Kevin Sutton, l'un des intervenants du prochain café géographique de Paris du 29 novembre 2011 sur "les Alpes, terres de conflits ? Entre traversées alpines et espaces protégés" qui portera sur les conflits d'aménagement, d'usages et de représentations dans les Alpes (avec le géographe Lionel Laslaz, spécialiste des espaces protégés et de la polémogéographie : voir notamment "Les espaces protégés : des territoires de conflits ?", Les Cafés géographiques, rubrique Vox geographi, 20 avril 2011), soutiendra sa thèse intitulée Les Nouvelles Traversées Alpines. Entre copspatialité de systèmes nationaux et recherche d'interspatialités, une géopolitique circulatoire, le vendredi 2 décembre 2011 à l'Université de Savoie / Chambéry (amphithéâtre du Pôle Montagne, site de Technolac, Le Bourget-du-Lac, 14h).
Résumé de la thèse par l'auteur :
"L’approche moderne des Traversées Alpines s’est fondée sur un postulat de corrélation de trois dynamiques : l’accélération, la concentration et l’extériorisation. Il convient aujourd’hui de le réinterroger. Les cadres d’étude récents des phénomènes de Traversées Alpines ont enfermé ce champ dans des approches spatiales segmentées (corridor, axe ; découpage courant Alpes occidentales/centrales/orientales). Ce contexte épistémologique révèle la prédominance du versant nord comme prisme de considération du phénomène. Il renforce le paradoxe animant le fond des Traversées Alpines : alors que l’Italie est le dénominateur commun à tous les axes de franchissement, ce pays est le plus absent tant dans la littérature que dans la menée politique des conditions d’exercice des flux. Le contexte géopolitique explique pour partie cette situation. Le jeu politique des Traversées témoigne d’une forme de « complexe de centralité » animant l’Autriche et plus encore la Suisse. Ce paradoxe remet en cause un premier postulat moderne, la course à l’extériorisation. Si les nœuds associés au franchissement se retrouvent aujourd’hui jusqu’à Mannheim voire Rotterdam, le cadre politique n’est, lui, pas dépassé. Le cadre technique, caractérisé par une recherche de continuités réticulaires (libéralisations, interopérabilités, tunnels de base), se concrétise au contact du cadre politique par l’émergence d’un mouvement nodal contraire. L’ouverture des tunnels de base comme la mise en place des réseaux de production des nouveaux acteurs sur le marché ferroviaire inventent et réactivent des nœuds à l’intérieur du massif. Cette nodogenèse interroge ainsi le présupposé répandu d’effacement, corollaire de cette ère affirmée des Nouvelles Traversées Alpines. L’accélération portée par les tunnels de base ne produit alors pas uniquement, à l’échelle des territoires alpins, une dynamique d’extériorisation ; il en va de même en ce qui concerne la concentration. L’itinéraire nouvellement ouvert n’efface pas les itinéraires précédents. Le tunnel de base du Lötschberg est exploité de concert avec la ligne de faîte. Il en sera de même avec le Gothard ou le Brenner. Si bien que la question de l’agencement vertical des logiques de franchissement se pose dans ce contexte d’éclatement des linéaires.
Réintériorisation, éclatement, accélération apparaît comme le nouveau tryptique à l’œuvre autour des Traversées Alpines. L’enjeu de la nouveauté est de remettre en cause les acquis d’une lecture moderniste et de questionner la profondeur du tournant actuel. Tout ne change pas : la dimension nationale reste prédominante, l’Italie reste en retrait. Les Traversées Alpines restent un ensemble de systèmes nationaux cospatiaux, en recherche d’interspatialités entre eux et avec les territoires traversés. Une configuration territoriale émerge, la basse vallée, comme espace de conflictualités en mal de médiations. La basse vallée accueille la nodogenèse, est le théâtre des oppositions aux projets actuels comme dans le Val de Suse, porte la majeure partie des chantiers des tunnels de base… Cet espace, hier considéré comme intermédiaire, réinvente la notion de piedmont en se posant en potentielle intermédiation entre des dimensions verticales toujours plus centrifuges. La « nouveauté » est ainsi à chercher dans cette nouvelle donne spatiale."