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lundi 27 janvier 2014

Café géo : "Pour une géographie des conflits : le cas du Vietnam" (Toulouse, 29/01)

Le prochain Café géographique de Toulouse aura pour thématique la géographie des conflits, autour du cas du Vietnam. Il aura lieu le mercredi 29 janvier 2014 au Bistrot de Julie (4 allée Paul Feuga, métro Palais de justice, Toulouse : voir un plan d'accès sur le site des Cafés géographiques). Le débat sera animé par Frédéric Fortunel (université du Maine) et Daniel Weissberg (université Toulouse 2 - Le Mirail).
Frédéric Fortunel, 2003, L'État, les paysanneries et les cultures commerciales pérennes
dans les plateaux du centre Viêt Nam. L'autochtonie en quête de territoires
,
thèse de doctorat en géographie, Université Toulouse 2, p. 428.

Présentation du Café géo "POUR UNE GÉOGRAPHIE DES CONFLITS : LE CAS DU VIETNAM" par Frédéric Fortunel et Daniel Weissberg :
"Reprenant l’expression que le général De Gaulle a utilisée pour la France, on pourrait dire que « le Viêt-nam s’est construit par l’épée ». Rares sont les Etats dont l’histoire est jalonnée d’autant d’épisodes guerriers, à tel point que les conflits semblent constitutifs de l’affirmation nationale elle-même. A cette histoire guerrière établie dans la longue durée – la formation progressive du territoire national, « Nam Tiên » ou « Marche vers le Sud » a duré plusieurs siècles-, il faudrait ajouter les multiples conflits dynastiques, les oppositions entre principautés rivales, les révoltes paysannes récurrentes et les rébellions antifiscales endémiques. Près d’un siècle de lutte anticoloniale (jusqu’à Dien Bien Phu en 1954), et deux décennies de guerre impliquant les plus grandes puissances prolongent cette histoire tumultueuse. Et pour clore (provisoirement ?) cette énumération il faudrait rappeler les violents affrontements de 1979 avec la Chine, conséquences eux-mêmes d’une invasion du Cambodge, suivie de dix années de présence armée dans ce pays.Cette histoire –pour le coup vraiment « pleine de bruits et de fureur »- explique sans doute que le Vietnam soit aujourd’hui un théâtre de conflictualités multiples dont presque toutes s’enracinent, peu ou prou, dans ces héritages.

A ce stade, il serait commode de distinguer deux types de conflits : les conflits internes et les conflits qui résultent de la place et du rôle que le pays revendique dans son environnement régional. Mais cette distinction serait simpliste : les conflits fonciers liés au développement de l’hévéaculture et d’autres cultures pérennes par exemple s’expliquent largement par l’engagement actif du Vietnam dans la mondialisation depuis l’adoption de la politique d’ouverture et de modernisation (Doi Moi). Acteurs et enjeux sont donc multiples, à la fois endogènes et exogènes. L’ouverture d’un terrain de golf ou l’urbanisation des périphéries urbaines n’opposent pas seulement les paysans chassés de leurs terres et les bureaucrates chargés de leur expropriation au nom de l’intérêt national. Investisseurs singapouriens, grandes firmes transnationales, organisations multilatérales en charge de la coopération sont autant d’acteurs puissants quoique peu visibles. Et toujours, dans le gant du libre marchése glisse la main de fer du parti unique, même si, non sans mal, un embryon de société civile se constitue. Malgré la censure, internet ouvre quelques lucarnes sur le monde. La lutte pour la liberté d’expression et des pratiques religieuses, un combat de tous les jours, n’est jamais gagnée, jamais perdue. Ici ou là, des groupes informels se constituent de façon aléatoire pour dénoncer le bradage des ressources nationales (la bauxite), la corruption ou les bas salaires.

Pour le géographe, les conflits au Vietnam et autour du Vietnam sont difficilement lisibles. La perception et le traitement par les autorités vietnamiennes des revendications chinoises sur les archipels Spratleys et Paracels en offre une parfaite illustration. Si les droits nationaux sont clairement revendiqués dans les instances internationales (de l’ASEAN aux Nations-Unies),cela va de pair avec un contrôle étroit des manifestations intérieures, tolérées ou réprimées selon les circonstances. Ce traitement reflète, entre autres, l’état des rapports de force internes au sein des instances du pouvoir, une perception différenciée des possibles alliances régionales, une conscience claire de la dissymétrie des forces en présence, sans que l’on puisse dire ce qui l’emporte au fil du temps.

D’une façon générale, les conflits au Vietnam seraient sans doute plus faciles à analyser s’ils s’inscrivaient sur des territoires déterminés. Mais ce n’est pas toujours le cas. De même, une typologie des conflits selon leur intensité ou leurs origines est peu efficiente tant sont intriqués les divers plans de conflictualités. Une approche par échelles serait peut-être un pis-aller acceptable. Elle permettrait de distinguer des conflits d’extension locale (conflits fonciers, conflits environnementaux), régionaux (déséquilibres territoriaux, problèmes liés aux mobilités internes), nationaux (statut des autochtonies, affirmation des droits fondamentaux liés à la personne humaine) et des questions internationales (rôle en Asie du Sud-est, relations avec la Chine, place du pays dans la division internationale du travail, etc.).

Mais au-delà de cette énumération –même incomplète-, la diversité des conflits au Vietnam souligne les difficultés du pouvoir en place depuis des décennies à passer d’une légitimité historique, acquise dans la lutte contre « l’étranger » et pour l’unité nationale, à une autre légitimité qui serait assise sur la croissance économique, l’instauration d’un Etat de droit et le progrès social."


Source : Site des Cafés géographiques.




GÉOGRAPHIE, CONFLITS ET VIETNAM :
"Dans le cadre des cycles familiaux et macro-économiques, le bassin caféier, cœur de la province, n'est plus le pôle attractif. Entre l'arrivée de migrants dans les marges forestières et la pression foncière qui pèse de plus en plus fort au centre, les populations les plus fragiles économiquement, dont l'essentiel est composé d'autochtones, se retrouvent pris en tenaille entre un centre où ils ne peuvent plus habiter et une périphérie où ils ne peuvent plus se réfugier. Cet élément est important car il est le résultat d'une série de resserrements territoriaux au centre de la province et dans les marges contribuant aux difficultés croissantes de certains villages autochtones. 
Cette situation amène à des conflits fonciers nombreux et intenses dans les marges, c'est-à-dire dans les zones où se négocient les appropriations. Ainsi, selon des données partielles fournies par Vò §×nh Lîi, entre 1990 et 1998 dans les quatre provinces du Tây Nguyên plus de 2 500 conflits fonciers ont été recensés, ce qui équivaut approximativement à une nouvelle dispute par jour. On observe une multiplicité d'acteurs engagés dans ces conflits : ceux-ci opposent des paysans entre eux (entre autochtones, entre allochtones et autochtones) mais aussi des villages d'autochtones et des unités productrices ou administratives d'État. 
Les réformes engagées dans les structures d'État touchant de près ou de loin le statut des autochtones ont eu pour effets de délimiter les terres mais surtout de réveiller de vieux conflits que l'autonomie de la paysannerie a fait resurgir. Au regard des vastes espaces concernés par les planifications des compagnies et des fermes d'État, on comprend pourquoi ces disputes sont d'autant plus délicates que les groupes en présence sont de puissance inégale. Une enquête récente au sujet des querelles foncières à Gia Lai, Dak Lak et Lâm Dông indique que sur les soixante disputes les plus âpres, 75 % concernent les villages autochtones et des unités collectives (coopératives, fermes d'État) ; 11 % ont pour acteur des unités collectives, des établissements et des bureaux administratifs, 8 % opposent des localités entre elles et 5 % des institutions cultuelles et des localités. 
Ces conflits illustrent les contradictions qui se font jour à Dak Lak. Violence symbolique ou violence physique, les revendications sont d'autant plus acharnées qu'elles mettent en jeu la survie de chacun. Par la diffusion du modèle de "développement" promis par la caféiculture, les relations sociales se nouent autour de l'appropriation foncière et font se confronter des acteurs et des logiques différents, selon un droit univoque qui cloisonne le territoire."
Source : Frédéric Fortunel, 2003, L'État, les paysanneries et les cultures commerciales pérennes dans les plateaux du centre Viêt Nam. L'autochtonie en quête de territoires, thèse de doctorat en géographie, Université Toulouse 2, pp. 373-374.



Viêt-Nam du Sud. Défoliation, 1961 à 1971 et zones de guerre
Source : Thao Tran, Jean-Paul Amat et Françoise Pirot, 2007, "Guerre et défoliation dans le Sud Viêt-Nam, 1961-1971. Aux sources de l'histoire", Histoire & Mesure, vol. 22, n°1/2007, pp. 71-107
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GÉOGRAPHIE DU VIETNAM : QUELQUES RESSOURCES

Note : Cette bibliographie ne vise pas du tout l'exhaustivité, et renvoie aux références bibliographiques bien plus complètes proposées par chacune des ressources citées ici. C'est dans cette perspective qu'elle est présentée par ordre chronologique de parution.

Frédéric Fortunel, 2003, L'État, les paysanneries et les cultures commerciales pérennes
dans les plateaux du centre Viêt Nam. L'autochtonie en quête de territoires
,
thèse de doctorat en géographie, Université Toulouse 2, p. 321.


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