


Pierre Jacquemot, "Ressources minérales, armes et violences dans les Kivus (RDC)", Hérodote, n°134, n°2009/3, pp. 38-62.
Le lien causal direct entre le commerce des minerais et les conflits persistants dans lesdeux provinces du Kivu et en Ituri, en République démocratique du Congo, est avéré depuis la publication de plusieurs rapports internationaux. L’exploitation et le trafic du coltan, de l’étain et de l’or, contrôlés par les groupes militaires et un entrelacs d’intermédiaires aux ramifications internationales, nourrissent les achats d’armes et entretiennent les tensions, dans une économie certes frauduleuse mais très organisée. De 1994 à 2008, les répercussions ont été tragiques : déplacements forcés des populations, violences contre les femmes, enrôlement des enfants, bouleversements des équilibres sociaux, pertes écologiques.


Jérôme Tubiana, "Lire entre les lignes d’un conflit. Fractures locales et actions internationales au cœur du Darfour", Afrique contemporaine, n°232, n°2009/4, pp. 75-95.
L’aide humanitaire au Darfour s’est essentiellement concentrée dans les camps qui abritent quelque 2,5 millions de déplacés non arabes. Cependant, certaines des organisations d’aide présentes sur le terrain ont tenté d’atteindre l’ensemble des communautés touchées par le conflit, y compris des communautés arabes souvent considérées en bloc comme responsables des crimes commis au cours de la guerre. Au-delà d’un meilleur équilibre dans la distribution de l’aide, l’idée est de la mettre à contribution au profit de tentatives de réconciliation locales, de plus en plus nombreuses depuis qu’en mai 2006, la signature partielle de l’accord de paix d’Abuja a provoqué l’enlisement du processus de paix global. Cet article évoque les premiers pas d’une ONG ayant tenté d’appliquer cette approche au sud du massif du Jebel Marra, cœur géographique et historique du Darfour, et bastion de la rébellion. L’analyse révèle des décalages importants entre les réalités du terrain et les grilles de lecture les plus répandues du conflit, montrant en particulier que l’opposition générale entre des agriculteurs « africains » détenteurs de terres et des pasteurs arabes sans terres est à nuancer. Cette réévaluation du contexte ne peut qu’obliger les acteurs internationaux à s’interroger sur leurs choix : comment leur intervention peut-elle être équilibrée en faveur des différents groupes sans valider des déséquilibres issus du conflit, à commencer par l’occupation des terres des déplacés ?


Frédéric Grare, "Baloutchistan : fin de partie ?", Hérodote, n°139, n°2010/4, pp. 99-122.
Depuis décembre 2005, le Baloutchistan, province la plus étendue mais la moins peuplée du Pakistan, est ravagé par un conflit ethnonationaliste, le cinquième depuis l’indépendance du pays. Cette situation trouve sa source immédiate dans le refus du régime de Pervez Musharraf de satisfaire les demandes baloutches en matière de développement économique et d’autonomie politique. Ses racines profondes sont cependant à rechercher dans la persistance d’un nationalisme baloutche qui connut son plein développement après la partition du sous-continent indien en 1947. Il témoigne également du caractère incomplet du processus d’intégration nationale au Pakistan. Régimes civils et militaires ont tous été incapables d’unir les populations du pays dans un vouloir politique commun. L’avenir de la province rebelle reste incertain mais le conflit en cours a peu de chances de lui apporter l’indépendance espérée. Le nationalisme baloutche a toutefois peu de chances de disparaître, en dépit de l’affaiblissement des organisations politiques qui le font vivre. À moyen terme, le risque repose dans l’érosion parallèle des structures de l’État fédéral et des structures tribales traditionnelles. Le vide politique qui pourrait en résulter pourrait être rempli par les éléments les plus radicaux de la société pakistanaise, affaiblissant un peu plus, un État déjà fragile.


Voir également d'autres articles en ligne parmi ceux déjà signalés :



2 commentaires:

Luc M a dit…

Le premier article semble particulièrement intéressant !

Proche de cette question, en voici un qui porte sur les "temporalités et perceptions de la séparation entre Israéliens et Palestiniens". Une réflexion très intéressante parce qu'elle met en relation la question de l'asymétrie dans la construction d'une frontière et ses conséquences sur l'espace vécu.

Cédric Parizot , « Temporalités et perceptions de la séparation entre Israéliens et Palestiniens », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem [En ligne] , 20 | 2009 , mis en ligne le 10 mars 2010, Consulté le 05 mai 2011. URL : http://bcrfj.revues.org/index6291.html

Tratnjek Bénédicte a dit…

Bonjour,

En effet, ces articles se retrouvent sur une approche par les représentations et les perceptions, qui me paraît fondamentale pour prendre toute l'ampleur des conflictualités.

J'ai justement cité cet article de Cédric Parizot dans la sitographie du billet précédent sur les murs :

http://geographie-ville-en-guerre.blogspot.com/2011/05/cafe-dalliance-geostrategique-murs-et_05.html