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mardi 1 décembre 2009

"L'Afghanistan et nous (2001-2009)" (exposition temporaire aux Invalides)


Première exposition photographique pour les Invalides, autour de la question de la guerre menée en Afghanistan depuis 2001. Une exposition particulièrement réussie, qui montre des photographies d'une très grande qualité esthétique, qui nous pousse à réfléchir. Chacun y verra des sujets de préoccupations différentes en fonction de ses propres centres d'intérêt. En voici une lecture géographique. Toujours est-il que l'exposition interroge sur le sens de l'action militaire particulièrement ambiguë menée actuellement en Afghanistan, alors même que Barack Obama demande à la France l'envoi de 1.500 militaires supplémentaires, et que la question de l'engagement se pose au Sénat sans pour autant motiver des foules d'élus. Comme l'écrit Jean-Dominique Merchet : Mourir pour l’Afghanistan. Pourquoi nos soldats tombent-ils là-bas ? (Editions Jacob-Duvernet, Paris, 2008). On pourrait proposer de très nombreuses lectures de cette exposition, mais celle-ci entraîne d'abord dans les territoires du quotidien des combattants (militaires de la coalition internationale ou belligérants locaux divisés en factions rivales) et de la population civile, entre mobilités et immobilités.


Lire le compte-rendu de l'exposition sur le site des Cafés géo -->


2 commentaires:

Géolibertarien a dit…

Merci pour la quantité d'infos et la qualité des billets que vous publiez sur géo de la ville en guerre. C'est grâce à votre blog que j'ai pris connaissance de cette expo photo sur l'Afghanistan et ai souhaité la découvrir.

L'expo mérite le détour, ne serait-ce que par rapport à l'actualité. Mais c'est sa dimension artistique qui lui donne de la profondeur et lui confère un intérêt tout particulier. Sur ce point d'ailleurs, les sources étant des plus nombreuses et variées - des photos prises par les soldats eux-mêmes côtoyant celles de photographes professionnels -, on peut regretter que ne soient rassemblés davantage de clichés. L'expo semble plutôt réduite, et beaucoup ont du la quitter avec la sensation de rester sur leur faim, surtout s'ils en ont payé l'entrée plein tarif..

Il y a peut-être quelque chose de troublant à révéler une esthétique de la guerre, à déceler une poésie ou des harmonies dans un cataclysme, à rechercher voire avouer une beauté dans la destruction ou même l'horreur. Il y a cette photo d'Eric Bouvet, qui ouvre quasiment l'expo, d'une femme en bourka traversant sa ville ravagée. Et par-delà la souffrance d'une conscience déchirée, d'un corps sûrement meurtri, on ne voit bientôt plus qu'une improbable fluctuation de laquelle se meut une onde fantomatique, âme délicatement parée d'un doux voile bleu nuit, allégorie de l'allégresse, flottant nonchalamment dans un décor de ruines apparaissant soudain comme les cratères improbables d'une planète réservée aux purs esprits.. Il y a cette autre photo, également d'Eric Bouvet, d'un soldat face à une large vallée. On devine sur son dos un chargement de plusieurs dizaines de kilos. On suppose une peur qui sûrement de temps à autres lui tord le ventre. On appréhende la douleur des kilomètres qu'il reste à parcourir pour traverser le site. Et malgré tout cela, on reste fasciné devant le spectacle de ce paysage, autant qu'a pu l'être, plus encore d'ailleurs, le photographe, décidant en cet instant de capturer l'image. Voilà peut-être un paradoxe des guerres et du métier inclassable de militaire : au cœur de l'action, dans laquelle il faut s'engager totalement, sans retenu, au mépris du danger, surviennent pourtant, le temps de quelques mili-secondes, des micro-phases de contemplation, fugaces et surprenantes, qu'il faut savoir saisir. Action et contemplation se retrouvent étrangement imbriquées, la première provoquant et la seconde supportant, dans la situation extrême qui semblait les dissocier à jamais.

Drôles de pensées qui s'envolaient au fil des flâneries d'un panneau photo à l'autre, avant de retomber sur les commentaires plus politiques organisant l'itinéraire de l'expo. Le parcours se conclut sur une hypothèse pour le moins audacieuse, n'avançant aucun autre élément qu'elle-même : l'intervention des américains en Afghanistan est exactement ce qu'escomptait Ben Laden en commanditant les attentats du 11 septembre, ceux-ci ne pouvant que s'y retrouver piégés. Le visiteur termine donc sur cette drôle d'idée que tout ce qui vient d'être vécu à travers la diversité des photos, la magie et la vie autant que la mort et l'absurde, peut se compartimenter en petites cases bien régulières d'un simple jeu d'échec, n'ayant de complexe que les deux seuls esprits qu'y s'y livrent bataille, dont chaque coup conditionne jusqu'aux trente suivants sans que rien ne puisse forcer un mouvement différent ou imprévu des pièces habituelles. Une sorte de théorie du complot, ou du complot inversé en somme, qui m'a paru surprenante dans ce haut lieu de l'esprit militaire et donc de la stratégie. Peut-on vraiment résumer le caractère ambigu de ce conflit par la seule formulation de cette hypothèse ? Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.

Tratnjek Bénédicte a dit…

Merci pour ce commentaire si détaillé vis-à-vis du compte-rendu de cette exposition. Et désolée de ne pas vous avoir répondu plus tôt. En déplacements, je n'avais pas mes notes à disposition, et je voulais faire une réponse en les relisant, et pas seulement basée sur mes seules impressions plus d'un mois après avoir vu cette exposition.

Tout d'abord, le prix : trop cher, en effet, par rapport aux nombre de photographies exposées. Surtout lorsque l'on voit la richesse du catalogue de l'exposition, qui laisse à ceux qui ont payé leur entrée une certaine déception de n'avoir vu qu'une toute partie de cette collection de clichés sur l'Afghanistan.

Pour vos impressions sur le tableau final de l'exposition, qui détaille la situation actuelle en Afghanistan, j'ai eu en effet la même sensation d'un discours qui considérait l'action de la coalition militaire en Afghanistan comme inéluctable et comme "forcée" par le jeu des Talibans. Une sorte de grand échiquier dans lequel les Etats intervenant dans cette opération n'auraient en quelque sorte pas eu le choix de décider ou non de mener une telle mission. Certes, la situation actuelle renvoie assez bien à cette analyse, aujourd'hui il est à la fois insoutenable de rester en Afghanistan et insoutenable d'en partir. Mais, au préalable, il y a eu décision d'envoyer des forces en Afghanistan pour défaire le pouvoir en place. Or, le chaos actuel est intimement lié à cette décision. Je ne dis pas, bien évidemment, que l'ancien gouvernement menait une politique "douce" ou démocratique. Néanmoins, l'ordre régnait. Et ce tableau final contraste d'autant plus avec certaines idées avancées dans d'autres panneaux explicatifs tout au long de l'exposition (par exemple, le fait que les Talibans menaient une campagne systématique de destruction des champs d'opium). Certes, ce régime mettait la population sous sa tutelle, et aujourd'hui les très nombreux attentats-suicide participent d'une guerre psychologique pour amener le départ des troupes de la coalition. Mais il ne semble pas que les choses soient aussi simples que ce tableau final le laisse entendre, avec un discours manichéen (les bons et les méchants) réducteur.

Pourtant, le reste de l'exposition fait preuve de recul, et met assez bien en scène les différents enjeux d'une guerre qui ne se termine pas, notamment autour de cette photographie, sublime esthétiquement, mais dramatique humainement, des milliers d'hommes réunis dans l'ancien centre culturel russe, pour sombrer et s'évader dans la drogue. Une photographie particulièrement poignante, le besoin de se regrouper pour s'évader d'une situation insoutenable, et le symbole du lieu, d'un temps où l'ordre régnait en Afghanistan et où la ville de Kaboul se modernisait rapidement.

Ainsi que la photographie de cette femme traversant une rue dévastée (pas seulement par cette dernière guerre, mais également par l'accumulation de périodes de conflits qui s'alternent plus rapidement que la reconstruction...) ou ces retours de déplacés qui s'installent dans des bâtiments insalubres, sans fenêtres, prêts à s'effondrer...

De fait, l'impression reste très positive (si ce n'est le prix, en effet !), et j'espère voir l'expérience d'une exposition photographique aux Invalides renouvelée...