Droits d'auteurs et citations

Tous les éléments publiés sur ce blog peuvent être utilisés avec l'accord de l'auteur du blog et A LA CONDITION de citer les sources utilisées (qu'il s'agisse du ou des billets utilisés comme des auteurs cités dans le blog). Merci de respecter les droits d'auteur (pour tous les textes et documents utilisés dans le blog, y compris pour les auteurs cités). Pour me contacter : benedicte.tratnjek[at]gmail.com

jeudi 27 août 2009

Les médias en Côte d'Ivoire : affiliation et affichage politiques


En Côte-d'Ivoire, les journaux sont tous affiliés, sinon à des partis, tout au moins à des courants politiques. Dans les rues abidjanaises, il est très rare de trouver des habitants se baladant avec plusieurs journaux sous le coude. D'une part, la presse écrite relève d'un coup certain : il serait vain, voire inabordable, pour une grande partie de la population des quartiers populaires de s'acheter deux journaux au vu du pouvoir d'achat. D'autre part, afficher un journal est une marque de revendication de l'appartenance politique, qui s'affiche ostensiblement dans les rues. Chacun y décrypte le message de cette appartenance politique en regardant seulement le titre du journal lu par les autres passants. Les médias ivoiriens sont donc un puissant moteur dans la diffusion des messages politiques, surtout à l'heure où les élections présidentielles (maintes fois reportées) semblent s'organiser pour le mois de novembre 2009 (il n'y a pas eu d'élections présidentielles en Côte-d'Ivoire depuis 2000, date de la réélection de Laurent Gbagbo. Officiellement, son mandat a pris fin en 2005, mais de nouvelles élections n'ont jamais pu être organisées, notamment du fait de l'absence d'un recensement de la population et de l'absence de papiers d'identité - encore plus de cartes d'électeurs - pour la plupart des habitants qui n'ont pu renouvelé leurs papiers administratifs en fin de validité ces dernières années).

La télévision ivoirienne possède deux chaînes nationales accessibles sans abonnement, la Première étant officiellement la chaîne présidentielle (RTI, Radio-Télévision Ivoirienne, à regarder en direct). Néanmoins, la différence entre les deux chaînes reste mince, puisqu'elles sont toutes deux soumises à la censure du pouvoir étatique. On ne peut pas dire que l'information télévisée jouisse d'une grande liberté et d'une grande neutralité. A noter toutefois que la plupart des foyers dans les quartiers riches, et même dans les quartiers populaires (soit par le biais de raccordements illégaux, soit par financement des Ivoiriens immigrés en France envoyant de l'argent à leur famille) bénéficient du câble français.

La presse écrite est nombreuse et reflète grosso modo le panel de partis politiques qui existent en Côte-d'Ivoire. Elle est plus diversifiée quant aux opinions politiques exprimées, mais n'est pas neutre. Les atteintes à la liberté de la presse proviennent de tous les partis et se font plus prégnantes depuis le début de la crise en Côte-d'Ivoire. En 2009, Reporters sans frontières classe la Côte d'Ivoire au 109ème rang (sur 173 pays) dans leur baromètre de la liberté de la presse. L'assassinat du journaliste de RFI Jean Hélène à Abidjan en octobre 2003 et l’enlèvement de Guy-André Kieffer le 16 avril 2004 rappelent que la presse française n'est pas bien accueillie en Côte-d'Ivoire et est régulièrement soumise dans ce pays aux forts ressentiments, voire aux violences, d'une partie des milices et des partis politiques vis-à-vis de la France. Dans le cas des journalistes ivoiriens, "dès lors qu’ils n’abordent pas les sujets tabous tels que le pétrole ou la filière cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier exportateur mondial et sur laquelle enquêtait Guy-André Kieffer, les journalistes ivoiriens s’expriment assez librement dans une presse diversifiée, mais aux tirages limités. Les rédactions font cependant face à des actes réguliers de vandalisme et les professionnels des médias subissent encore le poids de la situation politique fragile du pays, ne pouvant pas prendre de photos sans la permission des forces rebelles dans la moitié nord du pays, ou du gouvernement dans la moitié sud" (Reporters sans frontières, Rapport sur la liberté de la presse 2009).

L'émergence d'une presse si diversifiée et partie prenante date de l'avènement du multipartisme en 1990. Au niveau des journaux d'information, les quotidiens Fraternité Matin et Ivoir'Soir (quotidien qui paraît chaque soir, et qui s'occupe davantage de la vie culturelle) appartiennent à la sphère du pouvoir (tout comme les chaînes de télévision et de radio nationales RTI). Le quotidien Fraternité Matin a été créé en 1964 sur décision du Président Félix Houphouët-Boigny. Selon Le Courrier international, si le journal a été un instrument fort du pouvoir gouvernemental, il est aujourd'hui plus libre de proposer des points de vue divers (journal étatique, il n'avait pas ménagé Laurent Gbagbo avant son arrivée au pouvoir, et a ensuite été menacé de privatisation). Les autres quotidiens d'informations appartiennent à la presse privée, et la plupart appartient à un parti politique et les quotidiens d'information deviennent ainsi de véritables organes au sein des partis, à l'instar du Patriote (qui appartient au RDC, Rassemblement des républicains de Côte d'Ivoire, parti politique dirigé par Alassane Ouattara) ou du Nouveau Réveil (journal appartenant au PDCI-RDA, Parti démocratique de Côte-d'Ivoire, actuellement dirigé par Henri Konan Bédié). Quelques exceptions cependant, telles que Le Jour plus, qui n'appartient à aucun parti politique, mais est soumis aux mêmes pressions, violences et vols que les autres journaux. De nombreux journalistes sont régulièrement menacés pour la publication de certaines informations.

C'est ainsi qu'en épluchant la presse quotidienne en Côte-d'Ivoire (voir le site Abidjan.net qui propose de très nombreux journaux ivoiriens à l'achat en pdf, ainsi que de nombreux articles gratuits, et offre ainsi un point de vue comparatif), on se trouve confronté à des unes très diverses d'un journal à l'autre : tandis que la presse française annonce assez uniformément les mêmes "grandes" informations, certaines sont occultées dans certains journaux, d'autres les mettent en avant. La presse écrite ivoirienne est un instrument de la politique.

La langue française est le plus couramment utilisée à la télévision (à l'exception de quelques émissions d'informations régionales) et dans la presse écrite. La pluralité linguistique ivoirienne (voir la page Côte-d'Ivoire sur le site "L'aménagement linguistique du monde") est plus représentée à la radio.


3 commentaires:

Electrosphère a dit…

En effet, les vidéoclips d'artiste louant "Laurent, Père et Sauveur de la Nation" (sic) sont récurrents sur la RTI, la 1ère chaîne TV officielle.

NB: C'est aussi le cas dans de nombreux autres pays africains.

Si la situation ivoirienne avait été autrement, j'aurais trouvé ces clips presque marrants.

Remarquable constat, Bénédicte !-)

Cordialement

Anonyme a dit…

Article très intéressant !!! Merci pour cette analyse pointue ...

Tratnjek Bénédicte a dit…

A ce propos, je viens d'apprendre sur Crévilles.org la sortie de l'ouvrage collectif "Quelques rues d'Afrique. Observation et gestion de l'espace public à Abidjan, Dakar et Nouakchott" (sorti le 1er septembre 2009 aux éditions LaSUR), dans lequel Jérôme Chenal propose un article sur "Lire la presse et comprendre la rue à Abidjan". J'en reparlerai dès que j'aurais pu me procurer cet ouvrage.