Photos et montage : Jasmine Salachas, Cafés cartographiques, 13 octobre 2012. |
Le café cartographique du samedi 13 octobre 2012 au Festival international de géographie (FIG 2012) qui était consacré aux "Facettes du paysage" (actes à venir sur le site du CNDP) a été l'occasion d'intervenir sur "Le paysage-spectacle dans la guerre : de la haine de l'espace au paysage en guerre". En voici le diaporama présenté et discuté autour de la question de l'urbicide, de la théâtralisation des lieux de combats, de l'utilisation de l'espace médiatique pour mettre en scène des idéologies spatiales par la violence... Et si derrière les aléas de la géographie des combats se cachait une volonté de détruire des lieux choisis pour leur symbolique ? A retrouver également les documents préparatoires publiés sur la page de ce café cartographique.
Le paysage-spectacle dans la guerre :
de la haine de l'espace au paysage en guerre
« Ils ont détruit le paysage », « le paysage est meurtri de cette guerre ». Dans les villes qui ont été récemment détruites par la guerre, ces témoignages reviennent dans la bouche de tous les habitants. Aux lendemains de l'arrêt des combats, les ruines donnent à voir un paysage de désolation. Deux « solutions » sont envisagées dans la reconstruction : reconstruire à l'identique (tel le nouveau Vieux pont de Mostar en Bosnie-Herzégovine) ou effacer les traces de la guerre par un urbanisme ostentatoire de la paix (tel le pont de Mitrovica au Kosovo, dont le gigantisme a été pensé comme imposant un symbole de la paix dans cette ville divisée). Ces deux villes ont été affectées par des guerres que l'on a trop souvent hâtivement présentées comme des « guerres de religion ». Pourtant, ces conflits armés étaient avant tout le reflet d'un affrontement ville/campagne, de deux habiters, de deux manières de s'approprier l'espace. En ce sens, le paysage est fortement porteur de sens, dans la mesure où il est à la fois un signifié et un signifiant de ces habiters. De l'urbicide au mémoricide, du spatiocide aux « nettoyages territoriaux », les destructions du paysage affectent durablement l'imaginaire et les pratiques spatiales des habitants de ces villes, dans lesquelles la reconstruction ne doit pas être pensée comme une seule question de bâti. Comment reconstruire le vivre-ensemble dans des paysages de ruines ?
De nombreuses publications abordent des problématiques autour de la guerre ou du paysage, or les deux champs de réflexion restent le plus souvent séparés. L’approche paysagère n’est mobilisée que de manière partielle, non pour comprendre la conflictualité, mais pour penser la paix et mettre à distance la guerre. Si l’on ne trouve que peu de références aux « paysages de guerre » dans les travaux scientifiques (qui sont surtout des réflexions sur la (re)valorisation d’un patrimoine militaire ou sur la production de lieux de mémoire bien après la fin de la guerre), il s’agit pourtant d’une expression très utilisée dans les médias ou dans le langage courant. De même, des toponymes tels que Sarajevo, Beyrouth, la vallée de la Kapisa, Austerlitz, la Berezina… font partie d’un imaginaire spatial et langagier qui traverse les frontières. La médiatisation croissante des théâtres d’opération, et tout particulièrement des villes en guerre, questionne le « paysage de guerre » en tant que discours, mais non comme vécu social et spatial. Ce préalable interroge les images de la ville et la mise en spectacle d’un paysage construit comme « paysage de guerre » ou « paysage de paix » : dès lors, est-il réellement question de « paysages de guerre », ou plutôt de « paysages en guerre » ? De la carte au paysage, la manière de penser, de se représenter et de s'approprier les destructions de lieux-cibles transforment l'urbanité par destruction du « vivre ensemble ».
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