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vendredi 30 décembre 2011

Cambodge : de la mémoire à la justice (émissions et coups de coeur)



L'émission Babylone, diffusée sur Espace 2 (groupe Radio Suisse Romande - RSR) diffusera 3 émissions au génocide cambodgien et aux procès des Khmers rouges, les 2, 3 et 4 janvier 2012. Ces émissions resteront disponibles à la ré-écoute et au podcasting après leur diffusion sur le site de l'émission. Les présentations (émission et intervenants) proposées dans ce billet sont celles du site de l'émission. Elles sont l'occasion de proposer quelques liens sur la géographie de ce génocide et sa mémoire.




Mémoire et justice au Cambodge, un génocide oublié

Diffusion :
Lundi 2 janvier 2012, 9h00-10h00 et 19h00-20h00, Espace 2. A la ré-écoute.

Présentation :
"Une nouvelle diffusion de l'émission du 23 juin 2011.
A travers historien, journaliste et témoin-rescapé, et à partir des procès en cours des responsables khmers rouges du génocide cambodgien, réflexions sur une mémoire et des souffrances qui auront mis plus de trente ans pour être reconnues et valoir un tel processus de justice.
Un documentaire de David Collin."

Invités :
  • James Burnet (journaliste français, ancien chef du département Etranger de Libération),
  • Van Nath (peintre cambodgien, l'un des 5 survivants de S.21 - décédé en 2011),
  • Bernard Bruneteau (historien français, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Pierre Mendes France - Grenoble II),
  • Soko Phay Vakalis (maître de conférences franco-cambodgienne, au département d'arts asiatiques de l'Université Paris 8).



Cambodge, lieux de mémoire

Diffusion :
Mardi 3 janvier 2012, 9h00-10h00 et 19h00-20h00, Espace 2. A la ré-écoute.

Présentation :
"A l'heure des procès des khmers rouges, visite des lieux de mémoire, qui à Pnomh Penh, constituent les rares traces d'un génocide qui fut longtemps oublié, pour ne pas dire nié.
Visite de S 21, prison surnommée par le réalisateur Rithy Panh, dans le film documentaire célèbre qu'il lui consacrait, La machine d'extermination khmers rouges, et des "killing fields, à 15 km de la capitale, où les prisonniers étaient acheminés avant d'y être abattus.
Récit d'une destruction programmée dans les lieux de la terreur en compagnie de Raoul Marc Jennar, essayiste belge, spécialiste de politique internationale, consultant d'ONG, de l'ONU et de l'UNESCO.
Un documentaire de David Collin."



Le procès des Khmers rouges

Diffusion :
Mercredi 4 janvier 2012, 9h00-10h00 et 19h00-20h00, Espace 2. A la ré-écoute.

Présentation :
"Nouvelle diffusion de l'émission du 10 novembre 2011.
"Babylone" s'immisce dans les arcanes des procès des Khmers rouges au Cambodge, à l'heure où le fonctionnement et la mission du Tribunal qui juge les principaux responsables khmers rouges est débattu.
Un documentaire de David Collin."

Invités :
  • Rithy Panh (réalisateur et fondateur du Centre Bophana, survivant du génocide),
  • Stéphane de Greef (spécialiste du déminage à Siem Reap),
  • Dim Sovannarom (responsable des affaires publiques aux Chambres extraordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens),
  • Phektra Neth (porte-parole aux Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens),
  • Chum Sirath (témoin, représentant des parties civiles),
  • François Ponchaud (pretre, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l'histoire du Cambodge),
  • Ang Udom (avocat de Ieng Sary, l'un des accusés du cas numéro deux - grands responsables du génocide),
  • Elisabeth Simoneau Fort (co-avocate principale pour les parties civiles aux Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens),
  • ainsi que d'anciens khmers rouges et témoins.





Quelques liens sur la géographie du génocide cambodgien


Cette bibliographie/sitographie est particulièrement succinte : elle ne présente pas un état de la recherche sur la question du génocide cambodgien, mais quelques "coups de coeur" glanés au fil des lectures, qui sont particulièrement pertinents pour poser un regard géographique sur ces questionnements.


Un billet proposé sur l'excellent blog Samarra qui décrypte des bandes dessinées, des mangas et des musiques au prisme de l'histoire et de la géographie. Le billet propose une analyse de la manière dont "'l'imaginaire des enfants a été façonné" à partir du manga Enfant soldat, basé sur l'histoire vraie d'Akira, un enfant-soldat enrôlé de force dans les troupes des Khmers rouges. Le manga propose un regard intéressant pour les géographes, puisqu'il plonge le lecteur dans les espaces de vie et les quotidiennetés de ces enfants-soldats pour qui la guerre, la peur et la terreur sont devenues "ordinaires". On y entrevoit également les spatialités des Khmers rouges et l'utilisation de la géographie physique dans les combats. Après une présentation du manga et de son contenu ("ce livre est vraiment passionnant. Il sait nous raconter la guerre à hauteur d'enfant. Le regard de ces enfants enrôlés de force est dépourvu de toute approche idéologique. ils sont confrontés à la guerre depuis toujours, ils voient leurs proches disparaître, ils commettent des actes dont ils ne comprennent pas le sens mais dont la portée est terrifiante"), le billet propose une chronologie très intéressante, très pédagogique et très détaillée qui permet de mettre en perspective cette lecture (avec, en fin de billet, des liens très pertinents pour prolonger cette appréhension de la guerre et du génocide par l'imaginaire, les lieux de mémoire et les documentaires).

Références du billet :
"Survivre dans le Cambodge des Khmers Rouges", Samarra, 11 mars 2009.
En ligne : http://mondomix.com/blogs/samarra.php/2009/03/11/cambodge-khmer-rouge



Un article de Christel Thibault pour le numéro de la revue L'Information géographique consacré aux "Modifications coercitives du peuplement" (numéro très souvent cité sur ce blog !). Cet article est proposé dans la rubrique "Document" et propose une analyse de la carte des déplacements sous contrainte au Cambodge : "depuis la fin des années 1960, la permanence des contraintes politico-militaires exercées sur la population est à l'origine d'un brassage exceptionnel par son ampleur et par sa durée. Les crises à la fois locales et régionales, ainsi que les régimes autoritaires (voire totalitaires) qui se sont succédés, ont créé des conditions de ruptures, qui ont elles-mêmes provoqué une mobilité de crise où la coercition a joué un rôle fondamental" (p. 87). L'intérêt de cet article est double : d'une part, proposer une analyse de carte précise, qui permet de comprendre non seulement le document concerné, mais aussi les concepts qui se cachent derrière des discours politiques sur "l'insécurité" ou les "calamités naturelles" comme critères de déplacement des populations. D'autre part, le travail de Christel Thibault permet de comprendre les contextes guerre/post-guerre, la radicalisation des pouvoirs, les conséquences du retour de Cambodgiens dans les années 1990, et la place des "modifications coercitives du peuplement" dans les violences politiques. Cet article constitue un excellent prolongement de la question cambodgienne, puisqu'il permet de dépasser la seule problématique de la justice, pour intégrer d'autres questionnements autour de l'ancrage de la conflictualité dans les quotidiennetés.

Références de l'article :
THIBAULT, Christel, 2007, "L'état des déplacements sous contrainte au Cambodge en 1998", L'Information géographique, vol. 71, n°1, pp. 87-90.
En ligne : http://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2007-1-page-87.htm


Pour aller plus loin :
A noter que cette carte est extraite de la thèse de Christel Thibault, soutenue en 2005 sous le titre Conflits, refuges et enjeux frontaliers. Les déplacements forcés de la population du Cambodge (1970-2000). Une version remaniée de la thèse a été publiée sous le titre L'archipel des camps. L'exemple cambodgien (Le Monde/Presses Universitaires de France, collection Partage du savoir, Paris, 2008, 178 p. + préface). Un excellent ouvrage, d'un écriture très agréable, qui se lit avec facilité malgré la gravité du sujet. Voir une présentation (4ème de couverture) et le sommaire de cet ouvrage. En voici l'avant-propos.
"Les années 1970 ont marqué le début d'une des périodes les plus troublées de l'histoire du Cambodge. La destitution du prince Norodom Sihanouk de ses fonctions de chef de l'Etat et la profonde crise politique qui s'en est suivie, les puissants bombardements américains s'abattant sur le pays tandis que s'organisaient les maquis communistes, et surtout les combats de la guerre civile ont plongé ce petit pays dans le chaos. La population se retrouva dans un tel état de confusion que tout répit dans les combats, tout changement politique majeur, ne pouvait être accueilli qu'avec soulagement. C'est bien en libérateurs que les Khmers rouges sont entrés dans Phnom Penh le 17 avril 1975. Les hommes de Pol Pot ont alors verrouillé les frontières et substitué à ce désordre un totalitarisme absolu, ordonnant les êtres et les choses avec une terrifiante rigidité mécanique. La guerre, les crises et la coercition des régimes prédateurs qui se sont succédé au pouvoir ont provoqué un brassage exceptionnel de la population. Tour à tour réfugiés de guerre, évacués, raflés, déportés, déplacés vers les camps frontaliers, rapatriés, les Cambodgiens furent astreints à d'incessants déplacements pendant plus de trois décennies. Non seulement la libération du Cambodge par les troupes de Hanoi en 1979 n'a pas mis un terme à ces migrations forcées, mais la République populaire du Kampuchéa démocratique de Pol Pot est à l'origine de flux massifs de réfugiés vers les camps de la frontière khméro-thaïlandaise. Cette multitude de camps frontaliers a constitué tout à la fois un archipel de refuge pour près de 400 000 Cambodgiens pendant plus d'une décennie et la base territoriale de la reconquête politique d'un Cambodge occupé militairement et placé sous tutelle étrangère. A travers l'instrumentalisation des Cambodgiens réfugiés à la frontière thaïlandaise, ce livre présente le jeu complexe des alliances et des défis politiques, militaires et humanitaires qui se sont cristallisés au lendemain de la chute de Pol Pot. En cette fin de guerre froide, les Nations unies ont joué un rôle particulièrement ambigu pour amener le Cambodge occupé sur la voie de la paix, de la légitimité et de la reconnaissance internationale."
 Source : Christel Thibault, 2008, L'archipel des camps. L'exemple cambodgien
Le Monde/PUF, collection partage du savoir, Paris, pp. 1-2.


lundi 26 décembre 2011

De la guerre urbaine à la ville en guerre (RDV de l'IRSEM - 10 janvier)

De la guerre urbaine à la ville en guerre



mardi 10 janvier 2012, 12h30-14h00, Amphithéâtre De Bourcet, Ecole militaire
(attention changement d'amphithéâtre)



Intervenants :



«  Nous avions le sentiment désagréable d’être exposés à une menace permanente. Il y avait bien sûr les snipers, qui surveillaient toute la ville (notamment la grande artère centrale qu’on appelait « Sniper Alley »), raison pour laquelle tout le monde vivait caché. Il y avait aussi les obus : 120 mm de mortiers, 100 mm des chars T-55, 122 mm de l’artillerie lourde… La ville en recevait 300 à 400 par jour, tirés au hasard, du harcèlement pur et simple » (Michel Goya, 2011, « Sarajevo 19993, les snipers dans le viseur », Guerres & Histoire, n°3, pp. 6-13). Le témoignage du colonel Michel Goya montre bien le vécu des militaires français déployés à Sarajevo en 1993 pour la lutte anti-snipers. Pourtant, des analyses a posterio ont montré que le harcèlement par tirs sur la ville de Sarajevo ne relevait pas d’une volonté d’anéantissement de la ville, les Serbes de Bosnie-Herzégovine ayant pour projet de faire de la ville la capitale d’un Etat serbe de Bosnie-Herzégovine. La destruction des hauts-lieux comme celle des lieux « ordinaires » avaient pour objectif de détruire non la ville comme espace de vie, mais l’urbanité comme vivre ensemble. Les acteurs en armes utilisent la ville comme un espace-scène dans lequel la destruction/(re)construction des lieux et la territorialisation de et par la violence leur permet de rendre visible leur message politique.

La destruction des espaces de rencontre relèvent de nettoyages territoriaux qui impactent sur la ville non seulement comme espace de combats, mais aussi comme espace de vie et comme espace discursif. A Kosovska Mitrovica/Mitrovicë, les espaces de la mort ne correspondent pas avec les espaces des vivants. A Beyrouth, le Hezbollah s’est fait urbaniste dans des quartiers de la banlieue sud, devenus des foyers de contestation et de radicalisation politiques. A Kaboul, les friches urbaines accueillent de très nombreux déplacés/réfugiés de guerre provoquant surdensification, paupérisation et taudification. A Abidjan, les quartiers d'Abobo et de Yopougon ont été des fiefs politiques pour les deux candidats du second tour des élections présidentiels, tandis que les habitants d'autres quartiers, comme Treichville, ont vécu différemment ces affrontements. A Mostar, la reconstruction du Vieux Pont n’a pas empêché l’homogénéisation de deux quartiers-territoires qui se font face. A Sarajevo, la « bosniaquisation » de la ville se traduit dans la construction d'un vivre sans "l'Autre". La ville en guerre se construit autant comme un théâtre d’opérations que comme un géosymbole.

La recherche stratégique et doctrinale a intégré la question de la « guerre urbaine » et des « interventions militaires en zone urbaine », en pensant la ville comme un espace unique à plusieurs échelles : à l’échelle du monde, à l’échelle du pays ou à l’échelle de la ville, la « zone urbaine » est pensée comme une « zone de zones », stable dans l’espace et dans le temps, où l’intervention armée est complexifiée par la présence de la population et par les trois dimensions (sol, sous-sol, hauteurs des bâtiments). Si ces aspects techniques de l’intervention militaire sont bien « acquis » et nécessaires, il n’en reste pas moins qu’à Bagdad ou Kaboul, les armées sont « embourbées » dans une (im)possible gestion de crise. On postule que les processus politiques doivent être intégrés dans une manière de (re)penser l’espace urbain. En déplaçant le paradigme de la « guerre urbaine », on cherche à établir comment penser la (re)construction et la (ré)conciliation des populations dans des espaces politiques en transition. Cette approche par le local et le micro-local vise à replacer la population, mais aussi les belligérants, les réseaux criminels comme acteurs déstabilisateurs et les acteurs de la paix (militaires, humanitaires, médias…) au cœur de la réflexion : ce constat vise à produire une réintégration des spatialités dans la compréhension des processus politiques de (dé)stabilisation, dans les processus sociaux de fragmentations urbaines, et dans la construction d’une « nouvelle » urbanité dans l’après-guerre. Comprendre la symbolique des lieux et la territorialisation de et par la violence est aujourd’hui un enjeu de la pacification des territoires dans les « bourbiers urbains ».

vendredi 23 décembre 2011

Le paysage-spectacle dans la guerre : L'urbicide, une mise en scène de la haine dans la ville (2)

Les Secondes Journées Doctorales en Paysage (qui eurent lieu les 3 et 4 décembre 2009 à l'Ecole du Paysage de Blois) avaient été l'occasion d'aborder l'approche paysagère comme grille de lecture pour comprendre les conséquences de l'ancrage de la guerre dans la ville, notamment dans ses formes visibles, mais aussi invisibles. Si la question du paysage n'est pas centrale dans le champ des "War Studies", elle n'en démontre pas moins les intentionnalités des acteurs en armes : la question de l'urbicide comme "meurtre rituel de la ville" comme l'a proposé l'architecte et ancien maire de Belgrade Bogdan Bogdanovic ainsi que le groupe d'architectes "Warchitecture" (notamment autour de l'exposition Urbicide Sarajevo qu'ils avaient proposé en 1995) permet non seulement de comprendre la destruction de la ville non comme anéantissement (comme dans le cas, par exemple, des villes anéanties de la Seconde Guerre mondiale), mais comme objectif de guerre, avec l'intention de détruire non pas la ville, mais ce qui fait le "vivre en ville", c'est-à-dire de rendre impossible le "vivre ensemble" dans la ville, en produisant une géographie de la peur de "l'Autre". Un thème qui touche de près la question du "nettoyage ethnique". Si le néologisme d' "urbicide" a été créé à l'occasion des guerres de Croatie (1991-1995) et de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), le phénomène est plus ancien, et s'est déjà appliqué au Liban entre 1975 et 1990. Les acteurs en armes pensent la mise en scène de la destruction pour ancrer un "vivre séparé" dans les pratiques et imaginaire spatiaux, par-delà le temps des combats.

"Les impacts spatiaux de la guerre paraissent évidents, notamment à travers l’aspect visible des destructions. On pense alors au concept d’urbicide créé par Bogdan Bodganovic (architecte et ancien maire de Sarajevo) qualifiant ainsi les "meurtres rituels de la ville", symbolisés par la destruction des villes en ex-Yougoslavie, avec par exemple la destruction de la Bibliothèque de Sarajevo en tant que géosymbole de la ville, espace de rencontre des populations. Mais, Michel Lussault souligne que ce phénomène a déjà eu lieu avant d’être conceptualisé, notamment dans la ville de Beyrouth. Il rappelle d’ailleurs l’intérêt des travaux de Nabil Beyhum, et de sa thèse Espaces éclatés, espaces dominés : étude de la recomposition des espaces publics centraux de Beyrouth de 1975 à 1990 (soutenue à l’Université Lyon II en 1991) qui montre comment le Hezbollah a pensé géographiquement la destruction de Beyrouth" (Michel Lussault, 2008, "Guerillas urbaines", Les Cafés géographiques, compte-rendu du café géographique du 3 octobre 2008, Saint-Dié-des-Vosges).



Les exemples de destructions pensées géographiquement à analyser sous le prisme de l'urbicide restent nombreux. En plus de Sarajevo et de Beyrouth, on pourrait citer Dubrovnik et Vukovar en Croatie, Mostar (notamment son pont) pour la Bosnie-Herzégovine, Nahr el-Bared au Liban, le quartier rom ou le cimetière serbe à Mitrovica... Il faut ajouter à cette approche par la symbolique des lieux la question de la (re)construction, comme en témoigne la problématique des lieux de mémoire dans les villes en guerre. Cette "haine monumentale" (François Chaslin, 1992, Une haine monumentale: essai sur la destruction des villes en ex-Yougoslavie, Descartes & Cie, 106 p.) s'inscrit dans le paysage et questionne la ville détruite (et non l'anéantissement de la ville à des fins tactiques/stratégiques - notamment pour l'avancée des troupes - comme dans le cas de la Seconde Guerre mondiale). C'est donc la question de la violence symbolique par la destruction qui se retrouve au coeur de ces questionnements : "la démolition (est) partie prenante des violences faites aux populations, dans le cadre d'un conflit, d'une occupation. (...) la démolition (est) plus banalement partie intégrante de l'affirmation d'un pouvoir, ou plus exactement d'un changement de pouvoir, ce qui représente une violence à caractère symbolique" (Vincent Veschambre, 2008, Traces et mémoires urbaines. Enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, collection Géographie sociale, p. 114).


Après le billet proposant la présentation power-point proposée lors de ces Secondes Journées Doctorales en Paysage ("Le paysage-spectacle dans la guerre : L'urbicide, une mise en scène de la haine dans les villes", 14 décembre 2009), voici le lien vers le texte préparatoire (qui ne vise nullement à être un texte définitif) concernant l'intervention sur l'urbicide comme mise en scène et mise en spectacle du paysage dans l'acte de destructions dans les villes.


"Les paysages de guerre doivent être analysés en fonction de leurs réalités et de leurs représentations pour les belligérants comme pour les habitants. Les différents acteurs de la ville n‘accordent pas la même importance et la même valeur aux ruines. Cette inégalité provient de l’espace vécu (le paysage comme territoire du quotidien) et de l’espace symbolique (le paysage comme construit social) différenciés pour chaque individu. A l’heure de la forte médiatisation des conflits, les belligérants ne recherchent pas seulement des avantages militaires : le paysage n’est plus seulement un objet dans la guerre (théâtre des affrontements), mais devient également un sujet (scène d’un discours des belligérants). On interrogera donc la mise en spectacle des violences à travers l’utilisation de lieux devenant, par leur destruction, des géosymboles de l’action politique des belligérants".





Quelques sources pour comprendre l'urbicide :
  • François Chaslin, 1992, Une haine monumentale: essai sur la destruction des villes en ex-Yougoslavie, Descartes & Cie, 106 p. (voir une recension du géographe Vincent Veschambre pour la revue Norois, 2000, n°185, p. 70).
  • Bogdan Bogdanovic, 1993, "L'urbicide ritualisé", dans Véronique Nahoum-Grappe (dir.), 1993, Vukovar, Sarajevo… La guerre en ex-Yougoslavie, Editions Esprit, Paris, pp. 33-38.
  • Bogdan Bogdanovic, 1993, Murder of the City, New York of Books, New York, traduit du serbo-croate.
  • Stephen Graham (dir.), 2004, Cities, War and Terrorism: Towards an Urban Geopolitics, Blackwell, 384 p. (voir un aperçu).
  • Robert Bevan, 2006, The destruction of memory: architecture at war, Reaktion, 240 p. (voir un aperçu).
  • Vincent Veschambre, 2008, "Destructions, démolitions et violences à caractère symbolique", Traces et mémoires urbaines. Enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, collection Géographie sociale, pp. 97-117 (voir un compte-rendu de lecture de Jean-Philippe Raud-Dugal pour Les Cafés géographiques, 7 janvier 2009).
  • Martin Coward, 2009, Urbicide: the politics of urban destruction, Routledge, 161 p. (voir un aperçu et le chapitre introductif).
  • Adam Ramadan, 2009, « Destroying Nahr el-Bared: Sovereignty and urbicide in the space of exception », Political Geography, vol. 28, n°3, mars 2009, pp. 153-163.
  • Sara Fregonese, 2009, « The urbicide of Beirut? Geopolitics and the built environment in the Lebanese civil war (975-1976) », Political Geography, n°28, pp. 309-318.
A noter que dans les travaux anglo-saxons, la notion d'urbicide a souvent pris un sens plus englobant que dans les travaux francophones, désignant des types de destructions de la ville plus élargies. C'est donc un réel effort de conceptualisation qu'il reste à faire pour comprendre les destructions de guerre et leurs conséquences visibles/invisibles dans l'immédiat après-guerre.


Des sources Internet sur la question de l'urbicide :


mercredi 14 décembre 2011

"La peur de « l’Autre » dessine une géographie du « vivre séparé »" (Entretien pour Globe, Planète Terre, Sylvain Kahn)

Voici le lien vers un entretien réalisé par Sylvain Kahn et Laure Birckel pour Globe, le blog de l'émission Planète Terre sur France Culture, en lien avec l'émission de ce 14 décembre 2011 (jour symbolique pour une émission portant sur un tel thème, puisqu'il s'agit de la date anniversaire de l'entérinement des Accords de Dayton, qui mirent fin à la guerre de Bosnie-Herzégovine en 1995 et proposèrent le découpage territorial de cet Etat en deux entités politiques - la Fédération croato-bosniaque au Sud et la Republika Srpska au Nord de la ligne-frontière inter-entités -, auxquelles s'ajoutent le corridor de Brčko, district "neutre" ; ce découpage pose aujourd'hui de nombreux problèmes politiques - la Bosnie-Herzégovine n'a toujours pas de gouvernement depuis les législatives d'octobre 2010, et se trouve aujourd'hui au bord de la banqueroute, avec la question en suspens d'une éventuelle indépendance de la Republika Srpska qui hante la vie politique comme le quotidien : voir le billet "Bosnie-Herzégovine : d'une indépendance à l'autre ?" du 30 avril 2011 ; et le dossier "Crise politique en Bosnie-Herzégovine : plus d'un an sans gouvernement", Le Courrier des Balkans), consacrée au "nettoyage ethnique" avec le géographe Stéphane Rosière (l'émission est disponible à la ré-écoute sur le site de France Culture). Stéphane Rosière a également répondu aux questions de Sylvain Kahn et Laure Birckel, dans un entretien qui poursuit l'émission.


Pour citer l'entretien : Bénédicte Tratnjek, 2011, "La peur de « l’Autre » dessine une géographie du « vivre séparé »", Entretien réalisé par Sylvain Kahn et Laure Birckel, Globe, France Culture, 14 décembre 2011.
En ligne : http://www.franceculture.fr/blog-globe-2011-12-14-la-peur-de-«-l’autre-»-dessine-une-geographie-du-«-vivre-separe-»-0



Sylvain Kahn et Laure Birckel m'ont proposé de parler du "nettoyage ethnique" autour de 3 questions :
  • Quelles différences peut-on établir entre nettoyage et purification ethniques ? Quand ces expressions ont-elles été employées pour la première fois ?
  • Un nettoyage ethnique est-il toujours organisé ou peut-il être spontané ? Un déplacement massif et forcé est-il forcément un nettoyage ethnique ?
  • Quelles sont les échelles du nettoyage ethnique : nationale, urbaine ?





A (re)trouver également sur Globe :


Villes et répartition ethnique au Kosovo : la ville, le lieu du nettoyage ethnique ?
Source : Bénédicte Tratnjek, "
La peur de « l’Autre » dessine une géographie du « vivre séparé »",
Entretien réalisé par Sylvain Kahn et Laure Birckel, Globe, France Culture, 14 décembre 2011.