Le "retour à la paix" est un thème qui touche de très près les enjeux électoraux de l'immédiat après-guerre, et qui s'inscrit dans le temps plus long de l'après-guerre. Les hommes et les actions politiques sont longtemps jugés au regard de leur position vis-à-vis du conflit lui-même et de la gestion de la sortie de crise.
Les élections en Côte d'Ivoire : retards successifs et division Nord/Sud
Retardées depuis 2005, les élections présidentielles en Côte d'Ivoire se seront fait attendre 5 ans (voir, à ce propos, le billet de Sonia Le Gouriellec, "Afrique de l'Ouest : élections périlleuses", Good morning Afrika, 26 août 2010, qui propose notamment un schéma très instructif modélisant le processus électoral en Côte d'Ivoire). Ce processus électoral est particulièrement suivi par les politologues, mais on peut également avoir une approche géographique pour éclairer les enjeux politiques et sociaux qui se jouent dans ces élections (concernant les élections précédantes, voir les travaux du géographe Christian Bouquet, notamment son ouvrage Géopolitique de la Côte d'Ivoire, et ses articles "La crise ivoirienne en cartes" pour Géoconfluences, et "Election des conseils généraux en Côte d’Ivoire (Juillet 2002). Une géographie politique encore brouillée" pour Les Cahiers d’Outre-Mer).
Le contexte électoral en Côte d'Ivoire est très particulier pour plusieurs raisons :
- Tout d'abord, les crises successives dans ce pays ont fragilisé le processus démocratique depuis 1999 (voir l'article du géographe Christian Bouquet : "Le mauvais usage de la démocratie en Côte d'Ivoire", L'espace politique, n°2007-3. Concernant la démocratie, on écoutera l'émission de Pierre-Edouard Deldique, "La démocratie : histoire, théories, pratiques", sur RFI, avec pour invité Jean-Vincent Holeindre, partie I et partie II) ;
- Ensuite, les élections en Côte d'Ivoire ont réaffirmé la division du pays entre le Nord "rebelle" et le Sud : le premier tour des élections (dimanche 31 octobre 2010) a confirmé un "duel électoral" entre le président sortant Laurent Gbagbo (avec 38 % des suffrages expérimés) et son ancien premier ministre Alassane Ouatarra (avec 32 % des votes). La période entre les deux tours a été marquée par des tensions et des violences entre partisans des deux candidats, notamment à Abidjan* (voir sur le blog d'Alain Bertho, Anthropologie du présent, la page consacrée aux émeutes et violences liées aux élections ivoiriennes de novembre 2010 ou celle consacrée aux affrontements du 27 novembre à Abidjan, la veille du 2ème tour).
Les résultats du premier tour des élections ont laissé Laurent Gbagbo (président sortant, resté en place tout au long de la période où les élections n'ont eu de cesse d'être reportées depuis 2005) en tête, avec 38,6 % des votes. Son principal rival politique, Alassane Ouattara, arrive en seconde position avec 32,3 % des votes. Ce sont les deux hommes politiques qui ont accédé au second tour, qui se joue aujourd'hui, dimanche 28 novembre 2010, dans les urnes. Henri K. Bédié (avec 24,6 % des votes) et Albert Mabri (avec 2,4 % des votes) ne seront plus concernés en tant que candidats par le second tour.
Les résultats du premier tour laissaient déjà apparaître une géographie électorale "plaquée" sur la division Nord/Sud héritée de la crise politico-militaire de 2002 : deux fiefs électoraux se distinguent et ancrent la ligne de fracture de la Côte d'Ivoire. C'est donc l'électorat de Henri Konan Bédié qui fera pencher le second tour. Ce dernier a appelé ses électeurs a voter pour Alassane Ouattara suite au premier tour des élections. A lire, l'analyse de Michel Galy sur les résultats du premier tour et les enjeux des élections : "Côte d'Ivoire : la guerre des interprétations" (L'Humanité, 27 novembre 2010).
- Enfin, ces élections se sont passées sous le poids de la violence et de la contestation. Les résultats du second tour ne sont pour l'heure pas encore annoncés. Pourtant, Laurent Gbagbo a d'ores et déjà annoncé qu'il contesterait une partie des résultats (voir la dépêche du Nouvel Observateur du 29 novembre 2010). Parallèlement, Alassane Ouattara a contesté la levée d'un couvre-feu décidée par Laurent Gbagbo, entre le samedi 27 novembre à 22h00 et le dimanche 28 novembre, jour du second tour, à 7h00. Chacun des candidats évoque ainsi l'impossibilité pour leurs sympathisants de se rendre dans les bureaux de vote dès lors qu'ils vivent dans le fief électoral de l'autre candidat. Pour Ouattara, le couvre-feu est une manoeuvre politique de son adversaire pour mettre la main sur l'ensemble de l'électorat du Sud de la Côte d'Ivoire. Pour Gbagbo, le Nord est une zone contrôlée par les miliciens de son adversaire qui empêchent les électeurs de se rendre aux urnes dès lors qu'ils vuelent voter pour le président sortant. Dans les deux cas, la cartographie électorale est un argument politique pour "diaboliser" les pratiques de l'autre candidat. De plus, la place des milices dans l'espace ivoirien confirme la division politico-militaire et identitaire de la Côte d'Ivoire comme enjeu des élections, et comme futur argument de contestation des résultats. Ces derniers se font attendre dans un climat de tensions, voire de violences. L'émeute du 27 novembre 2010 dans le quartier dioula d'Abobo (un quartier populaire d'Abidjan) en est une bonne illustration, puisque les violences ont fait suite à la décision d'appliquer un couvre-feu nocturne dans la ville à la veille du second tour.
Le contexte électoral en Côte d'Ivoire est très particulier pour plusieurs raisons :
- Tout d'abord, les crises successives dans ce pays ont fragilisé le processus démocratique depuis 1999 (voir l'article du géographe Christian Bouquet : "Le mauvais usage de la démocratie en Côte d'Ivoire", L'espace politique, n°2007-3. Concernant la démocratie, on écoutera l'émission de Pierre-Edouard Deldique, "La démocratie : histoire, théories, pratiques", sur RFI, avec pour invité Jean-Vincent Holeindre, partie I et partie II) ;
- Ensuite, les élections en Côte d'Ivoire ont réaffirmé la division du pays entre le Nord "rebelle" et le Sud : le premier tour des élections (dimanche 31 octobre 2010) a confirmé un "duel électoral" entre le président sortant Laurent Gbagbo (avec 38 % des suffrages expérimés) et son ancien premier ministre Alassane Ouatarra (avec 32 % des votes). La période entre les deux tours a été marquée par des tensions et des violences entre partisans des deux candidats, notamment à Abidjan* (voir sur le blog d'Alain Bertho, Anthropologie du présent, la page consacrée aux émeutes et violences liées aux élections ivoiriennes de novembre 2010 ou celle consacrée aux affrontements du 27 novembre à Abidjan, la veille du 2ème tour).
Candidats en tête au premier tour des élections présidentielles
en Côte d'Ivoire de 2010 par départements.
Source : site Géographie électorale.
Les résultats du premier tour des élections ont laissé Laurent Gbagbo (président sortant, resté en place tout au long de la période où les élections n'ont eu de cesse d'être reportées depuis 2005) en tête, avec 38,6 % des votes. Son principal rival politique, Alassane Ouattara, arrive en seconde position avec 32,3 % des votes. Ce sont les deux hommes politiques qui ont accédé au second tour, qui se joue aujourd'hui, dimanche 28 novembre 2010, dans les urnes. Henri K. Bédié (avec 24,6 % des votes) et Albert Mabri (avec 2,4 % des votes) ne seront plus concernés en tant que candidats par le second tour.
Résultats du premier tour des élections de 2010 en Côte d'Ivoire
Source : site Géographie électorale.
Les résultats du premier tour laissaient déjà apparaître une géographie électorale "plaquée" sur la division Nord/Sud héritée de la crise politico-militaire de 2002 : deux fiefs électoraux se distinguent et ancrent la ligne de fracture de la Côte d'Ivoire. C'est donc l'électorat de Henri Konan Bédié qui fera pencher le second tour. Ce dernier a appelé ses électeurs a voter pour Alassane Ouattara suite au premier tour des élections. A lire, l'analyse de Michel Galy sur les résultats du premier tour et les enjeux des élections : "Côte d'Ivoire : la guerre des interprétations" (L'Humanité, 27 novembre 2010).
- Enfin, ces élections se sont passées sous le poids de la violence et de la contestation. Les résultats du second tour ne sont pour l'heure pas encore annoncés. Pourtant, Laurent Gbagbo a d'ores et déjà annoncé qu'il contesterait une partie des résultats (voir la dépêche du Nouvel Observateur du 29 novembre 2010). Parallèlement, Alassane Ouattara a contesté la levée d'un couvre-feu décidée par Laurent Gbagbo, entre le samedi 27 novembre à 22h00 et le dimanche 28 novembre, jour du second tour, à 7h00. Chacun des candidats évoque ainsi l'impossibilité pour leurs sympathisants de se rendre dans les bureaux de vote dès lors qu'ils vivent dans le fief électoral de l'autre candidat. Pour Ouattara, le couvre-feu est une manoeuvre politique de son adversaire pour mettre la main sur l'ensemble de l'électorat du Sud de la Côte d'Ivoire. Pour Gbagbo, le Nord est une zone contrôlée par les miliciens de son adversaire qui empêchent les électeurs de se rendre aux urnes dès lors qu'ils vuelent voter pour le président sortant. Dans les deux cas, la cartographie électorale est un argument politique pour "diaboliser" les pratiques de l'autre candidat. De plus, la place des milices dans l'espace ivoirien confirme la division politico-militaire et identitaire de la Côte d'Ivoire comme enjeu des élections, et comme futur argument de contestation des résultats. Ces derniers se font attendre dans un climat de tensions, voire de violences. L'émeute du 27 novembre 2010 dans le quartier dioula d'Abobo (un quartier populaire d'Abidjan) en est une bonne illustration, puisque les violences ont fait suite à la décision d'appliquer un couvre-feu nocturne dans la ville à la veille du second tour.
* On rappelle que si Abidjan est la ville principale et le pôle économique le plus important de Côte d'Ivoire, c'est bien Yamoussoukro qui est la capitale du pays. Pourtant, une partie des institutions politiques sont restées ou revenues à Abidjan, qui reste la capitale économique du pays, et le principal géosymbole de la vie politique ivoirienne.
Quelques points de repère :
- De courtes biographies des acteurs politiques de la Côte d'Ivoire sur le site de la Documentation française, dans son dossier "La crise en Côte d'Ivoire".
- Une chronologie avec des liens vers les événements de l'indépendance à 2006 sur le site Géographie de la ville en guerre.
Incontounables à lire :
- Christian Bouquet, 2008, Géopolitique de la Côte d'Ivoire, 2ème édition complétée et mise à jour, Armand Colin, collection Perspectives géopolitiques, Paris (1ère édition 2005).
- Christian Bouquet, 2007, "La crise ivoirienne par les cartes", Géoconfluences, dossier "Afrique subsaharienne : territoires et conflits".
- Christian Bouquet, 2008, Géopolitique de la Côte d'Ivoire, 2ème édition complétée et mise à jour, Armand Colin, collection Perspectives géopolitiques, Paris (1ère édition 2005).
- Christian Bouquet, 2007, "La crise ivoirienne par les cartes", Géoconfluences, dossier "Afrique subsaharienne : territoires et conflits".
Pour aller plus loin : quelques ressources en ligne
- Audrey Fromageot, 2006, "Agriculture et conflits en Côte d'Ivoire : terroirs maraîchers, territoires disputés", Géoconfluences, dossier "Afrique subsaharienne : territoires et conflits".
- Christian Bouquet, 2007, "Le mauvais usage de la démocratie en Côte d'Ivoire", L'Espace politique, n°2007/3.
- Michel Galy, 2004, "De la guerre nomade : sept approches du conflit autour de la Côte d’Ivoire", Cultures & Conflits, n°55, pp. 163-196.
- Christian Bouquet, 2003, "Le poids des étrangers en Côte d'Ivoire", Annales de géographie, vol. 112, n°630, pp. 115-145.
- Christian Bouquet, 2002, "Election des conseils généraux en Côte d’Ivoire (Juillet 2002) : une géographie politique encore brouillée", Les Cahiers d'Outer-Mer, n°219, pp. 345-350.
- Michel Galy, 2007, "Politologie d’une rébellion. Une « gouvernance par la violence » au Nord de la Côte d’Ivoire ?", Cultures & Conflits, n°65, pp. 137-155.
- Michel Galy, 2000, "Le savoir de l'Occident : sur les représentations du "Coup d'Abidjan", le 24 décembre 1999", Cultures & Conflits, n°37, pp. 105-121.
- Audrey Fromageot, 2006, "Agriculture et conflits en Côte d'Ivoire : terroirs maraîchers, territoires disputés", Géoconfluences, dossier "Afrique subsaharienne : territoires et conflits".
- Christian Bouquet, 2007, "Le mauvais usage de la démocratie en Côte d'Ivoire", L'Espace politique, n°2007/3.
- Michel Galy, 2004, "De la guerre nomade : sept approches du conflit autour de la Côte d’Ivoire", Cultures & Conflits, n°55, pp. 163-196.
- Christian Bouquet, 2003, "Le poids des étrangers en Côte d'Ivoire", Annales de géographie, vol. 112, n°630, pp. 115-145.
- Christian Bouquet, 2002, "Election des conseils généraux en Côte d’Ivoire (Juillet 2002) : une géographie politique encore brouillée", Les Cahiers d'Outer-Mer, n°219, pp. 345-350.
- Michel Galy, 2007, "Politologie d’une rébellion. Une « gouvernance par la violence » au Nord de la Côte d’Ivoire ?", Cultures & Conflits, n°65, pp. 137-155.
- Michel Galy, 2000, "Le savoir de l'Occident : sur les représentations du "Coup d'Abidjan", le 24 décembre 1999", Cultures & Conflits, n°37, pp. 105-121.
2 commentaires:
A l'heure où je bouclais ce billet, des premières rumeurs parvenaient (non recoupées pour l'instant par un journal "sérieux") sur Internet annonçant Alassane Ouattara comme gagnant des élections. La prudence reste de mise face à cette source. La place des rumeurs et de la manipulation des média dans ces élections a été d'ailleurs analysée par le politologue Michel Galy dans sa tribune pour L'Humanité citée dans ce billet.
Peu de temps après, une autre source donnait Laurent Gbagbo gagnant. Pour l'heure, aucun résultat officiel n'est annoncé.
Concernant les rumeurs et la manipulation des informations autour des résultats de ce scrutin, voir aussi : http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2447426&rubId=4077
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