Voici deux enregistrements de la journée d'études Les frontières et les espaces frontaliers : objet d'étude géographique et géopolitique (organisée par François Arnal et Franck Thénard-Duvivier) revenant sur la géographie et la cartographie de la frontière entre conflits et gestion des conflits.
L'atelier du cartographe Source : Dessin de Selcuk pour Philippe Rekacewicz. |
Cartographier la frontière et les espaces frontaliers
« Lorsque je dessine les frontières en Afrique, disait un cartographe, j’ai le sentiment que je blesse les peuples… ». Comment mieux dire que les frontières « naturelles » n’existent pas ? Qu’elles sont une pure invention des êtres humains ? qu’elles se meuvent en permanence dans l’espace au grès des événements historiques ? Elles sont avant tout des lieux de rencontre et d’échange, des espaces riches et donc complexes à représenter. Les frontières (ou plus généralement ces « lignes de partage » puisque toutes n’ont pas le même statut) ont ceci de paradoxal qu’elles regroupent autant qu’elles excluent. C’est précisément cette contradiction qui fait le cauchemar du cartographe qui n’a jamais su, il faut bien le reconnaître, ni très bien les franchir, ni très bien en donner une représentation cartographique pertinente : Les frontières ne sont pas que des lignes : elles sont même souvent de véritables territoires qui fonctionnent en tant que tel. Et comme rien n’est simple, au cours des deux dernières décennies, elles ont profondément changé de nature…
Source : Géopodcast, enregistrement du 1er février 2013.
Les territoires post-yougoslaves : ce qui fait frontière
Les guerres de décomposition de la Yougoslavie ont redessiné le pavage étatique dans les Balkans. L'Etat primaire - la Yougoslavie - a laissé place à une multitude d'Etats secondaires : la Slovénie (1991), la Croatie (1991), la Bosnie-Herzégovine (1992), la Macédoine (1992), le Monténégro (2006), la Serbie (2008 pour ses frontières actuelles) et le Kosovo (2008), bien que ce dernier exemple pose la question de la reconnaissance de l'indépendance, faisant de la discontinuité territoriale entre la Serbie centrale et le Kosovo une limite disputée, revendiquée comme "frontière" pour les uns, comme limite administrative intérieure pour les autres. Les territoires post-yougoslaves sont donc un "laboratoire" de la production des frontières par des revendications géopolitiques qui s'affirment dans des géonationalismes qui entrent en conflit. Pourtant, toutes ses frontières ne sont pas le produit de conflits armés : le Monténégro et la Macédoine ont acquis leur indépendance sans affrontement. Par les exemples post-yougoslaves, on abordera la question de la frontière contestée : les frontières interétatiques qui existent aujourd'hui ne correspondent pas aux (im)mobilités spatiales et aux discours géonationalistes qui parcourent les Etats post-yougoslaves. Parallèlement au durcissement de ces discours et représentations d'un territoire identitaire d'appropriation et d'appartenance qui exclut "l'Autre", d'autres mouvements tendent à dépasser les frontières interétatiques pour redonner sens à l'espace régional : une "Yougosphère" se dessine, confrontant les frontières-coupures à une volonté de recréer un territoire transfrontalier. A travers les exemples de la Bosnie-Herzégovine et du Kosovo, il s'agit d'interroger ce qui fait frontière, entre processus politiques et (non-)appropriations dans les territoires du quotidien.
Source : Géopodcast, enregistrement du 1er février 2013.
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