Suite à la panne du site des Cafés géographiques (toutes les archives sont progressivement en train d'être remises en ligne), voici l'intégralité d'un texte publié en 2012, qui prend ces derniers jours une actualité forte : "France : une géographie du droit d'asile".
Références de l'article original : TRATNJEK, Bénédicte, 2012, "France : un droit d'asile à géographie variable", Cafés géographiques, rubrique Vox geographi, 14 février 2012.
France : un droit
d’asile
à géographie variable
Introduction
En 2011, les
institutions internationales, les instances et associations agissant pour la
protection des demandeurs d’asile ont célébré le soixantième anniversaire de la
Convention de Genève relative au statut
des réfugiés de 1951 qui assure la protection des réfugiés, des apatrides et des
demandeurs d’asile. A priori, la question du droit d’asile semble dessiner une
géographie « uniformisée », ou tout du moins une géographie de la
sécurité/insécurité qui s’établit à l’échelle de chaque Etat qui la regarde.
Mais les diverses interprétations de la Convention de Genève de 1951 peuvent
être plus ou moins restrictives, et donnent à voir diverses représentations du
statut de demandeur d’asile et une géographie de la discrimination et des
persécutions à géométrie variable, qui construit un imaginaire spatial de la
migration à destination de la France.
Le 11 mars 2011, le
conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et
apatrides (OFPRA) décide d’ajouter à la liste des
« pays d’origine sûrs » : l’Albanie et le Kosovo. Mise en place
pour la première fois en place en 2005, « la notion de pays d’origine sûr a été introduite dans le droit français
par la loi n°2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n°52-893 du 25
juillet 1952 relative au droit d’asile. Aux termes de la loi, un pays est
considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de liberté, de
la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des
libertés fondamentales ». C’est le conseil d’administration de l’OFPRA qui
fixe la liste des pays d’origine sûrs » [1]. Le Kosovo était, en 2009
et en 2010, le principal territoire [2] d’origine des demandeurs d’asile en
France [3].
Le 2 décembre 2011,
cette liste s’allonge, passant de 16 à 20 Etats placés sur la liste des
« pays d’origine sûrs », avec l’ajout de l’Arménie, du Bangladesh, du
Monténégro et de la Moldavie. En 2011, le Bangladesh était devenu le premier
pays d’origine des demandeurs d’asile en France, et la demande en provenance de
l’Arménie avait doublé [4]. De nombreuses associations de protection des
demandeurs d’asile dénoncent l’imbrication des enjeux socio-politiques internes
(la liste des pays d’origine sûrs étant perçue comme un moyen de réguler les
flux migratoires) et des enjeux socio-politiques des pays que quittent les
demandeurs d’asile, au nom de la protection accordée par la Convention de
Genève de 1951. C’est donc un regard multiscalaire qu’il est nécessaire de
poser sur ces questions, tant l’entremêlement des échelles permet de comprendre
les conflits de représentation qui se jouent entre institutions étatiques et
protecteurs des demandeurs d’asile.
La liste des « pays
d’origine sûrs » ne vise pas à
dessiner une géographie de la sécurité et de l’insécurité dans le monde :
comme son nom l’indique, elle ne s’attache qu’à définir, parmi les différents
pays d’origine des demandeurs d’asile en France (et non ceux qui ne sont pas
concernés par le départ de migrants qui se déclareront dans le pays d’accueil
comme relevant de la Convention de Genève de 1951), les pays dans lesquels la
sécurité des habitants est garantie par les institutions étatiques. Ce sont
donc les pays « producteurs » de demandeurs d’asile qui sont visés
dans cette liste. En 2010, « pour la
troisième année consécutive, la France enregistre une hausse de la demande
d’asile sur son territoire. 52 762 demandes ont été formulées contre
47 686 en 2009, soit un écart de près de 11 % » (Forum Réfugiés, 2011, p. 129).
Cette même année 2010,
les principaux pays de provenance des primo-arrivants (première demande
d’asile, en opposition aux dossiers en réexamen, c’est-à-dire aux demandeurs
ayant déjà fait une tentative) sont le Kosovo (avec 3 267 demandes – hors
mineurs accompagnants, soit 8,8 % de la demande globale), le Bangladesh
(3 061 demandes, soit 8,3 %), la République démocratique du Congo
(2 616 demandes, soit 7 %), la Russie (2 424 demandes, soit 6,6 %),
Sri Lanka (2 265 demandes, soit 6,1 %), la Chine (1 805
demandes, soit 4,9 %), la Guinée (1 712 demandes, soit 4,6 %),
Haïti (1 500 demandes, soit 4 %), l’Arménie (1 278 demandes,
soit 3,5 %) et la Turquie (1 240 demandes, soit 3,3 %) (Forum Réfugiés, 2011, p. 130).
Ce sont ces pays qui
sont concernés par un examen par l’OFPRA sur l’(in)sécurité des habitants, et
qui sont potentiellement inscrits sur la liste des pays d’origine sûrs. Des
Etats voisins de la France comme la Belgique, l’Allemagne ou encore la Suisse
n’étant pas des pays d’origine de demandeurs d’asile, ils n’apparaîtront pas
sur cette liste. Pourtant, celle-ci reste une manière de concevoir, par le
prisme des pays « producteurs » de demandeurs d’asile, une géographie
de l’insécurité et une géographie du droit d’asile « légitime ». En
quoi la proportion de la demande d’asile dessine-t-elle une géographie de
l’(in)sécurité telle que perçue par les autorités françaises ?
Droit
d’asile et pays de provenance : une liste des « pays d’origine
sûrs » qui dessine une géographie des migrations
Inscrire un pays sur
cette liste est, en effet, une décision conséquente pour les demandeurs
d’asile : les arrivants en provenance d’un pays placé sur cette liste ne
bénéficient plus d’une admission au séjour au titre de l’asile le temps de leur
procédure (accueil, logement…), leur dossier est traité dans le cadre de la
« procédure prioritaire » (c’est-à-dire une procédure accélérée qui
ne donne pas le droit au séjour – le demandeur pouvant alors être renvoyé dans
son pays au cours de la procédure), et le recours éventuel (face à la décision
prise par l’OFPRA) auprès de la Cour nationale du droit d’asile (la CNDA) n’a pas de caractère suspensif (la CNDA n’a, dans cette
procédure, qu’un avis consultatif). Pour les représentants de l’OFPRA, inscrire
un pays sur cette liste n’a pas d’incidence sur les demandes d’asile et sur la
perception du dossier : « le
fait pour un demandeur d’asile de posséder la nationalité d’un pays sûr a pour
seule conséquence de mettre en œuvre la procédure prioritaire […]. Dès lors,
cette mesure ne peut faire obstacle à l’examen individuel de chaque demande,
l’intéressé pouvant faire l’objet d’une mesure d’éloignement au cours de
l’examen de sa demande » (Kuhn-Delforge,
2005, p. 8) [5]. Selon ce positionnement, ce sont les seules modalités de
la procédure qui sont modifiées dans la demande d’asile, non la représentation
de la menace vécue par le demandeur.
Encadré n°1 : Procédures pour les
demandeurs d’asile et conflits de représentation pour les différentes
structures traitant la demande
Complément à l’encadré n°1 :
Schéma
de la procédure de demande d’asile et de titre de séjour
Source :
« La procédure d’asile », site de Forum Réfugiés, consulté en décembre
2011.
Pourtant, l’existence de
cette liste dessine une géographie de la sécurité, puisque les Etats qui y sont
inscrits sont reconnus comme assurant la protection de leurs habitants contre
toute forme de discriminations et de persécutions. A l’opposé de ce discours,
les associations et institutions qui gèrent l’accueil des demandeurs d’asile
défendent l’idée que cette liste nuit aux dossiers en s’immisçant dans
l’imaginaire spatial des officiers de protection de l’OFPRA et en construisant
une géographie de la demande d’asile « légitime » /
« illégitime ». De fait, les dossiers des ressortissants des pays
placés sur cette liste pour l’obtention du statut de réfugié (dix ans) ou la
protection subsidiaire (un an renouvelable) (encadré n°2) seront plus difficiles
à défendre. Inscrire un pays dans la liste des « pays d’origine
sûrs » est donc un acte politique lié à une vision du monde construite par
des enjeux internes (principalement liés aux objectifs de la politique de
régulation des flux migratoires en France). « Dans le cas français, la nationalité du demandeur est centrale dans le
traitement de la demande d’asile. Or, dans le texte de la Convention de Genève,
la nationalité n’est qu’un élément pouvant être source de persécutions parmi
cinq. La place prise par la nationalité a été expliquée entre autres par Gérard
Noiriel, qui énonce que le droit d’asile, son émergence et son application sont
à penser dans une “nationalisation” des sociétés » (Greslier, 2007, paragraphe 17). Dans
cette perspective, la liste des « pays d’origine sûrs » dessine une
géographie politique de la sécurité, qui se projette dans le traitement des
dossiers des demandeurs : elle distingue « pays sûrs » des pays
où la demande semble davantage « légitime ». Or, les enjeux migratoires
sont, le plus souvent, abordés sous le prisme de fantasmes spatiaux.
Encadré n°2 : Les différents types
de protection pour les demandeurs d’asile
Sources :
Forum Réfugiés, Cimade, France Terre d’Asile [6].
Contrairement aux idées
reçues, la géographie du droit d’asile ne se construit pas seulement selon une
ligne de fractures Nord/Sud. Si cette représentation d’un flux massif de
demandeurs d’asile en provenance des Suds est très répandue dans l’imaginaire
collectif, elle relève avant tout d’un fantasme spatial sur une possible
« invasion » de réfugiés (souvent associé à une image d’une Afrique
« chaotique »). Pourtant, de nombreux travaux récents ont démontré
combien la question des migrations politiques et/ou économiques dans les Suds
est avant tout une affaire régionale [7] : les conflits armés provoquent
avant tout des flux massifs de réfugiés dans les pays voisins du territoire en
guerre. « L’asile au Sud est une
réalité ancienne, massive, banale, tant il est vrai que la majorité des
conflits ont lieu au Sud et que ce sont toujours les pays voisins qui
accueillent les flux de réfugiés les plus importants » (Legoux,
2008, p. 9). 80 % des réfugiés dans le monde sont ainsi installés
dans des pays en développement. Les principaux pays d’accueil des réfugiés en
2008 étaient le Pakistan (1,7 million de réfugiés), la Syrie (1,1 million),
l’Iran (980 000). L’Allemagne, premier Etat européen dans cette liste du
nombre de réfugiés dans le monde arrivant dans un pays d’accueil, n’arrive
qu’en quatrième position avec 582 000 arrivants en 2008. Suivent la
Jordanie, la Tanzanie, la Chine, le Royaume-Uni, le Tchad et les Etats-Unis
(UNHCR, 2009, p. 9). Si cette répartition des pays d’accueil varie
fortement d’une année à l’autre, en fonction des événements géopolitiques
internes aux pays de départ, la tendance reste la même : l’Europe
accueille environ 15 % des réfugiés dans le monde, et l’essentiel de ces
populations s’installent dans le pays voisin (qui est, le plus souvent, très
déstabilisé par cette demande : par exemple, le Pakistan, premier pays
d’accueil en 2008, supporte difficilement le poids de cette arrivée massive,
avec 733 réfugiés pour un dollar de PIB/habitant : UNHCR, 2009, p. 12).
Néanmoins, l’accueil de réfugiés au Pakistan se fait non sous la forme d’un
dispositif de demandes d’asile, mais dans des camps de réfugiés, pris en charge
majoritairement par les institutions internationales (et notamment le
Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations unies), avec le plus souvent
l’espoir, pour les réfugiés, de retourner vivre dans leur pays (en l’occurrence
l’Afghanistan en ce qui concerne les camps de déplacés au Pakistan ces
dernières années) une fois le conflit terminé. Ce type de lieux d’accueil
n’appartient pas à la géographie de la demande d’asile en tant qu’examen de la
demande de protection internationale.
Il est, en effet,
nécessaire de prendre en compte la distinction entre réfugiés de facto d’une part, et réfugiés de jure (ou réfugiés statutaires) d’autre
part (Lassailly-Jacob, 1999).
Toute personne ayant quitté son pays, sous la contrainte ou par la force,
devient un réfugié dès lors qu’elle franchit les frontières de son pays
d’origine. Les demandeurs d’asile sont un cas particulier de réfugiés, dans la
mesure où ils procèdent, dans le pays d’accueil, à une démarche spécifique qui
vise, par la demande de protection internationale, à accéder à un titre de
séjour dans le pays d’accueil. Les demandeurs d’asile représentent donc une
part très minoritaire des réfugiés de
facto (encadré n°3). Lorsque la demande d’asile est acceptée par les
autorités du pays d’accueil, le demandeur d’asile devient un réfugié de jure, c’est-à-dire qu’il est
juridiquement reconnu par le statut de réfugié, qui lui donne en France le
droit à une carte de séjour de dix ans renouvelable. On distingue ainsi le
réfugié comme condition de vie (toute
personne contrainte ou forcée de vivre hors des frontières de son pays
d’origine) et le réfugié comme statut
(toute personne ayant obtenu ce statut dans son pays d’accueil). De par le
monde, 10,55 millions de réfugiés de
facto relevaient, fin 2010, du mandat du Haut-Commissariat aux Réfugiés des
Nations unies (UNHCR, 2011, p. 9). Parmi ces réfugiés de facto, en 2010, « la
demande d’asile formulée dans 44 pays industrialisés ne représente que
0,8 % du nombre global de personnes en quête de protection dans le monde »
(Forum Réfugiés, 2011,
p. 11). La demande d’asile, en tant qu’examen et procédure par dossier
individuel, se pose donc à l’échelle des pays qui disposent de systèmes
d’examen de ces demandes formulées, c’est-à-dire dans les pays dits du Nord. Si
le Pakistan, l’Iran et la Syrie sont, en 2010, les principaux pays d’accueil
des réfugiés, la question de la demande d’asile dessine une autre géographie de
l’accueil : « les Etats-Unis
sont une nouvelle fois le premier pays industrialisé d’accueil des demandes
d’asile puisque 55 530 personnes y ont formulé une demande de protection
en 2010. Le second pays d’accueil est la France qui, avec 47 790 demandes
enregistrées, se place avant l’Allemagne (41 330), la Suède (31 820),
le Canada (23 160) et le Royaume-Uni (22 090) » (Forum Réfugiés, 2011, p. 13).
Encadré n°3 : Réfugiés et demandeurs
d’asile : quelle distinction ?
Source :
Forum Réfugiés,
2011, p. 12.
Loin de certaines représentations
dans l’imaginaire collectif, le droit d’asile concerne aussi des peuples
européens. A l’échelle de l’ensemble des pays disposant de systèmes d’examen
des demandes d’asile de par le monde, « la Serbie (Kosovo compris) devient cette année [en 2010] le premier pays d’origine des demandeurs
d’asile dans les pays industrialisés avec 28 901 demandes, soit 54 %
de plus qu’en 2009. La demande afghane diminue de neuf points, passant de
27 151 demandes en 2009 à 24 769 demandes en 2010. Arrivent ensuite
les ressortissants chinois (21 645 demandes), irakiens (20 129) et
russes (18 924) » (Forum
Réfugiés, 2011, p. 13). Récemment, le cas des Roms [8] a été
particulièrement médiatisé, notamment autour des cas des Roms de Roumanie et de
Bulgarie, suite aux expulsions de camps à l'été 2010. Néanmoins, dans l’imaginaire
collectif, le cas des Roms n’a pas été entendu comme un aspect du droit
d’asile, mais comme une immigration économique (parfois même perçue comme
« illégale »). D’autres cas comme l’insécurité des Roms vécue en
Hongrie ou les expulsions en Italie [9] rappellent que la question rom se pose
doublement : en tant que demandeurs d’asile ou apatrides pour certains, en
tant que migrants économiques pour d’autres. La question du droit d’asile est
donc entremêlée avec la question des migrations économiques. De plus, non
seulement la question rom ne se résume pas aux deux pays de provenance que sont
la Roumanie et la Bulgarie (qui sont les cas les plus médiatisés et les plus
prégnants dans l’imaginaire collectif qui tend à résumer la question des Roms
en provenance de l’Europe de l’Est à ces deux pays de provenance : par
exemple, la France accueille de nombreuses demandes d'asile de la part de Roms
du Kosovo et de Roms de Macédoine), mais ce ne sont pas les seuls peuples
européens concernés par cette demande d'asile. Or, les autres cas sont bien
moins médiatisés.
La carte de la demande
d’asile en France en provenance des pays définis comme européens par l’OFPRA
(figure n°1a) laisse apparaître tout d’abord une représentation de l’Europe,
incluant, dans le chapitre « Europe » de ses rapports, la Turquie, la
Russie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il ne s’agit pas ici de
discuter de l’appartenance de ces Etats au continent européen (notamment la
Turquie et la Russie [10]) ou du degré d’européanité de chacun des Etats
concernés par cette définition, mais de constater que l’OFPRA, en tant
qu’institution, donne à voir une vision de la demande d’asile en provenance de
pays dits européens selon l’approche du Conseil de l’Europe, intégrant dans ce
découpage les pays du Caucase (l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie sont
directement concernés par la demande d’asile) ainsi que deux autres Etats
d’origine des demandeurs : la Russie et la Turquie. Cette carte reproduisant
les représentations cartographiques des rapports de l’OFPRA (figure n°1a) fait
état de la demande d’asile en France en fonction du nombre de demandeurs.
Néanmoins, on peut lui confronter une autre carte : celle du nombre de
demandeurs rapportés au nombre d’habitants du pays d’origine (figure n°1b). En
établissant un critère de comparabilité (confrontant le nombre de demandeurs
pour 100 000 habitants), se dessine alors une autre géographie de la
demande d’asile en provenance des pays européens : dans les deux cartes,
le Kosovo, premier pays d’origine des demandeurs de protection internationale
en 2010, apparaît comme l’un des Etats où la demande est la plus forte, bien
qu’il soit nécessaire de rappeler combien la demande d’asile reste, dans tous
les cas, un phénomène migratoire relatif en termes de nombre d’arrivants au vu
des flux entrant chaque année en France : s’il est difficile de chiffrer
le nombre réel d’entrants en France du fait de l’immigration illégale
(c’est-à-dire en dehors du cadre légal prévu par la législation française), l’Office
français de l’Immigration et de l’Intégration estime que la demande d’asile ne
concerne que 4,2 % des flux d’entrée en France en 2010 (à partir des
chiffres des entrées légales, ce qui relativise plus encore ce poids de la
demande d’asile dans le traitement dans la question migratoire). Cette part
proportionnelle est même en constante baisse depuis au moins cinq ans, avec
6,5 % des entrées en 2005 (« Evolution
des flux migratoires en 2010 », site de l’OFII, consulté en décembre
2011).
Néanmoins, une fois le
nombre de demandeurs rapporté au nombre d’habitants dans le pays d’origine, un
Etat comme la Fédération de Russie devient minoritaire dans les demandes en
France (relativisant ainsi la demande, avec 2 786 dossiers en 2010 pour
une population de 141 750 000 habitants selon la Banque mondiale),
tandis qu’un Etat comme l’Albanie, dont la demande apparaît comme presque
négligeable en comparaison de celle de la Russie dans la figure n°1a, devient
un pays d’origine qui apparaît plus insécurisé que cette dernière (avec 411
dossiers, soit presque 7 fois moins que la demande en provenance de Fédération
de Russie, sur seulement 3 204 284 habitants, soit 44 fois moins que
la Russie : si l’on rapporte le nombre de demandeurs à la population des
deux pays, la demande en provenance d’Albanie est donc plus de 6 fois plus
importante que celle de la Russie). Les critères employés pour ces représentations
cartographiques (y compris dans la figure n°1b produite ici avec des choix en
termes de comparabilité et de dégradés de couleur, qui sont eux aussi les
témoins d’une géographie intime de l’auteur avec ce sujet) servent donc un
discours spatial sur l’(in)sécurité en Europe, au prisme de la demande d’asile.
En détournant la formule célèbre d’Yves Lacoste [11] : la carte, ça sert,
aussi, à produire des représentations appuyant des discours politico-spatiaux.
Dans les figures n°1a et n°1b, les dégradés de violet montrent l’(in)sécurité
pour la France d’une demande considérée en termes quantitatifs, tandis que les
dégradés de rouge montrent l’(in)sécurité vécue dans les pays d’origine telle
qu’elle pousse certains habitants à demander la protection au nom de la
Convention de Genève de 1951. La confrontation des deux cartes permet, ainsi,
de voir se dessiner deux représentations de la demande de protection
internationale : la géographie de l’asile vue de la France confrontée à
l’accueil (figure n°1a) et la géographie de l’asile vue des pays de provenance
des demandeurs (figure n°1b).
Figure n°1a : La demande d’asile en
France en 2010 en provenance des pays européens
(Nombre de demandeurs d’asile européens
selon le pays de nationalité en 2010)
Source :
OFPRA, 2011, Rapport d’activité 2010,
p. 27.
Fond de carte :
Cartothèque de l’Académie
Aix-Marseille.
Réalisation :
© Bénédicte Tratnjek, 2011.
Figure n°1b : La demande d’asile en
France en 2010 en provenance des pays européens
(Nombre de demandeurs pour 100.000
habitants dans le pays d’origine)
Source :
OFPRA, 2011, Rapport d’activité 2010,
p. 27 ; chiffres de la Banque mondiale, 2010.
Fond de carte :
Cartothèque de l’Académie
Aix-Marseille.
Réalisation :
© Bénédicte Tratnjek, 2011.
Géographie
du droit d’asile, un enjeu politique
De nombreuses
associations dénoncent les liens entre les institutions traitant les demandes
d’asile et la politique migratoire. Dans l’Atlas
des migrations en Europe. Géographie critique des politiques migratoires (Migreurop, 2009), Gérard Sadik interroge
ainsi la demande d’asile à l’échelle de l’Union européenne, au prisme du
système Dublin II (qui constitue la synthèse des différents règlements
européens en matière de droit d’asile) : celui-ci « s’inscrit dans la continuité des conventions
dites de Schengen et de Dublin, qui visent à répartir entre les Etats européens
la responsabilité de l’examen des demandeurs d’asile. Quand les Etats européens
ont décidé d’ouvrir leurs frontières intérieures dans les années 1980, ils ont
parallèlement cherché à combattre un double phénomène induit par cette liberté
de circulation : d’une part le fait que rien n’empêchait les demandeurs de
solliciter l’asile dans plusieurs pays (demandes d’asile multiples), d’autre
part la situation de ceux dont aucun Etat ne voulait examiner la demande (ce
que l’on appelait les “demandeurs d’asile en orbite”) » (Sadik, 2009, p. 49). Redessinant la
géographie de la demande de protection internationale par les frontières de
l’Union européenne, par « le principe
qui consiste à confier la responsabilité de l’examen de la demande d’asile au
premier pays d’entrée dans l’espace européen » (Sadik, 2009, p. 51), ce dispositif
est « devenu le symbole d’une
politique européenne de l’asile qui tend à privilégier les mesures restrictives
et dissuasives afin d’éviter d’accueillir les demandeurs d’asile » (Sadik, 2009, p. 52). L’ouverture
des frontières à l’intérieur de l’espace Schengen a donc contribué au
renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne, mais aussi à
l’émergence de réglementations pour garantir l’ancrage des demandeurs d’asile
dans un seul Etat membre.
La géographie mouvante
du droit d’asile en France dépend, en effet, non seulement de la situation dans
les pays de provenance, mais aussi de la géopolitique interne du pays d'accueil
(si on s’arrête ici sur la question de la France comme pays d’accueil des
demandeurs de protection internationale, on retrouve un processus similaire
dans les autres pays d’arrivée). Parmi les pays fortement « producteurs »
de demandeurs d’asile sur le continent européen, le Kosovo et l’Albanie ont été
classés par l’OFPRA au décret du 11 mars 2011 dans la liste des « pays
d’origine sûrs » – et ce, bien avant le Monténégro (qui rejoint la liste
le 2 décembre 2011), alors que la souveraineté étatique (malgré des difficultés
incontestables [12]), ainsi que la protection et l’intégration (là aussi avec
des obstacles notables) des minorités – non seulement ethniques (les
« petites minorités » ont largement soutenu l’indépendance lors du
référendum d’autodétermination de 2006), mais aussi sociales – y sont bien plus
garanties. Or, lorsque l’on compare cette évolution de la liste début 2011 aux
flux de demandeurs d’asile en 2009 et 2010, on constate que ces pays sont des
espaces de provenance d’un très grand nombre des demandeurs d’asile
(respectivement plus de 3 000 demandes pour le Kosovo – soit presque
10 % du total des demandes, ce qui en faisait en 2009 et 2010 le premier
pays de provenance des demandeurs de protection internationale –, et plus de
400 dossiers pour l’Albanie). Pour ces deux pays, la demande était en hausse
considérable entre 2008 et 2009 (+ 70 % pour le Kosovo, et
+ 46 % pour l’Albanie). Enjeux internes au pays d’origine et enjeux
internes au pays d’arrivée s’entremêlent pour créer une géographie de la
demande d’asile à géométrie variable. On constate, par exemple, que la liste
des « pays d’origine sûrs » ne concerne pas les pays sud-américains
ou et peu de pays asiatiques : elle ne dresse donc pas un « état des
lieux » de la géopolitique interne à l’échelle mondiale (y compris pour
les seuls pays « producteurs » de demandeurs d’asile), mais est
établie en fonction des intérêts de la France (notamment en termes de politique
migratoire) par rapport aux flux de demandeurs d’asile arrivant dans le pays.
Ce n’est donc pas la géographie de
l’(in)sécurité à l’échelle mondiale qui se dessine ici, mais bien une géographie politique de la sécurité
du territoire français au prisme de la protection des frontières contre des
néo-arrivants.
Figure n°2a : La liste des
« pays d’origine sûrs » au 11 mars 2011 : une géographie de la sécurité dans le monde par le prisme de la
politique migratoire de la France
Sources :
OFPRA, Forum Réfugiés.
Fond de carte :
Cartothèque de l’Académie
Aix-Marseille.
Réalisation :
© Bénédicte Tratnjek, 2011.
Figure n°2b : Les évolutions de la
liste des « pays d’origine sûrs »
entre son entrée en vigueur en juin 2005
et la décision du 11 mars 2011.
Sources :
OFPRA, Forum Réfugiés.
Réalisation :
© Bénédicte Tratnjek, 2011.
Une ou des
géographie(s) du droit d’asile ? Conflits de représentations : la
géographie, ça sert, aussi, à (dé)faire le droit d’asile
Ainsi, il n’existe pas une géographie du droit d’asile en
France, mais bien des géographies,
construites par des représentations différentes de la protection internationale
et de la France comme pays d’accueil. D’une part, ne prendre en compte que la
situation interne au pays de provenance – perception défendue par les
associations – relève d’une représentation de l’asile comme un droit qui dépend
de la sécurité humaine, et non de la politique migratoire du pays d’accueil.
Par le prisme de cette représentation de l’asile, se dessine une géographie de
l’insécurité dans le monde, qui ne se construit pas en fonction du pays
d’accueil, ni de sa diplomatie, et devient – tout au moins en théorie –
applicable dans tous les Etats. Cette conception de l’asile ne tient pas compte
de la situation de la majorité de la population, mais des contextes
particuliers : des catégories sociales discriminées (telles que les
homosexuels) dans des pays où la protection d’autres types de minorités est
assurée doivent donc être prises en compte dans la demande d’asile, non pas par
l’échelle du pays d’accueil, mais par une approche géo-anthropologique :
« qui suis-je dans le lieu où je vis ? ». D’autre part, une
autre représentation du droit d’asile se confronte à cette géographie de
l’insécurité et de la protection internationale défendue par les
associations : celle de l’asile conçu comme menace sociale dans le pays
d’accueil, dès lors que les demandes peuvent ouvrir la voie à une importante
migration économique qui se cache sous le droit de protection accordé par la
Convention de Genève de 1951. Plus qu’une géographie de l’insécurité dans le
monde, cette représentation dessine une géographie de la sécurité du territoire
d’accueil.
Le cas de l’Albanie est
particulièrement révélateur des enjeux politiques internes au pays d’accueil,
qui s’insèrent à la construction d’une telle géographie de la demande d’asile.
L’OFPRA a ainsi décidé d’intégrer, une première fois, ce pays à la liste des
« pays d’origine sûrs » au décret du 16 mai 2006. Mais, suite à une démarche
en recours auprès de la CNDA, le pays en a été retiré le 13 février 2008. La
procédure de recours est intéressante d’un point de vue géographique,
puisqu’elle émane de milieux associatifs ou de structures qui pensent la
demande d’asile autrement que les pouvoirs publics, les tensions entre ces deux
acteurs s’étant nettement exacerbées ces dernières années (Bourgeois, Brachet, 2003) : pour ces requérants, la démarche de la
France ne doit prendre en compte que la situation géopolitique et sociale interne
au pays d’origine, pour garantir aux demandeurs le respect de la Convention de
Genève de 1951. De plus, pour ces mêmes acteurs, l’asile doit être fortement
distingué de la politique migratoire, et doit même être « sorti » de
cette problématique : « le
droit d’asile ne résoudra pas le dossier de l’immigration » (Brachet, 2002). Néanmoins, l’Albanie est
restée peu de temps hors de la liste des « pays d’origine
sûrs » : alors que ce retrait a eu pour conséquence de voir le nombre
d’arrivants « exploser » (214 dossiers en 2007 pour 433 en 2009), l’OFPRA
a réinséré l’Albanie dans la liste des « pays d’origine sûrs » le 11
mars 2011. Pourtant, la protection de certaines populations d’Albanie n’est pas
assurée, ou tout du moins n’a que peu évolué entre 2008 et 2011 : par
exemple, les mois de janvier et février 2011 ont été marqués par des
manifestations massives organisées par l’opposition politique pour contester
contre les fraudes et les abus des élections de 2009 et contre l’accaparement
du pouvoir [13].
Confronter la carte de la
liste des « pays d’origine sûrs » (figure n°3) et la carte de exil forcé/contraint
en Europe (figure n°4) permet de comprendre que deux géographies du droit
d’asile se dessinent : dans la première carte (figure n°3), les dégradés
de bleu indiquent l’ancienneté de la présence des Etats sur cette liste. Plus
le bleu est foncé, plus le pays d’origine est anciennement inscrit dans la
liste, et plus la protection de ses populations est considérée comme assurée du
point de vue de l’Etat français. Le choix d’indiquer en rose les pays d’origine
de demandeurs d’asile en France absents de la liste sur cette carte tend à
montrer comment se dessine une géographie de l’insécurité perçue en Europe par
l’existence de cette liste : pourtant, si l’on compare cette carte aux
figures n°1a et 1b, on constate que l’inscription dans la liste dépend avant
tout de la prégnance de la demande d’asile en France. Dans la seconde carte
(figure n°4), les dégradés de rose montrent les degrés d’insécurité vécue par les
habitants « ordinaires » telle qu’elle provoque des flux de personnes
se déclarant comme demandeurs d’asile en France (selon la carte n°1b). Cette
donnée est confrontée à la géographie de la conflictualité en Europe (violets).
Deux données (parmi toutes celles qui auraient ici pu être cartographiées) ont
été prises en compte : les revendications autonomistes majeures d’une
part, et les pays qui ont connu récemment une guerre qui a aujourd’hui encore
de profondes conséquences dans le peuplement (par exemple, la guerre
d’indépendance de la Slovénie, qui a été déclenchée en même temps que celle de
Croatie – les deux anciennes Républiques de la Yougoslavie ayant déclaré leur
indépendance le même 25 juin 1991 –, n’a duré que quelques jours, et n’a pas eu
de conséquences dans la géographie du peuplement en Slovénie) du fait de la
production, par la violence, d’une géographie de la peur qui s’ancre dans
l’impossible vivre-ensemble vécu par
les habitants : c’est donc le critère de l’importance des déplacés de guerre
(à l’intérieur des frontières de leur pays, sans toutefois pouvoir retourner
dans leur lieu de résidence) qui a été mis ici en exergue.
Figure n°3 : La liste des
« pays d’origine sûrs » en Europe au 11 mars 2011
(après retour de l’Albanie et ajout du
Kosovo à la liste)
Sources :
OFPRA, Forum Réfugiés.
Réalisation :
© Bénédicte Tratnjek, 2011.
Figure n°4 : L’exil forcé/contraint
en Europe :
Pays d’origine des demandeurs d’asile et
déplacés de guerre en Europe
Réalisation :
© Bénédicte Tratnjek, 2011.
La seconde carte montre
qu’on ne peut réduire la question de la demande de protection internationale à
la seule problématique de la guerre : d’une part, les pays tels que la
Croatie ou Chypre ne sont pas « producteurs » de demandeurs d’asile
en France, bien qu’ils soient aujourd’hui encore marqués par un fort
pourcentage de déplacés internes. Le cas de la Bosnie-Herzégovine est
éloquent : si la France a reçu 303 demandes en 2010 (OFPRA, 2011, p. 32),
ce qui pourrait laisser entendre qu’à mesure de l’éloignement temporel de la
guerre (1992-1995 pour la Bosnie-Herzégovine) la question de la demande d’asile
tend à devenir minoritaire et que la protection des habitants est assurée à
l’intérieur du pays, deux chiffres s’opposent à cette corrélation temps/sécurité
dans l’après-guerre. D’une part, en 2010, si la Bosnie-Herzégovine reste un
pays d’origine minoritaire dans les demandes de protection internationale
effectuées en France, la tendance est à la hausse : les demandes « des ressortissants de Bosnie-Herzégovine ont
augmenté de + 17,4 % » par rapport à 2009 (OFPRA, 2011,
p. 32). D’autre part, le fait que la demande d’asile d’habitants en
provenance de ce pays reste modeste ne doit pas cacher l’insécurité vécue des
très nombreux déplacés de guerre qui se retrouvent aujourd’hui encore dans
l’impossibilité de se réinstaller dans leur domicile : ainsi, en décembre 2010,
l’UNHCR comptabilise 113 365 déplacés internes en Bosnie-Herzégovine
(UNHCR, 2010, p. 2), soit environ 3 % de la population totale (estimée
à 3,8 millions d’habitants en 2011) [14]. Les structures d’accueil pour les
déplacés internes étant encore nombreuses en Bosnie-Herzégovine, ainsi que le
nombre de logements qui se sont retrouvés libres par les déplacements de part
et d’autre de la Ligne-Frontière inter-entités qui partage la
Bosnie-Herzégovine en deux territoires politiques (Chaveneau-Lebrun, 2001), mais aussi en deux territoires
identitaires fortement homogénéisés dans lesquels les populations en situation
minoritaire se retrouvent contraintes à l’exil dans leur propre pays. De ce
fait, le nombre de demandeurs d’asile n’est pas un indice suffisant pour
dresser un état des lieux de l’insécurité des populations. De plus, il est
nécessaire de ne plus prendre en compte le seul critère d’(in)stabilité
politique pour définir la demande de protection internationale et
l’(in)sécurité des pays d’origine des demandeurs. Ainsi, si la Convention de
Genève de 1951 est née, dans le contexte de la guerre froide, de la volonté
d’accueillir dans le bloc occidental les exilés politiques en provenance du
bloc de l’Est, aujourd’hui la demande d’asile s’est fortement diversifiée, et
les discriminations et persécutions ont souvent des critères ethniques, mais
aussi sociaux, genrés ou liés à la sexualité. Par conséquent, la construction
d’une géographie de la demande d’asile par le prisme d’une liste de pays
d’origine sûrs restreint le regard face aux demandeurs et aux motivations de
leur demande.
C’est pourquoi la
confrontation entre les cartes n°3 et n°4 porte sur la construction d’un
discours spatial par l’usage du langage cartographique. La première carte
(carte n°3) est une représentation cartographique d’une décision politique
interne à la France, qui se répercute dans la demande d’asile, les requérants
(ou leurs passeurs !) préférant choisir des pays d’accueil où leur demande
est davantage assurée. La seconde carte est une représentation cartographique
des discriminations/persécutions en Europe (qui entrent dans la protection
internationale accordée par la Convention de Genève de 1951) conçue à partir
des différents rapports de l’OFPRA (rapports d’activité annuels et rapports de missions de 2009 et 2010). La
création et les évolutions de cette liste ont donc des répercussions sur les
routes de l’exil au cœur du continent européen. Ainsi, la baisse notable de
demandeurs en provenance d’Albanie et du Kosovo en France en 2011 n’est pas la
conséquence d’une stabilisation de la situation interne à ces pays d’origine,
mais bien le fruit d’un report des flux migratoires vers d’autres potentiels
pays d’accueil. La liste des « pays d’origine sûrs » dessine une
géographie d’un asile choisi par le
pays d’accueil. La seconde carte est une représentation de l’insécurité non par
le prisme des enjeux internes à la France et à sa politique migratoire, mais
par le prisme de la situation géopolitique et sociale interne au pays d’origine
des potentiels demandeurs d’asile. Les deux cartes laissent apparaître deux
géographies différenciées de l’insécurité en Europe.
Conclusion
Autre
« événement » autour de cette construction d’une géographie du droit
d’asile en 2011, la France a déclaré, le 22 avril 2011, envisager de « suspendre
les accords de Schengen, qui permettent la libre circulation des biens et des
hommes dans les pays-membres, pour faire face à l’afflux de migrants venus de
Libye et de Tunisie » [15]. Une annonce qui a immédiatement provoqué
de nombreuses réactions quant au droit et à la légitimité de la France de
pouvoir repositionner à sa convenance ses frontières pour réguler les flux
migratoires. Une annonce lourde de conséquences, puisque dans les jours qui ont
suivi, les dirigeants de la France et l’Italie se sont rencontrés pour proposer
une renégociation des accords de Schengen [16]. Si, jusque-là, la géographie de
la liberté de circulation dans l’Union européenne se définissait par un
élargissement progressif du nombre de pays membres, une telle décision (pour
l’heure laissée en suspens, bien que la France soutienne l’idée d’un
« gouvernement européen de l’espace Schengen », notamment pour
contrôler les flux migratoires dits « clandestins » [1]), pourrait
avoir des conséquences sur la manière dont se construisent l’Union européenne
et son identité. « L’étude de la demande
d’asile s’inscrit généralement dans celle des migrations internationales. Même
si les phénomènes géographiques en jeu sont en partie similaires dans le fait
de traverser des frontières internationales, la spécificité juridique de la
procédure d’asile, relevant d’une démarche particulière de demande de
protection, encadrée notamment par la convention de Genève relative au statut
des réfugiés de 1951, nécessite de distinguer asile et migration pour ne pas
entretenir un amalgame dangereux » (Bonerandi,
Bourgeois, Richard, 2004, p. 127). Une fermeture rigide des
frontières de l’espace Schengen impliquerait non seulement les immigrants
« clandestins », mais aussi les demandeurs d’asile.
En replaçant la question
de l’asile à l’échelle du monde (figure n°5), on constate que la demande de
protection internationale et l’arrivée de réfugiés sont non seulement le fait
d’un exil Sud-Sud (Cambrézy, Laacher, Lassailly-Jacob,
Legoux, 2008), mais aussi que le
fantasme spatial d’une « invasion » de la France par les réfugiés
reste très surestimé. La confrontation des échelles reste un outil majeur pour
comprendre les réalités de la question de la demande d’asile en France, en
Europe et dans le monde. Une autre échelle doit également être questionnée,
comme l’on fait Emmanuelle Bonerandi, Frédérique Bourgeois et Xavier
Richard : celle de la répartition de la demande d’asile à l’intérieur du
pays d’accueil : « si tous les
départements français accueillent en 2003 des demandeurs d’asile (au sens de
demandeurs ayant indiqué le département comme adresse de résidence sur le
dossier de demande d’asile déposé à l’OFPRA), les écarts sont extrêmes entre
les 7 demandes corses et les 13 000 demandes domiciliées à Paris
(écart-type : 1468) » (Bonerandi,
Bourgeois, Richard, 2004, p. 129). Bien évidemment, dans la
demande d’asile en France, l’effet-frontière joue un rôle catalyseur des
demandes dans l’Est de la France (frontière terrestre, notamment en Alsace, en
Rhône-Alpes et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur) comme dans les villes portuaires
(Marseille, Nantes), tandis que les grandes métropoles restent des pôles
d’attraction majeure (Bonerandi, Bourgeois, Richard, 2004, pp. 129-130). Les auteurs montrent qu’il
existe de réels enjeux cartographiques qui donnent à voir (en fonction des
choix de représentations cartographiques) différentes manières de montrer le
phénomène de la demande d’asile en France. Ce décryptage de la géographie des demandeurs
d’asile en France permet également de comprendre qu’à l’échelle de la France,
l’asile est une question plus prégnante pour certains départements que pour
d’autres : se construisent, autour des demandeurs de protection
internationale, des imaginaires et des fantasmes spatiaux différenciés.
Figure n°5 : La demande d’asile à
l’échelle du monde :
principaux pays d’origine et pays
d’accueil
Sources :
UNHCR, 2009.
Réalisation :
© Bénédicte Tratnjek, 2011.
Il est également
nécessaire de rappeler que l’amalgame entre la question des migrants
économiques et celle des demandeurs d’asile (les seconds étant souvent, dans l’imaginaire
collectif tout comme dans leur traitement politique, assimilés aux premiers)
pèse sur le poids des représentations. Deux facteurs sont à considérer pour
comprendre le poids de cet imaginaire : d’une part, des migrants
économiques tentent, dans tous les pays d’accueil, la procédure de demande de
protection internationale, parfois sur les conseils de leurs passeurs, pensant
s’assurer leur installation dans le pays d’accueil. Ces tentatives pèsent sur
les dossiers des demandeurs d’asile, dans la mesure où les pays de provenance
des migrants économiques et des demandeurs d’asile sont le plus souvent
similaires. D’autre part, les discriminations et persécutions subies par les
demandeurs d’asile dans leur pays d’origine se traduisent dans leur
accessibilité au marché de l’emploi et par leur très forte précarité. En cela,
l’assimilation aux migrants économiques peut paraître aisée : néanmoins,
c’est oublier la réalité des ségrégations et violences subies par ces
demandeurs. Ce n’est donc pas le critère économique qui permet de distinguer de
manière opératoire les demandeurs d’asile et les migrants économiques, qui se
retrouvent le plus souvent dans des situations de précarité similaires, mais
bien, au cas par cas, l’évaluation de la situation politique et sociale vécue
par les personnes présentant des dossiers. Néanmoins, l’arrivée massive de
migrants économiques en provenance d’un pays d’origine similaire aux demandeurs
d’asile pèse sur la représentation des acteurs de la décision en termes
d’acceptation du dossier, dans la mesure où il ne faut pas négliger la part de
« faux » dossiers de demandeurs de protection internationale
(c’est-à-dire de migrants économiques recourant à la demande d’asile, sans
qu’ils n’aient connu de discriminations et persécutions relevant de la
Convention de Genève de 1951).
La question pour le pays
d’accueil ne se pose pas seulement en termes de droits de l’homme : elle
se définit par rapport à la capacité d’accueil, c’est-à-dire au prisme de la
géographie du dispositif d’accueil. La Commission nationale consultative des
Droits de l’homme a ainsi émis, le 15 décembre 2011, un « Avis
sur l’accueil des demandeurs d’asile en France » qui énonce ce
paradoxe spatial : deux géographies se dessinent pour la même question de
l’asile. D’une part, la question de la sécurité humaine est un droit pour les
requérants et un devoir pour le pays d’accueil ; d’autre part, le même
droit est confronté à la question du dispositif spatial d’accueil (qui comprend
non seulement le dispositif d’hébergement, mais aussi le dispositif
d’information, d’orientation et de premier accueil), qui est un enjeu de
politique interne (particulièrement en période de crise économique, où la
question se pose en termes de financement). Ainsi, l’analyse des cartes, en
tant que discours sur le droit d’asile, permet de comprendre les enjeux
politiques qui se cachent derrière ces géographes du droit d’asile : en
construisant des représentations différenciées du droit d’asile, les discours
spatiaux dessinent une géographie de l’immigration comme « menace »
aux frontières du pays d’accueil, ou au contraire replacent la question du
droit d’asile au cœur des pays d’origine des demandeurs. Deux approches
géopolitiques, jouant sur les échelles, du droit d’asile peuvent ainsi devenir
des discours géographiques :
- d’une part, la protection des requérants au regard de la situation interne au pays d’origine dessine une géographie de l’asile comme droit qui ne dépend pas du pays d’accueil, et le dossier pourrait – au moins en théorie – être appréhendé dans tous les pays d’accueil de la même manière, sans considération pour la politique migratoire ;
- d’autre part, la protection n’est plus celle des demandeurs, mais celle des frontières du pays d’accueil (la France) ou du territoire politique d’accueil (l’Union européenne).
A propos
de cette dernière conception du droit d’asile, il est intéressant de noter les
évolutions de la tutelle de l’OFPRA : l’organisme, placé auparavant sous
la tutelle du Ministère des
Affaires étrangères (dont on peut noter qu’il est, notamment, chargé des
affaires diplomatiques et humanitaires), est passé, depuis la loi du 20
novembre 2007, sous la tutelle du Ministère
de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement
solidaire.
Ces deux discours
spatiaux, défendus par des institutions différentes dans la
« chaîne » du droit d’asile, provoquent des tensions qui pèsent sur
la procédure (Bourgeois, Brachet, 2003). Mais ils tendent aussi à
amalgamer les demandeurs d’asile à la question migratoire qui relève, elle,
d’une politique interne au pays d’accueil. C’est la question de l’accueil et de
l’intégration de ces demandeurs d’asile qui se pose dans ces discours
géographiques véhiculés et défendus par des institutions différentes. Pays
d'origine, frontières, géopolitique interne, politique migratoire : le
droit d'asile est une question éminemment géographique !
L’auteur
tient à remercier Forum Réfugiés pour leur disponibilité, les discussions
constructives et leurs précieux apports bibliographiques.
Notes
[1] OFPRA, 2010, Rapport d’activité 2009, p. 28.
[2] La France reconnaissant
l’indépendance du Kosovo, les institutions qui dépendent de l’Etat français
considèrent que le Kosovo est un Etat (bien que dans le droit international, la
question soit plus complexe, puisqu’aujourd’hui seul un tiers des Etats membres
des Nations unies reconnaît cette indépendance, un tiers ne s’est pas prononcé,
mais surtout un tiers s’oppose totalement à une telle reconnaissance :
pour ces derniers – parmi lesquels on note la Russie, la Chine, l’Espagne, la
Grèce, la Roumanie, la Bulgarie…–, le Kosovo est toujours une région de la
Serbie : pour une liste complète, voir Petithomme,
2010, tableau 7). On considérera donc, dans cet article, le Kosovo comme un
Etat (sans les guillemets qui seraient nécessaires dans une analyse de ce
territoire), tel que le conçoivent les acteurs dont il est ici question.
[3] « Les Kosovars, premiers
demandeurs d’asile en France, sont souvent recalés », Le Monde, 12 avril 2011.
[4] « Pays d’origine
sûrs : et de vingt ! », Forum
Réfugiés, 9 décembre 2011.
[5] Concernant les
textes officiels, il est affirmé que : « la prise en compte du caractère sûr
du pays d'origine n'exclut pas le principe de l'examen individuel de la demande
d'asile par l'OFPRA. L'instruction porte sur le fond de la demande, peut donner
lieu à un entretien, et dans certains cas aboutir à une décision d'admission.
Une demande ne peut être rejetée au seul motif que le demandeur est
ressortissant d'un pays figurant sur cette liste » (« Les pays d’origine sûrs », site de l’OFPRA).
[6] Pour en savoir plus
sur ces trois statuts, voir notamment le site de la Cimade et celui de Forum
réfugiés. Voir également un schéma présentant les étapes de la procédure d’asile sur le site du
Ministère de l’immigration, l’intégration, l’asile et le développement
solidaire.
[7] Voir, à ce propos :
- Cambrézy, Luc, Smaïn Laacher, Véronique Lassailly-Jacob et Luc Legoux (dir.), 2008, L’asile au Sud, La Dispute, Paris, 221 p. (compte-rendu par les Cafés géographiques) ;
- Cambrézy, Luc, 2007, « Réfugiés et migrants en Afrique : quel statut pour quelle vulnérabilité ? », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 23, n°3, pp. 13-28.
[8] Voir, notamment, le blog UrbaRom qui propose de très
nombreuses ressources et événements scientifiques sur la question du peuple
rom.
Pour aller plus loin
avec les Cafés géographiques :
- Marc Bordigoni, « Roms, Gitans, Tsiganes… : peuples, territoires et représentations (1/2) », compte-rendu du café géographique du 22 octobre 2009, par Jeremy Garniaux.
- Alain Fourest, « Roms, Gitans, Tsiganes… : peuples, territoires et représentations (2/2) », café géographique du 29 octobre 2009.
- Philippe Barbo et Olivier Legros, « La condition rom à Nantes », compte-rendu du café géographique du 16 février 2010, par Marianne Murgues.
- « Les Rroms. Une nation en devenir ? (Morgan Garo) », compte-rendu de lecture par Bénédicte Tratnjek, 12 décembre 2009.
- « Voyages pendulaires des Roms au cœur de l’Europe », compte-rendu d’exposition par Bénédicte Tratnjek, 14 octobre 2010.
[9] A ce propos, on se
reportera notamment à :
- Schmidt, Heike, 2010, « En Europe, les expulsions de Roms sont monnaie courante », RFI, 26 août 2010 ;
- Olivera, Martin, 2011, Roms en (bidon)villes, Editions Rue d’Ulm, Paris, 84 p. ;
- Legros, Olivier et Tommaso Vitale (dir.), 2011, « Roms migrants en ville : pratiques et politiques en Italie et en France », Géocarrefour, vol. 86, n°1 ;
- Podcasts du colloque La « question rom » en Europe aujourd’hui. Enjeux et modalités de la construction de problèmes publics émergents (organisé par Urba-Rom, 24-25 mars 2011, Tours).
[10] A ce propos, voir
sur les dossiers sur l’Europe :
- « Europe (1/3) : Une Europe, des Europes », Les Cafés géographiques, Des dossiers, 5 janvier 2012.
- « Europe (2/3) : Vivre en Europe, vivre l’Europe », Les Cafés géographiques, Des dossiers, 15 janvier 2012.
- « Europe (3/3) : Les frontières de l’Europe et l’européanité », Les Cafés géographiques, Des dossiers, 21 janvier 2012.
[11] On fait ici
allusion à l’ouvrage du géographe Yves Lacoste : La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre (Maspero, Paris,
1976). Si, comme l’indique les virgules entourant le mot « d’abord »
dans le titre, l’ouvrage ne dresse pas une géographie de la guerre et de la
paix, mais traite de l’utilisation sociale de la géographie (d’abord, pour les
militaires il est vrai, mais aussi pour l’aménagement du territoire et la
formation des citoyens : l’auteur dresse donc une épistémologie engagée de
la géographie des Etats-majors, de la géographie appliquée et de la géographie
scolaire), c’est pourtant la seule formule, privée le plus souvent du sens des
virgules, qui a été retenue : la géographie sert à faire la guerre. On
détourne ici la formule (avec ces virgules) pour parler de l’utilisation
sociale et politique de la cartographie.
Voir, à ce propos, sur
le site des Cafés géographiques :
- Yves Lacoste, « La géographie sert-elle toujours à faire la guerre ? », compte-rendu du café géographique du 3 novembre 1998, par Marc Lohez.
- « La géopolitique et le géographe (Yves Lacoste) », Des livres, compte-rendu par Bénédicte Tratnjek, 20 janvier 2011.
[12] Voir, notamment, la
partie « Monténégro » sur le site du Courrier des Balkans.
Voir également :
- Cattarruzza, Amaël, 2010, Territoire et nationalisme au Monténégro, L’Harmattan, collection Géographie & cultures, Paris, 312 p.
- Cattaruzza, Amaël, 2007, « Comprendre le référendum d’autodétermination monténégrin de 2006 », Mappemonde, n°87, n°3/2007.
[13] A ce propos, voir
les très nombreuses ressources du site du Courrier des Balkans (traduction d’articles sélectionnés de la
presse locale et reportages par les journalistes de l’équipe du Courrier des Balkans). Voir les articles spécifiques à
l’Albanie,
et notamment le dossier « Crise politique en
Albanie ».
[14] Les chiffres de la
population totale en Bosnie-Herzégovine reposent sur des estimations : il
n’y a pas eu de recensement en Bosnie-Herzégovine depuis 1991, c’est-à-dire
depuis le dernier recensement avant la guerre de 1992-1995. En effet, la
question du recensement pose de nombreux problèmes et tensions politiques, dans
la mesure où un recensement mettrait à jour les conséquences des nettoyages
ethniques et de la géographie de la peur produite par les massacres de masse et
les violences exacerbées pendant cette guerre. Un recensement montrait d’une
part l’importance de la question des déplacés de guerre, c’est-à-dire de
Bosniaques et Croates de Bosnie-Herzégovine qui ne peuvent se réinstaller en
Republika Srpska (devenue majoritairement peuplée de Serbes de
Bosnie-Herzégovine) et de Serbes de Bosnie-Herzégovine qui ne peuvent se
réinstaller en Fédération croato-bosniaque. Un recensement montrerait également
l’ampleur de l’impossible vivre ensemble
dans les territoires du quotidien, avec l’homogénéisation des quartiers
urbains, voire de villes entières (par exemple, la
« bosniaquisation » de Sarajevo), ainsi que le départ massif des
« petites minorités » non constituantes, telles que les Juifs et les
Roms de Bosnie-Herzégovine (Bougarel,
1996). En effet, les statistiques démographiques sont aujourd’hui encore
perçues comme des armes de guerre et des outils des nettoyages ethniques (à ce
propos, voir le dossier : « Recensements
dans les Balkans en 2011 : comptes, décomptes et polémiques », Le Courrier des Balkans, en ligne depuis
le 2 avril 2011 ; et Michel Sivignon « Le péché
cartographique : le cas des Balkans », compte-rendu du café
géographique du 21 mars 2000, par Olivier Milhaud). La crainte de mener ce
recensement a entraîné des reports successifs, et aucun consensus n’a été
trouvé en 2011 (année où pourtant d’autres Etats issus de la décomposition de
la Yougoslavie – par exemple le Kosovo – ont réussi à mener leur premier
recensement depuis les guerres), et les autorités de Bosnie-Herzégovine ont
reporté à 2013 la possibilité de renégocier avec les autorités locales et les
habitants la possibilité d’effectuer un recensement.
[15] « La France songe à
suspendre les accords de Schengen », Le Figaro, 22 avril 2011.
[16] Les accords de
Schengen (du nom de la commune luxembourgeoise où ont été signés ces accords,
qui se situe au tripoint frontalier entre le Luxembourg, l’Allemagne et la
France, ce qui en fait un géosymbole de la construction européenne, puisqu’à
l’interface entre trois Etats fondateurs ; et plus encore si l’on ne
considère pas le Luxembourg, mais l’espace Benelux –
Belgique/Pays-Bas/Luxembourg – réunissant ainsi les cinq Etats signataires du
premier accord) définissent, d’un point de vue juridique, la liberté de
circulation des personnes et des biens dans l’espace Schengen, c’est-à-dire dans
l’espace qui englobe les pays signataires de ces accords parmi les membres de
l’Union européenne, auxquels s’ajoutent trois Etats non-membres : la
Norvège, l’Islande et la Suisse. Les accords de Schengen comprennent le traité
sur la suppression des contrôles aux frontières européennes signé en 1985, et
la Convention de Schengen signée en 1990 et entrée en vigueur en 1995. C’est
cette Convention qui abolit les contrôles aux frontières intérieures entre les
Etats signataires, et crée ainsi une frontière extérieure unique où sont
effectués les contrôles d’entrée dans l’espace Schengen selon des procédures
identiques). Les accords de Schengen se matérialisent notamment par la
suppression à l’intérieur de l’espace Schengen des postes-frontières (du fait
de la suppression des contrôles des personnes aux frontières internationales
intérieures à l’espace Schengen). Ils concernent également la coopération
policière, l’immigration et l’asile.
A ce propos, voir :
« L’espace
et la coopération Schengen », site Europa
(Synthèses de la législation de l’UE), consulté en février 2012. Ainsi que la
carte interactive : Atelier de cartographie de Sciences Po Paris :
« Elargissements
successifs de l’espace Schengen 1995-2011 », Ceriscope, 2011.
[17] « Frontières :
la France soutient l’idée d’un gouvernement européen de l’espace Schengen »,
L’Observatoire de l’Europe, 15
décembre 2011.
Bibliographie
indicative
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Sitographie
indicative
- Cimade (Comité InterMouvements Auprès des Evacués).
- Forum Réfugiés.
- France Terre d’asile (FTDA).
- Réseau Terra.
- RFI : « Réfugiés : un scandale planétaire ? », Géopolitique le débat, 4 février 2012 (partie 1 et partie 2), avec Geneviève Garrigos, Catherine Withol de Wenden et Smaïn Laacher, émission animée par Marie-France Chatin.
Pour aller
plus loin sur la question des demandeurs d’asile / réfugiés avec les Cafés géographiques :
Des
cafés :
- Olivier Clochard et Alain Morice, « L’Europe et la misère du monde : mobilités, politiques migratoires en débats », compte-rendu du café géographique du 27 octobre 2009, par Bénédicte Tratnjek.
- Christel Cournil, Aude Raux et Olivier Talagrand, « Le changement climatique : un générateur d’éco-réfugiés ? », compte-rendu du café géopolitique du 11 janvier 2010, par Francesca Fattori.
- Medhi Alioua, « Mourir aux portes de l’Europe. Les transmigrants subsahariens à l’épreuve des politiques européennes anti-migrants », compte-rendu du café géographique du 18 octobre 2006, par Marie-Rose Gonne-Daudé.
- Alain Bonassieux et Olivier Pliez, « Migrations africaines : les raisons du départ ? », compte-rendu du café géographique du 25 novembre 2009, par Jean-Marc Pinet.
- Roland Pourtier, « Migrations et conflits en Afrique », compte-rendu du café géographique du 13 mars 2003, par Marie-Christine Doceul et Jeanne Vivet.
- Alain Bonassieux, « Migrations et frontières en Afrique : quelles représentations ? », compte-rendu du café géographique du 19 janvier 2005, par Oumar Sangare.
Des Vox
geographi et des brèves de comptoir :
- Pierre Ozer, Abdoul Jelil Niang, Mohamed Ahmed Ould Sidi Cheick et François Gemenne, « Migrants pour les Canaries ou la noyade des politiques de développement », Vox geographi, 3 octobre 2006.
- Olivier Pliez, « Les mécomptes de la géographie du Sahara des migrants », Vox geographi, 3 avril 2006.
- Gilles Fumey, « Camps de rétention : l’archipel de la honte », Brèves de comptoir, 20 janvier 2008.
- Bénédicte Tratnjek, « Journée mondiale des réfugiés : des parapluies dans la ville. L’espace public en questions », Brèves de comptoir, 5 juillet 2011.
Des
livres :
- « Atlas des migrations dans le monde, réfugiés ou migrants volontaires (Catherine Withol de Wenden) », compte-rendu de lecture par Yann Calbérac, 8 mai 2005.
- « Atlas des migrants en Europe. Géographie critique des politiques migratoires (MIGREUROP) », compte-rendu de lecture par Bénédicte Tratnjek, 19 février 2011.
- « Les circulations transnationales. Lire les turbulences migratoires contemporaines (Geneviève Cortès, Laurent Faret) », compte-rendu de lecture par Gilles Fumey, 5 novembre 2009.
- « L’asile au Sud (L. Cambrézy, S.Laacher, V. Lassailly-Jacob et L. Legoux) », compte-rendu de lecture par Bénédicte Tratnjek, 27 juin 2010.
- « L’Afrique en mouvement (Hommes & Migrations) », compte-rendu de lecture par Bénédicte Tratnjek, 25 février 2011.
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