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dimanche 16 novembre 2008

Les camps dans la région d'Abéché (1) : la territorialisation des réfugiés



Olivier Kempf, dans son blog Etudes Géopolitiques Européennes et Atlantiques, propose un article très intéressant sur le cas d'Abéché, une ville-refuge du centre-Est du Tchad. Ville-refuge, car comme le définit Olivier Kempf, "il s'agit de la ville dont le fonctionnement est altéré par la guerre environnante, même si elle ne souffre pas directement de méfaits de la guerre". Le cas est d'autant plus intéressant que la ville est ici affectée à la fois par les tensions internes et par une guerre qui se déroule au-delà des frontières étatiques. L'afflux de populations réfugiés provenant du darfour voisin dans des camps, territoires construits dans l'urgence, entraîne des modifications du peuplement dans l'ensemble de la région. Olivier Kempf le montre : une accélération de l'exode rural, une arrivée massive d'acteurs extérieurs dans une "ville-vitrine" ("avec un peu d'ironie, on évoquera l'arme des ONG : il y aurait 46 ONG en ville ! Le processus est connu, et dû à la logique de fonctionnement économico-médiatique de cette catégorie : pour faire son travail, il faut des fonds, qu'on rassemble à coup de publicité, qu'on justifie en allant dans les endroits les plus emblématiques. Achébé a vu passer Georges Clooney et l'Arche de Zoé, une ONG sérieuse doit donc avoir un bureau à Achébé"). Mais également, "ville militarisée" : ces tensions se traduisent par la militarisation de la ville. Les camps militaires font apparaître de nouvelles formes de territorialisation, mais également de nouvelles formes de pouvoir dans la ville d'Achébé, spécifiques aux contingences militaires. De plus, la région d'Ouaddaï est une région d'accueil de très nombreux réfugiés soudanais. Comme le rappelle Olivier Kempf, "Achébé est la grande ville de l'est du Tchad. C'est la région limitrophe du Darfour soudanais [...] Le Ouaddaï accueille tout d'abord de nombreux réfugiés et déplacés provoqués par la crise du Darfour, agglutinés dans des camps le long de la frontière". L'arrivée d'acteurs extérieurs dans la ville d'Abéché ou à proximité de la ville a donc des conséquences avec l'apparition de nouvelles formes d'autorités, et entretient de nouvelles rivalités de pouvoir dans le contrôle et l'appropriation de l'espace. La démonstration d'Olivier Kempf montre bien les bouleversements de la géographie sociale dans cette ville. il en conlut que "c'est une certaine économie de guerre qui bouleverse la ville. La ville ne fait pas la guerre, mais elle est « en » guerre". Même si la guerre n'est pas dans la ville, elle peut la transformer par des conséquences indirectes.




Un camp de réfugiés au sud d'Abéché


Yann Arthus-Bertrand a monté une exposition pédagogique en ligne sur "Le développement durable, pourquoi ?" à partir de ces photographies. Parmi celles-ci, la thématique "Etre réfugié" est illustrée par une photographie d'un camp de réfugiés soudanais de Goz Amer, à 217 km au Sud d'Achébé. Ce camp de réfugiés a été ouvert en avril 2004 par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) pour accueillir les réfugiés venant du Darfour voisin. Le camp de réfugiés est un espace construit dans l'urgence, qui se définit par une appropriation spatiale extrême, une forme de marginalisation temporaire qui peut s'ancrer dans le long terme, et un espace politique qui amène de nouvelles rivalités de pouvoir. L'anthropologue Michel Agier analyse ainsi les camps de réfugiés comme "à la fois l’emblème de cette condition sociale formée par le tandem guerre/humanitaire, et le lieu où elle se construit de la manière la plus élaborée, comme une vie maintenue à distance du monde social et politique ordinaire" ("De nouvelles villes : les camps de réfugiés. Eléments d'ethnologie urbaine", Annales de la recherche urbaine, n°91, p. 129). Ce nouveau territoire implanté modifie profondément l'organisation des territoires environnants. D'une part, les habitants des zones rurales aux alentours des camps de réfugiés bénéficient d'une implantation urbaine, qui leur permet d'écouler leurs marchandises vivrières. Il s'agit en effet d'un nouveau marché avec une population démunie, qui ne sort pas des camps et qui sont autant de bouches à nourrir. Si les populations sont démunies, la présence des ONG permet de faire vivre ce marché vivrier, et ainsi se développe une économie "artificielle" (car temporaire, mais souvent porteuse de profondes modifications dans l'organisation des réseaux de distribution : les paysans se tournent plus aisément vers les camps de réfugiés du fait du fort pouvoir d'achat des ONG, et délaissent ainsi leurs marchés urbains "traditionnels"). De plus, s'instaure une réelle concurrence pour le territoire entre les paysans et l'installation du camp de réfugiés. Ce dernier "grignote" de l'espace, les zones dédiées à une agriculture peu productive en sont réduites. Au final, des tensions naissent entre des réfugiés qui bénéficient d'une aide humanitaire d'autant plus conséquente qu'elle sera médiatisée, tandis que la situation des ruraux ou des urbains vivant à proximité de ces camps se détériore (partage du territoire, partage des produits vivriers). Olivier Kempf le démontre clairement : "et l'on constate que dans les camps, les gens se plaisent. Ils sont même peut-être dans une situation plus favorable que le paysan qui travaille alentours : ils sont nourris, ils reçoivent de l'eau, des soins, une alphabétisation. Certes, ils ne sont plus chez eux mais ils peuvent considérer que leur confort a augmenté". La présence des humanitaires dans les villes aux alentours du ou des camps de réfugiés modifie également la géographie sociale et culturelle. Ces acteurs extérieurs ont un mode de vie différent des urbains locaux (habitudes alimentaires, utilisation de véhicules, conditions de logements...) et un pouvoir d'achat nettement supérieur (qui réhausse les prix dans la ville lorsque les organisations humanitaires sont très nombreuses). Olivier Kempf montre combien l'exemple d'Achébé, ville-vitrine, est, à ce titre, illustratif. D'autre part, les camps de réfugiés recréent une véritable vie urbaine, avec des services de base (alimentation, eau, soins médicaux). Ces espaces clos sont organisés et socialisés par les ONG. Virginie Tallio (doctorante en ethnologie et en anthropologie sociale à l'EHESS) le montre à propos du camp de Nkondo en République Démocratique du Congo : "les agences humanitaires internationales, que ce soit les institutions onusiennes ou les O.N.G., ont donc modelé un espace et créé des catégories spécifiques afin de gérer les camps et d'assurer à la population la satisfaction de ses besoins vitaux. Mais les contraintes des programmes des agences humanitaires sont contournées par les réfugiés. Ainsi, leur mise en place contribue à faire jaillir des formes de socialisation et de politisation dans la gestion de la vie biologique. Ce constat dessine une nouvelle piste de recherche, celle de l'émergence d'une forme de pouvoir particulière à cet espace. Celui-ci, aux vues du contexte dans lequel s'effectue l'intervention humanitaire dans les camps de réfugiés, s'assimile à la « bio-politique », dans le sens foucaldien du terme [cf. Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, 1987], mais n'en reste pas moins caractéristique d'un espace où les sujets deviennent acteurs" (Virginie Tallio, "L'humanitaire comme producteur de territoire. L'exemple dy camp de Nkondo ouvert aux réfugiés angolais en R.D.C.", Bulletin de l'Association de Géographes Français, n°2006-1, mars 2006, pp. 39-49). Le camp devient un espace politique particulier, dans lequel des règles se fondent autour de l'enfermement des habitants. Pas de rencontre donc entre l'espace habité par les locaux et l'espace approprié par les réfugiés, mais des incidences de ce dernier sur les équilibres territoriaux, sociaux et politiques qui pré-existaient à l'installation du ou des camps.



Camps de réfugiés soudanais de Bredjing près de la frontière soudanienne
Tchad (13°28’ N - 21°42’ E) - Yann Arthus-Bertrand
"
Le Soudan, géant africain aux neuf frontières, n’a connu que 11 ans de paix depuis son
indépendance en 1955. La guerre civile trouve son origine dans l’opposition entre un Nord dominant, arabe et musulman et un Sud noir-africain, chrétien et animiste. Depuis 2003, le conflit s’est durci dans la région du Darfour au sud-ouest du pays, où les milices arabes Janjaweed armées par le gouvernement, ont poussé sur les routes plus d’1 million de personnes en une seule année. Près de 200 000 sont réfugiées au Tchad, dans des camps dont la capacité d’accueil est parfois dépassée, comme ici à Bredjing. Aujourd’hui, les guerres civiles sont beaucoup plus fréquentes que les conflits entre nations. Depuis 1990, 55 des 59 conflits enregistrés dans le monde se sont produits à l'intérieur même d'un pays, impliquant ainsi directement la population civile. Plus de 2 millions d'enfants ont été tués au cours de ces combats et 20 millions déplacés. Villages incendiés, pillages, viols, meurtres et destruction systématique des moyens de subsistance... Les populations sont d’autant plus démunies face à ces violences qu’elles émanent de leur propre gouvernement."

Source : site de Yann Arthus-Bertrand.


Quelques lectures sur le Tchad :


  • Géraud Magrin, "Tchad 2008. Géographie d'une guerre ordinaire", Echogéo, rubrique Sur le vif 2008, mis en ligne le 13 mai 2008.
  • Johanne Favre, "Marginalité de l'Etat et violences sociales au Far Est (Tchad oriental)", Bulletin de l'Association de Géographes Français, n°2007-3, septembre 2007, pp. 357-365.
  • Gérard-François Dumont, "Géopolitique et populations au Tchad", Outre-Terre, n°20, 2007/3.
  • Le blog d'Isabelle Bal (18e Régiment des Transmissions) consacré au Tchad et à la mission Epervier.




Quelques lectures sur les camps de réfugiés :


Quelques lectures sur l'action humanitaire et les liens avec l'action militaire :

La géographie de la ville en guerre vue par Olivier Kempf


Avec son aimable autorisation, je reproduis ici les billets d'Olivier Kempf, publiés sur son blog
Etudes Géopolitiques Européennes et Atlantiques, sur la géopolitique urbaine et la géographie de la ville en guerre.




Géopolitique urbaine (publié le 23 octobre 2008)

"Nous apprenons qu'en 2008, la population du monde vient de passer le seuil des cinquante pour cent de citadins. La moitié de la population est donc urbaine. Voir ici.

Cela aura bien sûr des conséquences géopolitiques. Géopolitiques et non pas stratégiques, même si le combat urbain devient un élément central de la réflexion tactique.
De même, la réflexion sur la géographie de la ville en guerre apportera des éléments importants au sujet, même si cela demeure à la marge : en effet, la ville en guerre n'existe qu'une fois le conflit déclenché. La ville est alors un enjeu, voire un théâtre des opérations, mais non de la motivation politique qui a conduit au déclenchement des opérations.

Cette réflexion tactique n'es pas mon propos ici, dans ce blog géopolitique. Car si la moitié de la population habite dans les villes, cela a des effets importants sur l'organisation du territoire (objet classique d'étude géographique). Or, la géopolitique s'intéresse aux rivalités de puissance sur les territoires et leurs populations. La modification du territoire entraîne mécaniquement la modification de la géopolitique.

Le rapport au territoire changeant, les déterminants de la géopolitique évoluent en conséquence.
Comment ? je ne le sais pas encore. Mais poser la question, identifier les mutations permet de déterminer un champ d'étude. J'espère que la "géographie de la ville en guerre" (voir blog ici) s'intéressera aussi à cet aspect là des choses, et nous aidera à développer ce nouveau segment de la géopolitique contemporaine.

J'essayerai, un jour prochain, d'illustrer par un exemple cette nouvelle voie.
"





"
J'évoquai il y a quelques temps la nécessité d'une géopolitique urbaine (ici). Voici une contribution qui fera, je l'espère, le lien entre cette géopolitique urbaine et la géographie de la ville en guerre (voir blog).


1/ Penser une ville en guerre amène immédiatement à l'esprit des images d'immeubles détruits, de gravats dans les rues, de destructions urbaines : Beyrouth, Grozny, Sarajevo en sont les exemples les plus médiatisés.

La ville en guerre peut aussi relever d'une vie urbaine bouleversée, par des barrages militaires et des cloisonnements de quartier : Bagdad en est l'exemple le plus récent, et Kaboul en prend le chemin.

Dernier exemple, la ville divisée : Berlin autrefois, Mitroviça aujourd'hui montrent des murs coupant les villes en deux.

Est-ce tout ? n'y a-t-il que ces trois cas ?

J'aimerais évoquer ici un cas moins visible mais qui me paraît relever de cette catégorie de la « ville en guerre », il s'agit de la ville dont le fonctionnement est altéré par la guerre environnante, même si elle ne souffre pas directement des méfaits de la guerre. Et je me servirai d'Abéché, au Tchad, comme illustration de cette nouvelle catégorie.


2/ Nul immeuble détruit, point de barrage, aucun mur de séparation ne sont visibles à Achébé. Car malgré tous les rezzous partis de l'ouest du Soudan voisin en direction de N'Djamena, aucun n'a pris directement la ville pour cible. Elle n'a pas connu de combats.

Mais Achébé est la grande ville de l'est du Tchad. C'est la région limitrophe du Darfour soudanais (voir mon billet sur les frères jumeaux tchado-soudanais). Et cette région du Ouaddaï est affectée de plusieurs façons par la crise et par la guerre latente qui se déroule alentours.
  • Le Ouaddaï accueille tout d'abord de nombreux réfugiés et déplacés provoqués par la crise du Darfour, agglutinés dans des camps le long de la frontière.
  • Le Ouaddaï est également la région frontalière où l'armée tchadienne garde les confins et s'apprête à contrer un éventuel rezzou des opposants au président Déby, opposants qui sont installés du côté soudanais de la frontière.
  • Enfin, le Ouaddaï est la région qui accueille un mouvement rebelle soudanais, celui qui a lui-même lancé un gigantesque rezzou contre Khartoum (voir ici).

Trois raisons qui militarisent la région et donc sa capitale, Abéché.


3/ La première conséquence de cette militarisation est une présence militaire multiforme.

Il s'agit tout d'abord des forces tchadiennes, qui utilisent la ville comme plate-forme régionale. Surtout, la valeur stratégique d'Achébé tient à son aéroport, le seul de la région dont la longue piste est goudronnée. Est-ce un hasard si on y observe certains des moyens aériens (hélicoptères lourds, Pilatus) que le gouvernement a acheté récemment ? La présence d'unités tchadiennes affecte la vie de la cité, car ces unités viennent d'autres régions du Tchad, et ne se comportent pas toujours avec la délicatesse voulue.

Mais l'armée, c'est aussi l'opération Epervier, installée dans un camp jouxtant l'aéroport ; c'est l'EUFOR, installée au Camps des étoiles, de l'autre côté de la piste. C'est enfin la MINURCAT, mission onusienne qui commence à monter en gamme et dont le PC avant se trouve, lui aussi, à Achébé. Autant de troupes ou d'observateurs qui circulent en jeep, en camions, en blindés, qui utilisent des hélicoptères ou des avions, qui aménagent des camps, font des patrouilles et des convois. Sans parler du retentissement sur l'économie locale, qu'il s'agisse d'achats et d'approvisionnements ou de sous-traitances diverses (constructions, services,...).

Avec un peu d'ironie, on évoquera l'armée des ONG : il y aurait 46 ONG en ville ! Le processus est connu, et dû à la logique de fonctionnement économico-médiatique de cette catégorie : pour faire son travail, il faut des fonds, qu'on rassemble à coup de publicité, qu'on justifie en allant dans les endroits les plus emblématiques. Achébé a vu passer Georges Clooney et l'Arche de Zoé, une ONG sérieuse doit donc avoir un bureau à Abéché. Riches, les ONG ont besoin de grands locaux, elles utilisent des 4x4, engagent des chauffeurs et des employés.


4/ La ville est alors bouleversée. Il y a dix ans, on comptait quatre voitures à Abéché. Il est aujourd'hui impossible de circuler entre les véhicules de l'ANT, ceux des militaires occidentaux, ceux des ONG, sans les incroyables triporteurs et autres motos chinoises. On dit même qu'un garage, non loin du centre, assemble des pick-up de combat pour un mouvement rebelle, plus au nord.


5/ La population a suivi. Elle comptait 40 000 habitants il y a huit ans, on estime aujourd'hui à 200 000 le nombre d'Abéchois. Une partie de la population s'enrichit, quand l'autre n'arrive pas à suivre l'augmentation des prix. On assiste alors à une nouvelle géographie sociale de la ville. Les pauvres ne peuvent plus venir en ville, et partent dans les villages alentours. Les étudiants, qui arrivaient à trouver en février une chambre pour 5 000 CFA, se voient aujourd'hui demander 35 000 CFA. Dans le même temps, l'observateur constate la construction de « villas » dans les banlieues « aisées ». On pardonnera les guillemets quand on comprendra que la villa est constituée d'un mur de mauvaises briques qui entoure un bout de terrain où s'élève une habitation, en briques elle aussi, d'une ou deux pièces. Mais cette villa est le signe d'une aisance nouvelle.


6/ Cette géographie est donc bouleversée par une augmentation radicale des prix. Si le salaire moyen des Tchadiens était de 35 000 CFA, un conducteur d'ONG peut recevoir 180 000 CFA. Une concession (ces « propriétés » en ville) coûtait 600 000 CFA en février, il faut débourser 2 000 000 CFA aujourd'hui pour en louer une. Il y a trois ans, le poulet coûtait 800 CFA, 1 200 en février : il se négocie aujourd'hui à 4 500 CFA.

Le gramme d'or valait 10 000 CFA en février, il vaut 150 000 aujourd'hui. Sur la même période, le gramme d'argent est passé de 200 CFA à 500 CFA. Un tour de chameau valait 1500 CFA il y a trois ans. Il se négocie à 10 000 aujourd'hui !

Ce boom économique se voit dans les constructions : il y a même un immeuble à trois étages qui est en train de se construire !


7/ La question de la sécurité est devenue centrale à Achébé.

Car d'une part, l'action occidentale (EUFOR, ONU, ONG) vise à apporter une sécurité accrue aux populations aidées. Et l'on constate que dans les camps, les gens se plaisent. Ils sont même peut-être dans une situation plus favorable que le paysan qui travaille alentours : ils sont nourris, ils reçoivent de l'eau, des soins, une alphabétisation. Certes, ils ne sont plus chez eux mais ils peuvent considérer que leur confort a augmenté.

D'autre part, l'action occidentale arrive avec ses moyens et ses standards. Le bouleversement est économique, et social. L'équilibre antérieur est rompu, autant que par la guerre environnante.

Ce bouleversement provoque un brassage de populations : militaires tchadiens ou expatriés d'autres pays, villageois attirés par le mirage de la ville ou parentèle convergeant vers la fièvre de l'or, toute une foule interlope s'assemble ici.


8/ La géographie de la ville se modifie en profondeur, et surtout à grande vitesse. Car c'est dans ce dernier caractère, au fond, que l'on peut parler d'une ville en guerre : à cause de la brusquerie des changements opérés, et dont la cause tient au conflit dans la région, et à l'intrusion de nombreux « extérieurs », venus du Tchad, d'Afrique ou du reste du monde : exogènes par rapport à des indigènes, en rendant à ce mot son premier sens débarrassé de sa coloration raciste.

Ce brutal mélange de deux populations rompt un équilibre humain préexistant. La géographie humaine de la ville s'en trouve bouleversée, mais aussi son organisation humaine.

C'est une certaine économie de guerre qui bouleverse la ville. La ville ne fait pas la guerre, elle est « en » guerre.
"


Auteur : Olivier Kempf.

samedi 15 novembre 2008

Les premiers comptes-rendus du FIG


Les premiers compte-rendus du Festival international de géographie 2008 consacré à la problématique "Entre guerres et conflits : la planète sous tension" sont en ligne.

  • La conférence-débat "Les Etats-Unis, gendarme du monde ?" animée par Patrice De Beer (éditorialiste, ancien correspondant du Monde à Washington), avec Saïda Bédar (chercheur au CAPRI) et le Général Christian Delanghe (potomac strategies international).
  • "Balkans 2008 : une géographie de la violence" par Michel Sivignon (professeur émérite de l'Université Paris X, spécialiste de la Grèce et des Balkans). A noter, Michel Sivignon vient d'écrire un ouvrage de géographie sur les Balkans (le dernier ouvrage généraliste sur la question date de 1994 - Georges Prévélakis, Les Balkans. Cultures et géopolitique, Nathan, collection Petites Références, 191 pages). Ce livre intitulé Géopolitique de la violence : les Balkans sortira en décembre 2008 aux éditions Belin (collection Mappemonde).
  • "Les équilibres autour de la Caspienne par Pascal Marchand (professeur de géographie à l'Université Lyon 2, spécialiste de la Russie, notamment auteur de Géopolitique de la Russie aux éditions Ellipses, 2007, 620 pages).


L'ensemble des actes du FIG 2008 sera très certainement complété prochainement, les interventions y ont été riches et il était difficile de faire un choix entre toutes... A noter : les compte-rendus des cafés géo qui ont été animés lors du FIG 2008 sont disponibles sur le site des Cafés géo :

  • "Les conflits soudanais" par Eric Denis (chargé de recherches au CNRS, spécialiste de l'Egypte et du Soudan), Claude Iverné (fondateur d'Elnour, bureau de documentation consacré au Soudan) et Marc Lavergne (chargé de recherches au CNRS, spécialiste du Darfour et du Soudan).
  • "Guérillas urbaines" par Michel Lussault (professeur de géographie à l'ENS Lyon, qui a récemment travaillé sur les questions de la ville vulnérable et sur les représentations qu'en ont les hommes).



A noter : le prochain FIG (1er week-end d'octobre 2009) aura pour thème "Géographie des mers" et pour pays invité l'Espagne.


jeudi 13 novembre 2008

Quelques documentaires


Un petit tour d'horizon (non exhaustif !) des documentaires proposés cette semaine à la télévision sur la géographie politique et la guerre.



L'Amérique en guerre

Le documentaire inédit "L'Amérique en guerre" d'Eugene Jarecki (documentaire français, 2008) est consacré à la guerre en Irak. Présentation : "En 1961, lors de son discours d'adieu, le président Eisenhower mettait en garde son successeur et la nation américaine contre le pouvoir croissant des militaires et les liens étroits qu'ils entretenaient avec les fabricants d'armes. Quarante ans plus tard, le complexe militaro-industriel américain a joué un rôle essentiel dans le déclenchement de la guerre en Irak. Mais sa puissance se manifeste aussi à travers la présence sur le terrain de milliers de «privés». Certes, la guerre en Irak est menée par une armée de métier, mais elle est assistée par d'autres forces plus ou moins bien identifiées, nébuleuse d'agents de sécurité et de mercenaires recrutés par des sociétés privées". Jeudi 13 novembre 2008, 23h20 - 00h50, France 2 (rediffusion : samedi 16 novembre 2008 à 04h20, France 2).



Spécial investigation - Les coulisses de la libération d'Ingrid Betancourt

L'émission "Spécial investigation", présentée par Stéphane Haumant, est consacrée cette semaine aux "coulisses de la libération d'Ingrid Betancourt". L'émission sera divisée en 2 parties : "Ingrid Betancourt : la semaine où les FARC ont perdu leur guerre" ("Une équipe française était présente dans la jungle avec les Farc pendant toute la phase de libération d'Ingrid Betancourt. Les guérilleros réagissent aux différentes étapes de cet événement, comme les déclarations de Nicolas Sarkozy ou les soupçons de trahison dans leurs rangs. La guerre civile qui ensanglante la Colombie ne s'est pas apaisée pour autant : les attaques d'avions au-dessus de la zone contrôlée par les Farc se poursuivent") et "Histoire secrète d'une libération" ("Des images inédites des forces spéciales colombiennes et des interviews d'acteurs de la crise permettent de découvrir les négociations secrètes qui ont mené à la libération d'Ingrid Betancourt"). Vendredi 14 novembre 2008, 22h40 - 00h00, Canal +. Rediffusions sur Canal + décalé (câble) : samedi 15 novembre 2008 à 02h00, dimanche 16 novembre 2008 à 05h20, lundi 17 novembre 2008 à 00h15, jeudi 20 novembre 2008 à 03h15.



Le dessous des cartes

La célèbre émission "Le dessous des cartes" propose cette semaine une émission intitulée "Le cinquième pilier" consacrée au pélerinage à La Mecque, sa place dans l'Islam et les conséquences de ce tourisme géopolitique. "En novembre commence le pèlerinage de La Mecque. C’est un moment important pour la communauté des musulmans. La ville attend comme chaque année plus de 2 millions de pèlerins, et un tel nombre, en un même lieu, pour une durée de six jours, c’est un événement religieux, mais c’est aussi un événement politique, commercial, et un défi de sécurité. Comment cela peut-il fonctionner ?". Les cartes de l'émission sont d'ores et déjà disponibles en ligne sur le site du Dessous des cartes. Vendredi 14 novembre 2008, 06h50 - 07h05, Arte (TNT). Autres diffusions sur Arte (TNT): samedi 15 novembre 2008 à 02h25 et à 11h45, jeudi 20 novembre 2008 à 06h50, mercredi 26 novembre 2008 à 06h50. Voir également le reportage "Pèlerinage, un business éternel".

La prochaine émission sera consacrée au "400e anniversaire de Québec". "A l’occasion du 400e anniversaire de sa fondation, la ville de Québec a accueilli au mois d’octobre le sommet international de la francophonie. Que représente aujourd’hui la langue française pour le Québec, mais aussi pour le Canada ?". Samedi 15 novembre 2008, 20h00, Arte. Rediffusions sur Arte (TNT) : lundi 17 novembre 2008 à 02h40, vendredi 21 novembre 2008 à 06h50, jeudi 27 novembre 2008 à 06h50.

Egalement la rediffusion d'émissions précédentes sur Arte (TNT) : "Mer noire (2) : la géopolitique des tubes" (lundi 17 novembre 2008 à 06h50), "L'état de la guerre" (mardi 18 novembre 2008 à 06h50, lundi 24 novembre 2008 à 06h50, vendredi 28 novembre 2008 à 06h50) et "Les sentinelles écologiques" (mercredi 19 novembre 2008 à 06h50, mardi 25 novembre 2008 à 06h50).



Le siècle de Verdun

Un documentaire (France, 2006) revenant sur les héritages de la bataille de Verdun tout au long du XXe siècle : "En 1916, par sa volence et sa durée, la bataille de Verdun constitue l'un des tournants de la Première Guerre mondiale. Pendant dix mois, les soldats français et allemands s'embourbent dans les tranchées, et les morts et les blessés se comptent par centaines de milliers. Au-delà du combat, cet épisode sanglant est devenu un symbole et un héritage historique pour les peuples européens. Comment est-il vécu ? Quels sont les dividendes de cette déchirure ? En 1994, sous l'impulsion de l'Unesco, la cité blessée de Verdun est désignée capitale mondiale de la paix, des libertés et des droits de l'homme". Lundi 17 novembre 2008, 21h30 - 22h30, France 5 (TNT).



Pèlerinage, un business éternel

Le documentaire "Pèlerinage, un business éternel" (France, 2008), réalisé par Morad Aït-Habbouche et Hervé Corbière vient compléter le Dessous des cartes sur "le Cinquième pilier". "Le grand pèlerinage de La Mecque, le hadj, est un devoir que tout musulman, s'il est majeur, en possession de ses facultés et des ressources nécessaires, doit réaliser au moins une fois dans sa vie. Entrepris lors du douzième mois de l'année, il constitue le cinquième pilier de l'Islam. Tous les ans, près de deux millions de musulmans effectuent ce pèlerinage, qui dure cinq jours et compte neuf étapes. C'est un moment très important pour l'économie saoudienne : ainsi, en 2006, le pèlerinage a rapporté plus de cinq milliards d'euros. Au point que les lieux sants sont devenus l'objet d'investissements faramineux". Mardi 18 novembre 2008, 20h35 - 21h40, France 5 (TNT).



Pour l'amour de l'eau

Un documentaire réalisé par Irena Salina consacré à la géographie politique de l'eau. "L'eau représente désormais la troisième industrie mondiale après le pétrole et l'électricité, mais son caractère vital et sa raréfaction accélérée vont en faire, à court terme, la première ressource potentielle de profits à la surface du globe. Durant trois ans, des Etats-Unis à l'Afrique du Sud en passant par le Rajasthan et la Bolivie, Irena Salina a interrogé scientifiques, militants écologistes, porte-parole d'entreprises ou simples citoyens, et dressé un constat alarmant. Dans les bidonvilles des pays pauvres, la privatisation des réseaux, encouragée par la Banque mondiale - au profit des multinationales françaises Vivendi et Suez, et britannique Thames Water - exclut un nombre croissant d'habitants, incapables de payer des factures qui ont augmenté brutalement". Mardi 18 novembre 2008, 21h00-22h20, Arte.



L'invention de l'Europe

Une soirée spéciale avec la diffusion des 3 premières parties (sur un total de 6) du documentaire "L'invention de l'Europe" réalisé par Nina Koshofer et Judith Völker. Mercredi 19 novembre 2008, 21h00 - 23h15, Arte.

  • "Quand la pensée se libère" (21h00 - 21h45) : "XVe siècle. L'homme commence à échapper à la tutelle de l'Eglise. La Renaissance s'épanouit partout en Europe. Trois hommes symbolisent le mouvement des idées et les mutations de la société. A Prague, le prédicateur Jan Hus propose une relecture de la Bible et s'insurge contre le train de vie dispendieux des prélats. En Pologne, Nicolas Copernic exhume des thèses sur le système solaire émises sous l'Antiquité et jusqu'à présent occultées car contraires aux enseignements bibliques. Quant au Bruxellois André Vésale, il jette les bases de l'anatomie moderne dans un pavé de sept volumes".
  • "La création du capitalisme" (21h45 - 22h30) : "Dans ce deuxième volet, une analyse de l'économie de marché et de la circulation de l'argent, qui se mettent en place en Europe dès le XVIe siècle".
  • "La lutte pour la paix" (22h30 - 23h15) : "Après la Réforme, l'Europe est un champ de bataille : il faut attendre 1648 - la paix de Westphalie - pour qu'une diplomatie européenne naisse, visant à éviter le pire".


Nota bene : Les présentations des documentaires sont issues de différents programmes télévision.


mercredi 12 novembre 2008

La guerre urbaine dans les jeux vidéo


Les études concernant l'utilisation pédagogique des jeux vidéo, leurs contenus et leur sens, leur utilisation comme simulateur d'entraînement militaire et leur sens pour comprendre la géographie sont de plus en plus nombreuses. Et la guerre urbaine a une place prépondérante dans les jeux qui se développent aujourd'hui, tout particulièrement dans les différentes adaptations de jeux de rôle (cartes, jeux vidéos, jeux de société...). Les jeux véhiculent des représentations du monde, notamment dans le cas des espaces urbains. On pense aux travaux du géographe Michel Lussault expliquant l'importance du jeu vidéo GTA 4 dans la représentation et la perception de l'espace urbain conçu comme hostile et comme le lieu par excellence de la "guerre de chacun contre chacun". Il nous rappelle d'ailleurs l'importance des jeux pour comprendre les phénomènes de société, les évolutions des représentations du monde et les perceptions de menaces.




Des jeux "réalistes" et la ville vulnérable

Les jeux vidéos de guerre ont évolué en fonction du contexte géostratégique, et la ville est devenue un "théâtre" de plus en plus important pour le joueur. Par exemple, "le jeu Act of War Direct Action, sorit en mars 2005 - et déconseillé aux moins de 16 ans... -, créé en coopération avec le capitaine de l'US Air Force (retraité) Dale Brown, place le joueur à la tête d'une équipe d'intervention rapide dont la mission consiste à défendre une ville dans un conflit global qui s'étend sur six zones (Libye, Londres, San Francisco, Egypte, Russie et Washington D.C.), toutes fidèlement modélisées à partir de photos aériennes et d'images satellites. La gestion des ressources est poussée dans le détail : ravitaillement, gestion du temps, de l'argent et de l'équipement sont autant de facteurs à prendre en compte : la question du contrôle des gisements de pétrole, les véhicules furtifs, et les technologies les plus récentes se retrouvent pêle-mêle, avec un souci de retracer les dilemmes des militaires" (Fanny Gazagne et Guillaume Dairou, "Les Jeux Vidéo à caractère militaire", Les Thématiques du C2SD, n°1, 2006, p. 9). L'importance des guérillas urbaines et du terrorisme urbain se fait ressentir dans le succès des jeux : GTA 4 (pour la guérilla urbaine poussée à son extrême) et Counter-Strike (jeux multi-joueurs en ligne qui confronte un camp teroriste à un camp anti-terroriste) font incontestablement partie des plus grands succès vidéoludiques, et ce depuis des années. Dans Counter-Strike, "le joueur a le choix de son équipe et devra en fonction poser ou désamorcer une bombe, ou encore libérer ou tenir des personnes en otage. Quoi de plus réaliste en effet qu'une menace terroriste qu'il faut neutraliser alors que nos journaux télévisés ne cessent de relater des événements similaires depuis les attaques du 11 septembre 2001 ? Les jeux de ce type se multiplient aujourd'hui, pour mêler des institutions diverses (police et armée, par exemple, voire sociétés militaires privées) avec plus ou moins de bonheur ou de réalisme" (Fanny Gazagne et Guillaume Dairou, op. cit., p. 10). Dans leur article "Et si les jeux vidéo servaient à comprendre la géographie ?", Hovig Ter Minassian et Samuel Rufat montrent combien les jeux vidéos "assument, dans une certaine mesure, un rôle pédagogique par la pratique de l’espace, celle des représentations et des liens entre cet espace et les sociétés qui le produisent" (Cybergéo, article 418, mis en ligne le 27 mars 2008, modifié le 25 septembre 2008). L'exemple du jeu vidéo Civilization montre, par exemple, que "les liens entre société et nature sont évolutifs dans Civilization. L’appropriation physique et symbolique de l’espace change au cours de la partie et modifie le rapport qu’y entretient le joueur. Cette appropriation passe par trois étapes : d’abord la méconnaissance des ressources (le joueur ignore leur présence), ensuite leur connaissance (elles sont visibles mais non exploitables), enfin leur maîtrise. Cette différence entre connaissance et capacité d’exploiter est une nouveauté de Civilization IV, elle rappelle l’analyse des milieux proposée par Augustin Berque, où les ressources ne relèvent ni seulement de la nature ni seulement des hommes [Augustin Berque, 2000, Médiance. De Milieux en paysages, Tours, Belin, 156 p. et Augustin Berque, 1997, "De Peuples en Pays ou la trajection paysagère", dans Collot M. (dir.), Les Enjeux du Paysage, Bruxelles, OUSIA, p. 320-329]. Le milieu est donc réévalué au fur et à mesure de l’innovation scientifique et technologique, modifiant le rapport à la fois objectif (ou matériel) et subjectif (ou symbolique) de l’homme à son environnement" (Hovig Ter Minassian et Samuel Rufat, op. cit.). Parmi d'autres, 2 thématiques géographiques ressortent de l'étude des jeux vidéo : les représentations du monde qui sont traduites dans le jeu, et les formes d'appropriation du joueur sur l'espace. Les jeux participent donc d'un véritable phénomène de société. La ville est souvent représentée comme un territoire à aménager (comme pour les différentes version du jeu de gestion Sim City) ou un territoire de violences (comme l'illustre Urban Chaos qui simule une guerre civile à l'intérieur d'une ville et où le joueur interprète des policiers, dans le but de rétablir le calme et de lutter contre les rebelles), voire un territoire à détruire (comme dans GTA 4).




Une ville de 400.000 habitants créée par un joueur de Sim City 4.
Le but du jeu est de construire une ville "durable" (le joueur se retrouve
à la place d'un maire qui doit construire tous les bâtiments et infrastructures
au bon fonctionnement de la ville). Il existe également un mode "sim"
dans lequel le joueur prend le rôle d'un citoyen et doit le faire vivre
dans ce nouvel espace urbain, et un mode "catastrophe" dans lequel le
joueur doit intervenir et aménager sa ville afin de minimiser les dégâts
d'incendies, d'émeutes, de raz-de-marée...




Sim City Societies : un exemple de la série Sim City
qui, à la différence des précédents Sim City axés sur
la gestion et l’urbanisation, change d’orientation
en se concentrant sur le type de société/civilisation.




Le 2nd opus du jeu Urban Chaos est sous-titré Violences urbaines.
La thématique du jeu est immédiatement identifiée ! "Dans une ville en proie
aux actes d'une bande de vandales fous furieux, seule l'équipe d'intervention
Tolérance Zéro peut espérer faire régner l'ordre. Spécifiquement, votre mission
consistera le plus souvent à venir en aide aux services de secours, pompiers ou
ambulanciers, en les escortant ou en allant les récupérer en zone dangereuse".




La "guerre de chacun contre chacun" (selon les mots du géographe
Michel Lussault) est déclarée ! Le jeu vidéo GTA 4 regroupe des milliers
de joueurs du monde entier, qui se retrouvent pour se mener une guerre
"sans merci". La ville qui sert de décor est un milieu hostile, dangereux,
aux mains de nombreux gangs. Ce jeu reflète parfaitement un espace urbain
représenté comme le lieu par excellence des risques et des menaces.




Jeux, géographie de l'imaginaire et villes-refuges

Les villes représentées dans de nombreux jeux vidéos sont les décors "idéaux" pour les guérillas, les guerres de gangs, les catastrophes, les violences, les émeutes... Par comparaison, les jeux vidéos de type "heroic fantasy" (qui s'appuient sur des mondes imaginaires, souvent imprégnés d'un Moyen-Âge fantasmé, comme l'illustrent le monde du Seigneur des Anneaux créé par John Ronald Reuel Tolkien, ou plus récemment la série des Harry Potter de Joanne Kathleen Rowling) introduisent une autre perception de la ville : dans cette géographie imaginaire, elle est un espace-refuge. En analysant 2 grands succès dans ce genre de jeux, la série des Final Fantasy et celle des Zelda, on remarque que la ville est un lieu calme, le seul où l'on croise des habitants non "menacés", et que les intrusions qui sont faites par la ville sont exceptionnelles, mais très symboliques dans le jeu. On assiste ainsi, dans Final Fantasy Tactics A2, à la mise en place d'une guérilla de défense de la ville des Mogs par les habitants eux-mêmes. Lusso, le héros, est un élève de primaire, qui, puni pour ses nombreux retards, doit rester à l'école pour aider le responsable de la bibliothèque. Celui-ci étant absent, Lusso est intrigué par un livre imposant, et l'ouvre : le voilà plongé dans le monde d'Ivalice, un monde fantasmé et magique. Dans ce monde, on découvre des villes dans lequel le héros et le clan qu'il a intégré vont rechercher des missions. Ces villes sont éparpillées sur le territoire d'Ivalice, et le héros doit se balader sur la carte pour arriver à destination et réaliser ses missions. Le monde d'Ivalice est découpé en différents territoires qui peuvent être gagnés aux enchères par des clans qui doivent ensuite assurer leur protection, et reçoivent en échange des prix avantageux sur leurs missions, et parfois des cadeaux de la population. Les zones rurales sont "infestées" de monstres imaginaires, et le héros doit aller sauver quelques habitants audacieux qui ont osé s'y aventurer. Les villes sont le lieu de repos, celui où le héros et ses compagnons se rendent dans l'auberge pour y faire des rencontres et commander des missions, celui où il se rend au magasin pour y acheter des armes, celui où il entre dans la salle des enchères pour y gagner des territoires, celui où il rencontre des personnages atypiques tels que le rédacteur en chef d'un journal, un groupe de chanteuses et leurs fans... Lorsqu'elles sont attaquées, les villes ne se retrouvent pas sous la coupe de monstres, mais de clans adverses qui cherchent à les piller, les contrôler et y imposer leur pouvoir. Ce monde imaginaire repose sur une représentation fantasmée d'une ville protectrice contre les monstres, mais porteuse néanmoins de vulnérabilités dues à la cupidité de certains clans.


L'univers des différents opus du jeu vidéo Final Fantasy repose
sur des mondes imaginaires dans lequel les personnages luttent
contre des créatures fantastiques. La représentation de l'espace
dans ces mondes révèle un fantasme territorial dans lequel la ville
se présente avant tout comme un refuge pour les habitants.





La série des Zelda repose sur les mêmes logiques de représentation territoriale : la ville n'y que rarement attaquée. Au contraire, elle permet au héros Link (chargé de sauver la princesse Zelda) d'interroger les habitants à la recherche d'indices pour le guider dans son aventure, d'acheter de nombreux objets nécessaires à sa quête, et de trouver le repos nécessaire pour se renforcer en attendant de repartir dans les zones forestières peuplées de nombreuses monstres. S'appuyant sur le Moyen-Âge et ses principes chevaleresques, les différents mondes de Zelda propose plus des "villages" que des villes. Même dans un des derniers opus, Phantom Hourglass, où le joueur est plongé dans un monde de pirates et dans un milieu marin, les villages relèvent du même rôle : espaces-refuges, espaces "complices" où le héros achète des armes ou des pièces pour son bateau et échange des informations, espaces à protéger où vivent les habitants menacés par les monstres aux abords du village.




























L'espace est très important dans les opus de la série Zelda : le joueur
doit continuellement se référer aux cartes pour se repérer dans sa quête.
La carte se complète au fur et à mesure de l'avancée du héros dans des lieux
souvent sombres. Les villages sont ainsi des sortes de refuges, des espaces de
quiétude, et des espaces "pleins" face aux aires forestières.




Les jeux vidéos traduisent les représentations de la vulnérabilité de l'espace urbain. Dans les jeux de type "réaliste", qui s'appuie sur des villes imaginées à partir de la réalité, les différents risques urbains font partie intégrante du jeu : la ville est conçue comme un espace à haut risque, un milieu fragile aux dangers variés, et le territoire par excellence de la violence. Dans les jeux vidéos de type "imaginaire", la géographie fantasmée met en place l'idéal d'une ville comme un lieu de refuge pour des héros qui viennent s'y reposer.


mardi 11 novembre 2008

Les lieux de mémoire : préserver ou oublier la guerre ?


En ce 11 novembre est l'occasion de revenir sur la question de la commémoration et de la mémoire. Les guerres s'inscrivent dans les espaces urbains, et l'un des enjeux de la reconstruction est le choix entre un urbanisme ancré dans le souvenir et un urbanisme tournant radicalement la page. La guerre doit-elle avoir ses lieux dans la ville de l'après-guerre ? Cette question a été (parmi d'autres !) abordée à travers des exemples précis dans l'ouvrage collectif Villes en guerre (1914-1945) sous la direction de Philippe Chassaigne et Jean-Marc Largeaud (Actes d'un colloque, Armand Colin, Paris, 2004), avec notamment :
  • "La reconstruction des villes du Nord. Mémoire et identité", Bénédicte Grailles
  • "Propagande, vanadalisme et oubli. La statue d'Edith Cavell d'une guerre à l'autre", Christelle Sniter
  • "Gloire, destruction et amnésie. Reims, 1914-1938", Yann Harlaut
  • "Les villes françaises décorées de la Légion d'honneur pour faits de guerre 1914-1945", Xavier Boniface



Lieux de mémoire ou lieux de l'oubli

Les études sur les villes de l'immédiat après-guerre (notamment sur Beyrouth) ont montré que 2 dangers pouvaient mettre en péril le processus de reconstruction : l'indécision (qui allonge fortement le temps de la reconstruction et de la mise en pratique des projets) et la confiscation (où les habitants ne sont pas impliqués dans le processus de décision et de mise en pratique, se voyant ainsi privés de leur participation citoyenne). Comme le montre la géographe Liliane Barakat, "aujourd'hui [en 1995] la guerre est terminée, Beyrouth a été réunifiée mais le centre-ville demeure l'espace-néant, l'espace-refus d'une guerre que l'on veut trop vite oublier en détruisant les dernières images d'un passé figé dans les ruines" ("Le centre-ville de Beyrouth, pratiques et perceptions", dans Beyrouth : construire l'avenir, reconstruire le passé ?, collectif, Dossiers de "l'Urban Research Institute", Beyrouth, 1995, p. 198). Alors que l'ancien centre-ville de Beyrouth était devenue une zone de non-droit aux mains du Hezbollah depuis fin 2006, celui-ci pose également aujourd'hui la question de sa reconstruction : le démontage du campement n'en a pas, pour autant, "effacé" la permanence des tensions dans la ville, et les défis sont encore nombreux quant à l'avenir de ce centre-ville.

Ces 2 risques (indécision et confiscation) influencent directement le temps de la reconstruction, les lieux concernés et les inégalités spatiales qui en découlent, et les perceptions qu'ont les habitants de leur espace pratiqué. Une des principales question se pose autour de la problématique des lieux de mémoire : doit-on en construire ou oublier la guerre dans le nouvel urbanisme ? Quelle place dans la ville leur donner, quels symboles utilisés, dans quels lieux les implanter ? Un des risques est donc le rejet formel du passé proche, l'oubli total de la période de guerre, et donc le déni des tensions entre les populations qui sont pourtant encore très présentes dans les lendemains de la guerre. Cet oubli est d'autant plus dangereux qu'il pérennise les tensions dans leur silence, mais ne les efface pas. Un autre danger est celui d'exclure la population du projet de reconstruction : elle devient alors incapable de se réapproprier sa propre ville, et cette perception se ressent dans l'échec de la reconstruction du "vivre ensemble". L'exemple du pont de Mitrovica, pensé, conçu et reconstruit par la communauté internationale, voulu comme symbole de l'échange entre les populations, est à ce titre illustratif d'un lieu non approprié, voire "boudé" par la population, et du manque d'analyse des enjeux, des rivalités et des tensions sous-jacents dans le processus de reconstruction. Les lieux de mémoire entrent également dans cette problématique : il faut qu'ils deviennent des géosymboles non seulement médiatisés (le pont de Mitrovica a été une grande opération médiatique sur l'action de la communauté internationale, l'image s'est fortement "expatriée", mais un échec total auprès de la population, ne contrecarrant pas le repli sur soi communautaire extrême divisant la ville en 2 parties totalement distinctes). De plus, la question des emplacements de ces lieux de mémoire participe d'un débat plus large sur les enjeux de la reconstruction : doit-on les "implanter" dans les "espaces visibles" ou les répartir sur l'ensemble de la ville afin qu'ils soient appropriés par tous ? La reconstruction est, le plus souvent, géocentrée : le risque de marginalisation, voire d'exclusion, des périphéries urbaines n'en est que plus grand.


L'enjeu des lieux de mémoire est donc multiple : localisations, symboles utilisés, messages voulus, participation des habitants au débat, place attribuée au passé... La place de la commémoration dans la société de l'après-guerre n'est pas une question marginale, mais un symbole des nombreuses difficultés et vulnérabilités de l'espace urbain dans l'immédiat après-guerre.


lundi 10 novembre 2008

La ville vulnérable : risques et images du risque à Port-au-Prince


L'effondrement d'une école dans la périphérie de Port-au-Prince


Le 7 novembre 2008, une école s'est effondrée dans l'arrondissement de Port-au-Prince, dans la commune de Pétion-Ville, dans la localité des Nérettes : l'effondrement du 1er étage a entraîné celui du reste du bâtiment, alors que les enfants étaient en classe. Le bilan est très lourd, et a fait au moins 90 morts. L'école La Promesse, dirigée par un pasteur, accueillait des enfants de 3 à 20 ans en grande majorité issus d'un bidonville. "Coincée entre les maisons du quartier, la construction en dur s'élevait sur deux étages, tandis qu'un troisième était en construction" (Source : TF1, 8 novembre 2008). Port-au-Prince est la capitale macrocéphalique d'Haïti, un pays sous tension. Entre violences et crises politiques et économiques successives, la ville s'est fortement paupérisée. Une géographie de l'inégalité s'est ainsi installée à Port-au-Prince, entre des quartiers sécurisés abritant les élites haïtiennes, et des quartiers défavorisés où règne l'habitat illégal et où s'entassent des populations les plus vulnérables. "Plus de la moitié de la population vit dans des quartiers défavorisés, pour la plupart illégaux. Bel-Air, Cité-Soleil, Savane Pistache… dans ces quartiers spontanés, les densités sont très fortes, pouvant atteindre 900 habitants par hectare. Les conditions de vie y sont particulièrement difficiles, en l’absence totale d’infrastructures et d’équipements et dans un contexte de récession économique permanente. Ces quartiers occupent tous les espaces résiduels non urbanisés : polders constitués à l’embouchure des deux principales ravines et charriant des déchets urbains, pentes très fortes soumises à érosion, bas-côtés des grandes voiries ou des voies ferrées… L’habitat y est au départ très précaire, puis se densifie et se pérennise avec le temps. D’un point de vue juridique, ces quartiers sont illégaux, mais pour autant leur sécurisation en la matière n’a guère d’importance. Les habitants ne sont pas menacés d’expulsion. Politiquement, aucune autorité locale ne prendrait le risque d’une telle opération. La situation sociale est explosive dans ces quartiers et chacun est contrôlé par un parti politique ou une milice. L’intervention directe de l’État, dans une perspective de restructuration ou régularisation serait considérée comme une provocation. D’autant qu’il n’y a pas de gestion foncière à Port-au-Prince et qu’aucune autorité n’a les moyens de maîtriser l’urbanisation. Au fil du temps, l’urbanisation sauvage est devenue le mode normal de croissance de Port-au-Prince" (Guillaume Josse et Pierre-Alain Pacaud, "Améliorer les quartiers précaires : Approches suivies au Burkina, Djibouti et Haïti", Agence française pour le développement) Il existe ainsi dans la capitale environ 40 bidonvilles. L'un des problèmes souvent analysés est la question de l'eau dans les quartiers pauvres : la géographe Véronique Verdeil a ainsi montré que l'accès à l'eau potable dépend de la classe sociale et de la localisation géographique ("De l'eau pour les pauvres à Port-au-Prince", Mappemonde, n°55, 1999-3, pp. 14-18). Une véritable ségrégation se met ainsi en place pour les besoins vitaux de la vie quotidienne, ce qui accroît fortement les risques sociaux et sanitaires. L'extension des bidonvilles aux périphéries de la ville, ainsi que l'appropriation d'espaces centraux par ce type d'habitat illégal, sont également des phénomènes souvent étudiés (notamment dans le quartier de Bel-Air). La notion de "risque réel" est donc directement associée à la catégorie sociale, les plus démunis ayant des stratégies de survie dans lesquelles la sécurité est secondaire. le centre-ville de Port-au-Prince est ainsi une aire en voie de ghéttoïsation (selon Nicolas Coiffier, 2005, Géographie et missions de maintien de la paix : le cas de Port-au-Prince (Haïti) et de la MINUSTAH. Une étude de géographie politique, mémoire de maîtrise de géographie, Université Paris-Sorbonne, 102 pages) avec l'émergence de bidonvilles, c'est-à-dire d'un habitat illégal et précaire dans tous les espaces "vides" du centre (qui offre plus d'espérances que les bidonvilles des périphéries, marginalisés non seulement socialement, mais aussi spatialement).




Géographie des risques et représentation des risques à Port-au-Prince

Lorsque l'on parle de Port-au-Prince dans les médias, c'est pour annoncer des épisodes de violences politisées, d'émeutes de la faim, de problèmes de gangs, de catastrophes naturelles... Pour ne donner que quelques exemples de l'actualité récente de l'année 2008, la presse a parlé d'Haïti à propos des émeutes de la faim d'avril, du passage de l'ouragan Hanna en septembre, des inondations qui ont suivies l'ouragan, ou ces derniers jours de l'effondrement d'une école. Toutes ces images insistent sur la pauvreté du pays, et tout particulièrement montrent une capitale vulnérable. Les images catastrophiques des médias accentuent l'impression de l'irrémédiabilité de la catastrophe urbaine, comme l'a démontré le géographe Michel Lussault.








Néanmoins, il faut rappeler que la notion de risque n'est pas seulement une donnée quantitative et objective : elle est également un construit social. En effet, le risque dépend de celui qui le perçoit. A travers la notion de risque, il existe 2 concepts distincts : le "risque réel" et le "risque perçu". Il ne s'agit pas de minimiser les risques urbains, mais de montrer que ces 2 types de risques ne coïncident pas forcément, puisque le risque perçu dépend du degré d'acceptabilité du risque. Celle-ci dépend de valeurs sociales, culturelles, politiques, économiques... La géographe Yvette Veyret a ainsi montré qu'il existait 2 problématiques associées à la question de risques, montrant ainsi combien la démarche géographique pour l'analyse des risques est particulièrement adaptée pour expliquer la dualité du terme et des enjeux :
  • le risque comme produit de l'interaction entre une société et son environnement : "le risque a une double composante : un facteur externe, l'aléa qui est le produit de l'environnement, entendu ici au sens large de « ce qui nous entoure » et non pas uniquement au sein restreint d'environnement naturel, et une composante interne, la vulnérabilité, qui est une caractéristique de la société. Aussi l'existence d'un risque pose-t-elle la question du rapport des hommes à leur environnement" (Yvette Veyret, dir., Les risques, Bréal, collection Amphi Géographie, Paris, 2004, p. 32)
  • le risque comme construit social : "la première question qui se pose ici est celle des représentations associées au rique. On doit mobiliser :
    - les notions de risque perçu, de risque réel, de risque objectif et de risque subjectif ;
    - les notions d'acceptabilité du risque et de seuil de tolérances ;
    - les notions de contruction
    mentale du risque, mémoire du risque, culture du risque, etc;
    En abordant ces problématiques, il convient d'abord de veiller à varier les échelles sociologiques : l'individu, le groupe social, la minorité (au sens de groupe dominé, plus ou moins partiellement privé d'accès au pouvoir, et non de minorité numérique), etc. Il faut également envisager les différentes temporalités de ces « acteurs sociaux ». Mais on doit aussi dépasser le traitement purement sociologique de la question et réinscrire la réflexion dans le cadre des préoccupations du géographe. Il convient ainsi de faire appel à la géographie des représentations et des pratiques
    "(Yvette Veyret, op. cit., p. 33)




La gestion du risque dans la reconstruction

Force est de constater que les cartes représentant le degré d'acceptabilité du risque dans une ville ne coïncident pas aux cartes figurant le risque réel. Dans les quartiers populaires et précaires, les populations sont bien plus exposées aux risques de tout ordre (industriels, environnementaux, sanitaires, sociaux, alimentaires...), et sont pourtant plus "résignées" à ces risques. Ce qui peut paraître être une évidence est en réalité une donnée fondamentale pour comprendre l'émergence ou le renforcement de lignes de fractures dans les villes avant, pendant, et après la guerre. Dans le cas particulier de la reconstruction, la paupérisation touche avant tout les quartiers les plus démunis, et ce avant la guerre. Mais également, l'effort de reconstruction y est beaucoup moins important financièrement, et recouvre des espaces beaucoup plus restreints et circonscrits. Il existe alors une véritable concurrence entre centralités et périphéries. La géographie des espaces reconstruits est directement liée à celle des "espaces visibles". Parmi ceux-ci, on peut distinguer les ¨"espaces stratégiques" et les "espaces médiatisés" qui concident le plus souvent. Dans le cas de Port-au-Prince, le centre-ville, situé en bord de mer, concentre les principaux centres de décision (politique et économique), et relève donc d'une importance vitale pour la "revitalisation" de la ville. Mais ce centre correspond aussi aux principaux territoires médiatisés. L'enjeu de reconstruire cette zone centrale est donc à la fois politique, économique, et également médiatique. L'importance de cette centralisation se ressent du point de vue des aides (à travers les donations de la communauté internationale ou des ONG) et de celui des images (celles d'une ville qui "tourne la page" de la guerre, qui "se modernise" et qui peut s'ntégrer dans les réseaux de la mondialisation). Rassurer les investisseurs économiques et les partenaires politiques passe par cette médiatisation de la reconstruction. La question de l'image dans les risques urbains se traduit non seulement auprès de la population (qui a des représentations différenciées en fonction de son seuil d'acceptabilité du risque, et ce malgré le seuil de vulnérabilité), mais également dans les politiques de la ville (à travers une reconstruction inégalement répartie dans l'espace urbain, qui délaisse des quartiers entiers pour être concentrée dans les "espaces visibles").



L'image que l'on donne aux risques et les représentations que s'en font les populations et les acteurs extérieurs ont donc des incidences sur les relations entre les différentes catégories sociales et entre les différents quartiers. Les bidonvilles et les zones centrales sont les quartiers les plus médiatisés : mais les quartiers populaires semblent souvent délaissés dans cette médiatisation du risque.


vendredi 7 novembre 2008

Des colloques en perspective (novembre 2008)


Voici une liste (non exhaustive !) de quelques colloques, journées d'étude et séminaires qui auront lieu en novembre 2008 sur les thèmes de la guerre et de la défense.


La Grande Guerre aujourd'hui : 14-18 dans le monde social
Le samedi 8 novembre 2008, de 9 h 30 à 18 h 30, à l'Amphithéâtre Turgot, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 17 rue de la Sorbonne, à Paris.

Argumentaire du colloque : "La Grande Guerre ne cesse de nourrir notre présent. Artistes, romanciers, cinéastes la mettent en scène, amateurs et passionnés entretiennent les sites du conflit ou recherchent les traces de leur ancêtre dans les tranchées et les expéditions. Les gouvernements ne manquent pas une occasion de célébrer la bataille de Verdun voire les soldats fusillés. Comment comprendre cette force des mémoires de 14-18 dans la société française ? Comment la Première Guerre mondiale parle-t-elle au présent ? Pour saisir ces enjeux historiens, artistes, journalistes et « praticiens » de la Grande Guerre exposent, dans cette journée, ouverte à la discussion, leurs approches contemporaines de la « der des ders »."



Les occupations militaires : 2000 ans d'histoire
Dans le cadre du cycle de conférences "Les occupations militaires : 2000 ans d'histoire", une intervention du professeur Jacques Legrand (président de l’Institut national des langues et civilisations orientales) sur "Les types d’occupations mongoles en Eurasie", le lundi 10 novembre 2008, de 18 h 00 à 19 h 30, au palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés, à Paris.


Les 13-14-15 novembre 2008, au Conservatoire national des Arts et métiers, Cités des sciences et de l'industrie, Musée de l'air et de l'espace, Le Bourget.

Argumentaire du colloque : "Les premiers vols à / en ballon en 1783 ouvrent la voie tout au long du XIXe siècle à de nouveaux imaginaires, traçant l’horizon de conquêtes possibles. Au XXe siècle, l’aviation et le dirigeable font entrer le vol dans une nouvelle histoire. À la suite de la première guerre mondiale de véritables industries naissent ; on assiste au développement d’un transport de masse générant entreprises et infrastructures, qui façonne alors, par le flux des voyageurs et des marchandises, l’émergence d’un réseau et le nouveau visage des échanges mondiaux. L’objet de ce colloque de s’interroger sur ce processus en prenant en considération les temps longs et parfois superposés des savoirs, des représentations, des réceptions. Loin de se réduire à l’héroïsme des pionniers, ces problématiques permettent d’aborder un ensemble de questions nouant l’histoire des techniques et l’histoire culturelle."



Forum du C2SD
Dans le cadre des forums du Centre en Sciences Sociales de la Défense (C2SD), une intervention de Yann Braem (docteur en géopolitique) sur "Armées et humanitaires", le mardi 18 novembre 2008, de 12h30 à 14h, Ecole militaire, amphithéâtre Suffren, 21 place Joffre, à Paris.



Commission nouvelle histoire bataille
Dans le cadre de la commission "nouvelle histoire bataille" du CEHD (Centre d'études d'histoire de la défense), un exposé de Clément Oury (conservateur à la BNF, doctorant à l’université Paris IV – Sorbonne), sur "Une bataille peut-elle être décisive au début du XVIIIe siècle en Europe occidentale ? L’exemple de la guerre de Succession d’Espagne", le mardi 18 novembre 2008, de 17 h 00 à 19 h 00, au château de Vincennes, Pavillon du Roi salle Costa, à Paris.



Commission d'histoire des rapports diplomatico-stratégiques
Dans le cadre de la commission d'histoire des rapports diplomatico-stratégiques du CEHD, une intervention de George-Henri Soutou (professeur émérite à l’université de Paris IV - Sorbonne), sur "Réflexions sur le renseignement français sous la IVe république", le mercredi 19 novembre 2008, de 17 h 00 à 19 h 00, au Château de Vincennes, Pavillon de la Reine, Salon 2, à Paris.


Séminaire ayant lieu plusieurs mercredis par mois, de 18h à 20h, à l'Institut Pierre Renouvin, 1 rue Victor Cousin, Galerie J. B. Dumas, escalier L, 1er étage, salle F 603, à Paris.

  • le 12 novembre 2008 : Deena Harris (psychiatre à Columbia University N.Y.) - "Un groupe narratif réunissant descendants de nazis et descendants de survivants de la Shoah : aspects psychanalytiques de 15 ans de fonctionnement"
  • le 26 novembre 2008 : Sabine Dullin (université Paris 1) - "Traces du communisme et mémoires parallèles dans la zone frontière de Transcarpatie (Ukraine, Pologne, Slovaquie, Hongrie)"

Retrouvez l'ensemble du programme de ce séminaire pour l'année 2008-2009.



Forces irrégulières vs forces régulières face au défi de l’innovation militaire
Organisé par le Centre de recherches des Ecoles de Saint-Cyr (CREC), le mardi 25 novembre 2008, de 14h à 18h, Ecole militaire, à Paris. Avec pour participants :
  • le Lieutenant-colonel Michel GOYA, docteur en Histoire, rédacteur au cabinet du chef d'état-major des Armées.
  • le Professeur Jacques SAPIR, Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS).
  • le Professeur Dennis Showalter, professeur d’Histoire au Colorado College de Colorado Springs.
  • le Colonel Pierre-Jean LASSALLE, conseiller « Terre » auprès du directeur du Service d’Architecture des Systèmes de Forces, Délégation Générale pour l’Armement.



Sécurité et défense de la Somme à l’Escaut XVe-XXe siècles
4ème colloque d'archéologie du littoral Manche - Mer du Nord.
Le samedi 29 novembre 2008, de 8h30 à 17h30, au Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle, 25 rue Richelieu, à Calais.