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lundi 26 décembre 2011

De la guerre urbaine à la ville en guerre (RDV de l'IRSEM - 10 janvier)

De la guerre urbaine à la ville en guerre



mardi 10 janvier 2012, 12h30-14h00, Amphithéâtre De Bourcet, Ecole militaire
(attention changement d'amphithéâtre)



Intervenants :



«  Nous avions le sentiment désagréable d’être exposés à une menace permanente. Il y avait bien sûr les snipers, qui surveillaient toute la ville (notamment la grande artère centrale qu’on appelait « Sniper Alley »), raison pour laquelle tout le monde vivait caché. Il y avait aussi les obus : 120 mm de mortiers, 100 mm des chars T-55, 122 mm de l’artillerie lourde… La ville en recevait 300 à 400 par jour, tirés au hasard, du harcèlement pur et simple » (Michel Goya, 2011, « Sarajevo 19993, les snipers dans le viseur », Guerres & Histoire, n°3, pp. 6-13). Le témoignage du colonel Michel Goya montre bien le vécu des militaires français déployés à Sarajevo en 1993 pour la lutte anti-snipers. Pourtant, des analyses a posterio ont montré que le harcèlement par tirs sur la ville de Sarajevo ne relevait pas d’une volonté d’anéantissement de la ville, les Serbes de Bosnie-Herzégovine ayant pour projet de faire de la ville la capitale d’un Etat serbe de Bosnie-Herzégovine. La destruction des hauts-lieux comme celle des lieux « ordinaires » avaient pour objectif de détruire non la ville comme espace de vie, mais l’urbanité comme vivre ensemble. Les acteurs en armes utilisent la ville comme un espace-scène dans lequel la destruction/(re)construction des lieux et la territorialisation de et par la violence leur permet de rendre visible leur message politique.

La destruction des espaces de rencontre relèvent de nettoyages territoriaux qui impactent sur la ville non seulement comme espace de combats, mais aussi comme espace de vie et comme espace discursif. A Kosovska Mitrovica/Mitrovicë, les espaces de la mort ne correspondent pas avec les espaces des vivants. A Beyrouth, le Hezbollah s’est fait urbaniste dans des quartiers de la banlieue sud, devenus des foyers de contestation et de radicalisation politiques. A Kaboul, les friches urbaines accueillent de très nombreux déplacés/réfugiés de guerre provoquant surdensification, paupérisation et taudification. A Abidjan, les quartiers d'Abobo et de Yopougon ont été des fiefs politiques pour les deux candidats du second tour des élections présidentiels, tandis que les habitants d'autres quartiers, comme Treichville, ont vécu différemment ces affrontements. A Mostar, la reconstruction du Vieux Pont n’a pas empêché l’homogénéisation de deux quartiers-territoires qui se font face. A Sarajevo, la « bosniaquisation » de la ville se traduit dans la construction d'un vivre sans "l'Autre". La ville en guerre se construit autant comme un théâtre d’opérations que comme un géosymbole.

La recherche stratégique et doctrinale a intégré la question de la « guerre urbaine » et des « interventions militaires en zone urbaine », en pensant la ville comme un espace unique à plusieurs échelles : à l’échelle du monde, à l’échelle du pays ou à l’échelle de la ville, la « zone urbaine » est pensée comme une « zone de zones », stable dans l’espace et dans le temps, où l’intervention armée est complexifiée par la présence de la population et par les trois dimensions (sol, sous-sol, hauteurs des bâtiments). Si ces aspects techniques de l’intervention militaire sont bien « acquis » et nécessaires, il n’en reste pas moins qu’à Bagdad ou Kaboul, les armées sont « embourbées » dans une (im)possible gestion de crise. On postule que les processus politiques doivent être intégrés dans une manière de (re)penser l’espace urbain. En déplaçant le paradigme de la « guerre urbaine », on cherche à établir comment penser la (re)construction et la (ré)conciliation des populations dans des espaces politiques en transition. Cette approche par le local et le micro-local vise à replacer la population, mais aussi les belligérants, les réseaux criminels comme acteurs déstabilisateurs et les acteurs de la paix (militaires, humanitaires, médias…) au cœur de la réflexion : ce constat vise à produire une réintégration des spatialités dans la compréhension des processus politiques de (dé)stabilisation, dans les processus sociaux de fragmentations urbaines, et dans la construction d’une « nouvelle » urbanité dans l’après-guerre. Comprendre la symbolique des lieux et la territorialisation de et par la violence est aujourd’hui un enjeu de la pacification des territoires dans les « bourbiers urbains ».

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