Suite à la présentation de la communication "La ville, la guerre et l'économie" (voir la présentation power-point) lors du colloque Guerre et économie (organisé par le Club Participation & Progrès, l'Alliance géostratégique et l'Ecole de Guerre Economique le 1er juillet 2011 à l'Ecole militaire, Paris), voici le texte paru dans l'ouvrage Guerre et économie : de l'économie de guerre à la guerre économique, qui réunit les actes de ce colloque.
Premières lignes du chapitres :
« La guerre, la ville et l’économie » est un titre qui fait un « clin d’œil » au célèbre ouvrage de Jean-Louis Dufour : La guerre, la ville et le soldat. Questionner le lien entre guerre et économie au prisme du cas particulier des villes en guerre permet de procéder à un changement d’échelles : si de nombreux travaux analysent les liens entre guerre et économie à l’échelle de l’Etat qui finance la guerre (en particulier dans le cas des opérations extérieures menées par des Etats engagés au nom de leur Etat ou dans des coalitions, notamment onusiennes ou otaniennes), ou à l’échelle des entreprises impliquées dans l’effort de guerre ou à l’échelle mondiale (pour notamment mettre en exergue les rapports de pouvoir entre les différents Etats), cet article se propose de présenter les conséquences de la guerre sur l’économie urbaine à l’échelle locale. S’appuyer sur une approche géographique permet de compléter les approches économiques et juridiques, dans la mesure où elle met en exergue les impacts des destructions et d’une géographie de la peur qui se construit dans la ville et tend à faire disparaître l’urbanité, c’est- à-dire le vivre-la-ville, celle-ci étant alors conçue comme un lieu d’échanges, de rencontres et de proximités.
On distinguera trois types d’interrelations entre guerre et économie dans la ville en guerre. Tout d’abord, les destructions dans la ville provoquent des dysfonctionnements urbains très lourds : il s’agit là de questionner l’économie urbaine dans la guerre, c’est-à-dire la manière dont l’économie urbaine est affectée par la géographie des combats, qui dessine des zones- refuges et des zones-cibles, produisant une injustice spatiale profondément ancrée dans la ville. De plus, il est nécessaire de questionner le financement de la guerre au prisme de ces spatialités : la violence produit des fragmentations urbaines, qui sont (ré)activées, créées, apaisées ou renforcées par les acteurs de l’économie urbaine de guerre. Ainsi, l’échelle de la ville ne peut suffire à comprendre tous les enjeux des liens guerre/économie : on s’attachera, à l’échelle du quartier, à montrer l’émergence de quartiers-territoires comme producteurs de plusieurs économies fragmentées dans la ville, qui mettent à mal le processus de pacification dans l’immédiat après-guerre. Enfin, la question de la reconstruction permet de dépasser le temps des combats, et de questionner l’économie urbaine en guerre, dans la mesure où celle-ci reste affectée, voire « formatée », par les conflictualités qui persistent dans la ville.
Distinguer économie urbaine dans la guerre, économie urbaine de guerre et économie urbaine en guerre, consiste à mettre en avant les spatialités et les temporalités des acteurs et des habitants dans les villes en guerre : comment la géographie des combats s’ancre dans le (dys)fonctionnement économique de la ville au point d’être un enjeu prioritaire des processus de réconciliation et de pacification dans l’immédiat après-guerre ? On postule, dans cet article, que les tensions sociales de l’immédiat avant-guerre, de la guerre et de l’immédiat après-guerre sont des facteurs aggravants, utilisés et déformés par les acteurs de la guerre, des conflictualités qui déchirent les villes en guerre.
Références complètes : Tratnjek, Bénédicte, 2013, "La guerre, la ville et l'économie", dans Kempf, Olivier (dir.), Guerre et économie : de l'économie de guerre à la guerre économique, L'Harmattan, collection Défense, Paris, pp. 93-121.
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