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lundi 28 octobre 2013

"Violence et Bande dessinée" (ENS-Lyon, 6 novembre 2013)


Le mercredi 6 novembre 2013, le laboratoire junior Sciences Dessinées organise sa troisième journée d’études : après la science et la ville, cette journée interrogera  “Violence et bande dessinée“, à l’ENS de Lyon (amphithéâtre Descartes, métro Debourg, entrée libre, 9h30-17h30).

La journée “Violence et bande dessinée” se déroulera en deux temps :
  • une matinée consacrée à des interventions d’universitaires et de chercheurs sur la question de “L’hyperviolence, du choc à la suggestion“
  • une après-midi sous forme de grand entretien avec Kris, notamment auteur de Notre Mère la Guerre (avec Maël), Coupures irlandaises, et Un homme est mort.

affiche bd et violence 2

Toutes les informations : carnet du Laboratoire junior Sciences Dessinées (ENS-Lyon).


samedi 26 octobre 2013

France : un droit d'asile à géographie variable (2)

Suite à la panne du site des Cafés géographiques (toutes les archives sont progressivement en train d'être remises en ligne), voici l'intégralité d'un texte publié en 2012, qui prend ces derniers jours une actualité forte : "France : une géographie du droit d'asile".


Références de l'article original : TRATNJEK, Bénédicte, 2012, "France : un droit d'asile à géographie variable", Cafés géographiques, rubrique Vox geographi, 14 février 2012.



France : un droit d’asile
à géographie variable




Introduction

En 2011, les institutions internationales, les instances et associations agissant pour la protection des demandeurs d’asile ont célébré le soixantième anniversaire de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951 qui assure la protection des réfugiés, des apatrides et des demandeurs d’asile. A priori, la question du droit d’asile semble dessiner une géographie « uniformisée », ou tout du moins une géographie de la sécurité/insécurité qui s’établit à l’échelle de chaque Etat qui la regarde. Mais les diverses interprétations de la Convention de Genève de 1951 peuvent être plus ou moins restrictives, et donnent à voir diverses représentations du statut de demandeur d’asile et une géographie de la discrimination et des persécutions à géométrie variable, qui construit un imaginaire spatial de la migration à destination de la France.

Le 11 mars 2011, le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) décide d’ajouter à la liste des « pays d’origine sûrs » : l’Albanie et le Kosovo. Mise en place pour la première fois en place en 2005, « la notion de pays d’origine sûr a été introduite dans le droit français par la loi n°2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile. Aux termes de la loi, un pays est considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». C’est le conseil d’administration de l’OFPRA qui fixe la liste des pays d’origine sûrs » [1]. Le Kosovo était, en 2009 et en 2010, le principal territoire [2] d’origine des demandeurs d’asile en France [3].

Le 2 décembre 2011, cette liste s’allonge, passant de 16 à 20 Etats placés sur la liste des « pays d’origine sûrs », avec l’ajout de l’Arménie, du Bangladesh, du Monténégro et de la Moldavie. En 2011, le Bangladesh était devenu le premier pays d’origine des demandeurs d’asile en France, et la demande en provenance de l’Arménie avait doublé [4]. De nombreuses associations de protection des demandeurs d’asile dénoncent l’imbrication des enjeux socio-politiques internes (la liste des pays d’origine sûrs étant perçue comme un moyen de réguler les flux migratoires) et des enjeux socio-politiques des pays que quittent les demandeurs d’asile, au nom de la protection accordée par la Convention de Genève de 1951. C’est donc un regard multiscalaire qu’il est nécessaire de poser sur ces questions, tant l’entremêlement des échelles permet de comprendre les conflits de représentation qui se jouent entre institutions étatiques et protecteurs des demandeurs d’asile.

La liste des « pays d’origine sûrs » ne vise pas à dessiner une géographie de la sécurité et de l’insécurité dans le monde : comme son nom l’indique, elle ne s’attache qu’à définir, parmi les différents pays d’origine des demandeurs d’asile en France (et non ceux qui ne sont pas concernés par le départ de migrants qui se déclareront dans le pays d’accueil comme relevant de la Convention de Genève de 1951), les pays dans lesquels la sécurité des habitants est garantie par les institutions étatiques. Ce sont donc les pays « producteurs » de demandeurs d’asile qui sont visés dans cette liste. En 2010, « pour la troisième année consécutive, la France enregistre une hausse de la demande d’asile sur son territoire. 52 762 demandes ont été formulées contre 47 686 en 2009, soit un écart de près de 11 % » (Forum Réfugiés, 2011, p. 129).

Cette même année 2010, les principaux pays de provenance des primo-arrivants (première demande d’asile, en opposition aux dossiers en réexamen, c’est-à-dire aux demandeurs ayant déjà fait une tentative) sont le Kosovo (avec 3 267 demandes – hors mineurs accompagnants, soit 8,8 % de la demande globale), le Bangladesh (3 061 demandes, soit 8,3 %), la République démocratique du Congo (2 616 demandes, soit 7 %), la Russie (2 424 demandes, soit 6,6 %), Sri Lanka (2 265 demandes, soit 6,1 %), la Chine (1 805 demandes, soit 4,9 %), la Guinée (1 712 demandes, soit 4,6 %), Haïti (1 500 demandes, soit 4 %), l’Arménie (1 278 demandes, soit 3,5 %) et la Turquie (1 240 demandes, soit 3,3 %) (Forum Réfugiés, 2011, p. 130).

Ce sont ces pays qui sont concernés par un examen par l’OFPRA sur l’(in)sécurité des habitants, et qui sont potentiellement inscrits sur la liste des pays d’origine sûrs. Des Etats voisins de la France comme la Belgique, l’Allemagne ou encore la Suisse n’étant pas des pays d’origine de demandeurs d’asile, ils n’apparaîtront pas sur cette liste. Pourtant, celle-ci reste une manière de concevoir, par le prisme des pays « producteurs » de demandeurs d’asile, une géographie de l’insécurité et une géographie du droit d’asile « légitime ». En quoi la proportion de la demande d’asile dessine-t-elle une géographie de l’(in)sécurité telle que perçue par les autorités françaises ?

Les frontières et les espaces frontaliers : objet d’étude géographique et géopolitique

Voici deux enregistrements de la journée d'études Les frontières et les espaces frontaliers : objet d'étude géographique et géopolitique (organisée par François Arnal et Franck Thénard-Duvivier) revenant sur la géographie et la cartographie de la frontière entre conflits et gestion des conflits.

L'atelier du cartographe
Source : Dessin de Selcuk pour Philippe Rekacewicz.



Cartographier la frontière et les espaces frontaliers


« Lorsque je dessine les frontières en Afrique, disait un cartographe, j’ai le sentiment que je blesse les peuples… ». Comment mieux dire que les frontières « naturelles » n’existent pas ? Qu’elles sont une pure invention des êtres humains ? qu’elles se meuvent en permanence dans l’espace au grès des événements historiques ? Elles sont avant tout des lieux de rencontre et d’échange, des espaces riches et donc complexes à représenter. Les frontières (ou plus généralement ces « lignes de partage » puisque toutes n’ont pas le même statut) ont ceci de paradoxal qu’elles regroupent autant qu’elles excluent. C’est précisément cette contradiction qui fait le cauchemar du cartographe qui n’a jamais su, il faut bien le reconnaître, ni très bien les franchir, ni très bien en donner une représentation cartographique pertinente : Les frontières ne sont pas que des lignes : elles sont même souvent de véritables territoires qui fonctionnent en tant que tel. Et comme rien n’est simple, au cours des deux dernières décennies, elles ont profondément changé de nature…
Source : Géopodcast, enregistrement du 1er février 2013.


Les territoires post-yougoslaves : ce qui fait frontière

Les guerres de décomposition de la Yougoslavie ont redessiné le pavage étatique dans les Balkans. L'Etat primaire - la Yougoslavie - a laissé place à une multitude d'Etats secondaires : la Slovénie (1991), la Croatie (1991), la Bosnie-Herzégovine (1992), la Macédoine (1992), le Monténégro (2006), la Serbie (2008 pour ses frontières actuelles) et le Kosovo (2008), bien que ce dernier exemple pose la question de la reconnaissance de l'indépendance, faisant de la discontinuité territoriale entre la Serbie centrale et le Kosovo une limite disputée, revendiquée comme "frontière" pour les uns, comme limite administrative intérieure pour les autres. Les territoires post-yougoslaves sont donc un "laboratoire" de la production des frontières par des revendications géopolitiques qui s'affirment dans des géonationalismes qui entrent en conflit. Pourtant, toutes ses frontières ne sont pas le produit de conflits armés : le Monténégro et la Macédoine ont acquis leur indépendance sans affrontement. Par les exemples post-yougoslaves, on abordera la question de la frontière contestée : les frontières interétatiques qui existent aujourd'hui ne correspondent pas aux (im)mobilités spatiales et aux discours géonationalistes qui parcourent les Etats post-yougoslaves. Parallèlement au durcissement de ces discours et représentations d'un territoire identitaire d'appropriation et d'appartenance qui exclut "l'Autre", d'autres mouvements tendent à dépasser les frontières interétatiques pour redonner sens à l'espace régional : une "Yougosphère" se dessine, confrontant les frontières-coupures à une volonté de recréer un territoire transfrontalier. A travers les exemples de la Bosnie-Herzégovine et du Kosovo, il s'agit d'interroger ce qui fait frontière, entre processus politiques et (non-)appropriations dans les territoires du quotidien.
Source : Géopodcast, enregistrement du 1er février 2013.


vendredi 4 octobre 2013

En hommage au géographe Pierre Gentelle

Trois ans que le géographe Pierre Gentelle nous a quittés. Trois ans, et ces lignes sont toujours aussi difficiles à écrire. Ses propos, dérangeants, souvent agaçants, toujours avec une pointe d’humour inimitable, ont marqué le site des Cafés géographiques. Pierre nous a quittés la veille du Festival international de géographie de 2010. Après plusieurs Cafés cartographiques organisés en son honneur par Jasmine Salachas au FIG 2012, une table-ronde lui rendra hommage cette année à Saint-Dié-des-Vosges, pour un FIG 2013 entièrement consacré à la Chine, pays dont il rêva tant d’années de le voir invité au FIG.
Personnage aux multiples facettes – provocateur en conférence pour faire réagir et réfléchir son auditoire (il était déçu lorsque suggérant à dessein un déterminisme géographique, il voyait la salle acquiescer ; lui rêvait qu’elle prenne plutôt la parole et réfléchisse avec lui), « coach » de doctorants à qui il prodiguait de nombreux conseils, amoureux du terrain vers lequel il se tournait sans cesse –, Pierre était l’un des piliers du travail « invisible » du site des Cafés géographiques, évaluant avec quelques jeunes géographes tous les textes que l’on nous proposait. Les soutenant, ou dénonçant leur trop grand « classicisme », ou s’effarant d’une grande méconnaissance du terrain.
Pierre, trois ans plus tard, l’équipe des Cafés géographiques reste orpheline de l’un de ses agitateurs, qui savait accueillir les « petits jeunes » avec bienveillance et disponibilité. Nous gardons dans nos mémoires les échanges riches autour de la relecture de tes Lettres de Cassandre. Tu les soumettais toujours à notre critique la plus libre. Quelle écoute de nos conseils, pourtant prodigués par de jeunes pousses qui ne connaissaient que très modestement la géographie ! Quels coups de colère aussi, de temps à autre, qui nous forçaient à remettre sans cesse sur le métier la devise des Cafés géo : faire de la géographie autrement.
A toi, Pierre, notre ami, qui nous manqueras plus que jamais à Saint-Dié-des-Vosges !
Bénédicte Tratnjek & Olivier Milhaud

Des hommages sur le site des Cafés géographiques :

D’autres hommages :

Note : Ce texte est publié en parallèle sur le site des Cafés géographiques.