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lundi 12 décembre 2011

Du "quartier-territoire" aux "nouveaux territoires" : l'inscription territoriale dans les villes en guerre

Alors que se préparent les 3èmes Rencontres du territoire sur la question de l'"Hybride, hybridation, hybridité : Les territoires et les organisations à l'épreuve de l'hybridation", voici les liens vers le texte préparatoire et la présentation proposés lors des "2èmes Rencontres du territoire : Les territoires, acteurs du changement" (TTT2010, Grenoble, 8-9 décembre 2010) lors de la session "Problèmes posés aux territorialités et à leurs devenirs" qui fut l'occasion de débattre avec Philippe Signoret ("Le territoire par la territorialisation" ainsi que le travail collectif avec Alexandre Moine et Horacio Bozzano : "Ancrages théoriques autour de la notion de territoire"), France Loubet ("La notion de capacités territoriales pour conceptualiser le rôle du territoire dans la construction des opportunités individuelles. Le cas des territoires ruraux marginaux"), Stéphanie Lima ("Territoires flous, territoires forts pour l'action"), Olivier Labussière ("Territoire, norme et changement : éléments de réflexion à partir de l'oeuvre de Jean Gottmann"), et Sophie Louargant ("Agencements post-territoriaux : arguments pour des territorialités construites"), lors d'ateliers animés par Olivier Labussière. De ces discussions (sous un format très original, puisqu'il ne s'agissait de chacun présenter son papier, mais autour du discutant d'avoir un véritable débat autour des problématiques de ces Rencontres du territoire), on retiendra de véritables éléments de débat, revenant sur les problématiques des 1ères Rencontres du territoire : "Territoires, territorialité, territorialisation : et après ?" (voir notamment l'ouvrage issu de ces journées : Martin Vanier (dir.), 2009, Territoires, territorialité, territorialisation. Controverses et perspectives, Presses Universitaires de Rennes, 232 p.) : s'entendre sur la définition du territoire, de la territorialité et de la territorialisation n'est pas simple, et rendre ces notions opératoires suppose de se retrouver sur le sens que chacun leur donne. Stéphanie Lima a également fait partager sa conception du territoire à partir de la notion élaborée par le géographe Denis Rétaillé : l'espace mobile. Des discussions particulièrement intéressantes, qui forcent à se confronter à sa propre conception des termes que l'on emploie : comment définir le territoire, comment le distinguer d'un espace borné ? Si les 2èmes Rencontres du territoire cherchaient à aborder le territoire non par le prisme de l'identité (comme ce fut notamment le cas lors du colloque Le territoire, lien ou frontière ? en 1995), mais par le prisme des acteurs, il fut également révélateur de voir combien acteurs et identité se croisaient dans cette discussion conceptuelle.


Quelques conseils de lecture :


Les sessions plénières (voir les vidéos et le programme) ont, elles aussi, permis la discussion sur le territoire agi et le territoire actant, sur le territoire comme dispositif, sur les territoires "vivants"... Des journées particulièrement riches ! En attendant que les géographes et chercheurs en sciences humaines et sociales ne se retrouvent pour discuter de l'hybride, de l'hybridation et de l'hybridité par le prisme des territoires en mars 2012 à Grenoble (autour d'un problématique centrale : "l'hybridation : nouvelle frontière, simple mélange des genres ou chimère ?), voici donc les liens vers le texte préparatoire (qui n'est pas un texte définitif, mais un texte qui visait à présenter des points concernant l'approche territoriale de la ville en guerre par le prisme de la territorialisation des quartiers par les acteurs en armes, comme l'a proposé la géographe Elisabeth Dorier-Apprill à propos de la guerre milicienne à Brazzaville au début des années 1990 : voir notamment Elisabeth Dorier-Apprill, 1999, "Brazzaville : des quartiers pour territoires ?", dans Joël Bonnemaison, Luc Cambrézy et Laurence Quinty-Bourgeois (dir.), 1995, Le territoire, lien ou frontière ?, tome 2 : La Nation et le territoire, L'Harmattan, collection Géographie et cultures, Paris, pp. 37-49 : voir le texte de présentation lors du colloque Le territoire, lien ou frontière ?) et la présentation power-point qui l'accompagnait.








Résumé de l'intervention :
L'inscription spatiale de la guerre dans les villes ne se mesure pas seulement au prisme des ruines et des destructions, qui laissent des empruntes dans les paysages urbains. En effet, l'approche territoriale se trouve particulièrement opératoire pour comprendre les recompositions des liens sociaux et des pratiques spatiales des habitants dans les villes pendant la guerre et dans le long terme de la pacification. La géographe Elisabeth Dorier-Apprill a proposé le concept de "quartiers-territoires" pour expliquer la stratégie particulière des milices qui s'ancrent dans des quartiers contrôlés par la mise en place de check-points qui construisent une discontinuité territoriale entre un "dedans" et un "dehors", défendus contre les acteurs "intrusifs" jugés comme "indésirables" dans le territoire approprié, et identifiés par des marqueurs spatiaux et symboliques. Une telle stratégie (qui s'oppose à celle des acteurs insurrectionnels qui ne repose pas sur l'appropriation d'un territoire doté d'une identité discursive) reconstruit les pratiques spatiales des habitants dans les villes en guerre, notamment en brisant la continuité spatiale dans leurs déplacements, mais également en transformant des logiques de distanciation inhérentes à la ville de l'immédiat avant-guerre en logique de différenciation (par des processus d'enclavement des habitants dans des territoires dans lesquels ils se sentent en sécurité). Ainsi, il est nécessaire de s'interroger sur les mobilités et les représentations spatiales des acteurs syntagmatiques et des habitants pour comprendre combien le "vivre ensemble" est mis à mal le temps du conflit. En quoi ces fragmentations urbaines (culturelles, sociales et/ou politiques) s'ancrent-elles dans le paysage urbain de l'après-guerre et dans l'imaginaire spatial des différents opérateurs spatiaux qui y vivent ou y agissent ? Cette proposition s'appuie sur des travaux empiriques et des réflexions menées dans le cadre d'une thèse de géographie sur les recompositions sociospatiales dans les villes en guerre, au prisme d'une approche comparative. On postule que la guerre recompose des territorialités spécifiques et on se propose d'en interroger la durabilité et les impacts sur le "vivre ensemble" dans l'après-guerre. A travers des exemples divers (principalement Abidjan, Beyrouth, Mitrovica et Sarajevo), il s'agit d'analyser le temps de l'immédiat après-guerre comme un défi posé aux acteurs de la pacification pour décloisonner des "quartiers-territoires" et reconstruire la ville comme un espace partagé par tous les habitants, alors même que le jeu des acteurs déstabilisateurs tend à renforcer les fragmentations territoriales comme des poursuites de la guerre dans le temps de la paix.


Pour citer ce texte : Bénédicte Tratnjek, 2010, "Du "quartier-territoire" aux "nouveaux territoires" : l'inscription territoriale dans les villes en guerre", communication aux 2èmes rencontres du territoire : Les territoires, acteurs du changement, 8-9 décembre 2010, Grenoble, 11 p. (en ligne sur le site des archives ouvertes du CNRS)



Extraits : Le territoire, une entrée opératoire pour l'analyse des villes en guerre ?
Questionner les «villes en guerre» au prisme de l’entrée territoire revient à s’interroger sur la pertinence de cette approche pour les belligérants, les réseaux criminels, les acteurs de la paix et les habitants. Le territoire constitue-t-il une échelle d’action, une ressource mobilisable, et/ou un vécu pour ces différents opérateurs spatiaux ? Le territoire ne peut être considéré comme un espace neutre, dénué de symbolique et de valeurs : dès lors, entrent en compte des processus d’appropriation et des sentiments d’appartenance à l’espace, au point que la territorialisation des différents groupes sociopolitiques dans la ville en guerre se traduit par leurs stratégies de (sur)vie et leurs pratiques spatiales. Si la ville en guerre est souvent analysée comme un espace de combats (au prisme du paradigme stratégique de la « guerre urbaine »1), elle n’en est pas moins un espace de (sur)vie pour les habitants comme pour les acteurs de la guerre et de la paix, et un espace médiatique dans lequel chaque acteur procède à des opérations aux objectifs à la fois militaires et symboliques. A travers ces opérations « discursives » (c’est-à-dire de théâtralisation des espaces de combat pour agir sur les représentations de l’(in)sécurité par les habitants), il est possible de mettre en exergue la conscience territoriale des différents acteurs et les conséquences pour les habitants dans la restructuration de leurs territoires du quotidien. Par l’analyse de cette territorialisation de la violence dans la ville en guerre, ce papier se propose d’interroger les fragmentations urbaines dans le temps de la guerre, et les territorialités des différents opérateurs spatiaux comme enjeu du processus de pacification/réconciliation dans l’immédiat après-guerre.


Sarajevo : de la ville multiculturelle à la ville "bosniaquisée"
Source : Bénédicte Tratnjek, 2005, Les militaires face au milieu urbain : étude comparative de Mitrovica et de sarajevo, mémoire de DEA en géographie, Université Paris-Sorbonne, p. 98.
Voir sur le site Géographie de la ville en guerre.



Présentation power-point :
(Cliquez sur l'image pour se rendre sur le power-point)





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