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mercredi 30 juin 2010

Géographie de Bagdad (2) : Bagdad, une ville en guerre



Voici un entretien réalisé par Sylvain Kahn pour le blog Globe, en complément de l'émission Planète Terre sur France Culture. L'entretien a été réalisé à la veille de l'émission consacrée à "Géographie de Bagdad" le mercredi 30 juin 2010 avec pour invité Hosham Dawod (à réécouter en ligne).


Sylvain Kahn m'a proposé de parler de "Bagdad, ville en guerre", autour de 4 questions :


1/ Quelles sont les caractéristiques géographiques d’une « ville en guerre » ? Les retrouve-t-on à Bagdad ?

2/ La comparaison avec Mitrovica, Sarajevo et Beyrouth, vos terrains d’étude, est-elle pertinente pour comprendre Bagdad ?

3/ Les attentats terroristes, depuis sept ans, redessinent-ils la morphologie urbaine de Bagdad ?

4/ Comment voyez-vous l’avenir de Bagdad ?


A lire sur le blog de Planète Terre (Sylvain Kahn) -->


Géographie de Bagdad (1) : Bagdad, une ville morcelée

L'émission Planète Terre sera consacrée ce mercredi 30 juin 2010 à la "Géographie de Bagdad", avec pour invité Hosham Dawod (ingénieur de recherches au Centre d’études interdisciplinaires des faits religieux (CEIFR) du CNRS, il a notamment co-écrit avec Hamit Bozarslan, La société irakienne. Identité, pouvoir et violence, Karthala, 2003 ; et dirigé l'ouvrage Tribus et pouvoirs en terre d'Islam, Armand Colin, 1970). L'émission peut être podcastée, ou écoutée en ligne pendant un mois sur le site de France Culture.

A lire sur le blog de Sylvain Kahn, Globe, un passionnant billet sur "Bagdad, ville morcelée", qui revient sur les processus de fragmentations dans la ville de Bagdad, renforcées par la présence de murs, par la violence, mais surtout par la peur. Le billet est illustrée de cartes et de reportages passionnants !


Source : Le Monde, 11 avril 2007.
Publié dans "Bagdad, ville morcelée", Sylvain Kahn, Globe,30 juin 2010.



lundi 28 juin 2010

"L'asile au Sud"


Les études sur les migrations sont très nombreuses, comme en témoigne le dynamisme de la revue REMI (Revue européenne des migrations internationales) éditée par le laboratoire Migrinter (Université de Poitiers). La question des migrations est stimulante intellectuellement, mais aussi - et surtout ! - un véritable enjeu de société. L'ensemble de ses travaux témoignent de l'utilité sociale des sciences humaines et sociales en général, de la géographie en particulier. Parmi tous ces travaux, on remarquera l'ouvrage L'asile au Sud (sous la direction de Luc Cambrézy, Smaïn Laacher, Véronique Lassailly-Jacob et Luc Legoux, Paris, La Dispute, 2008) qui propose d'analyser les migrations Sud-Sud au prisme d'exemples en Afrique et au Moyen-Orient.


Note de lecture pour les Cafés géo :
Nombreux sont les ouvrages qui abordent la question des migrations des populations du Sud. Dans cette production scientifique, L’asile au Sud se distingue en concentrant l’analyse sur la seule question des migrations Sud-Sud. Certes, l’ouvrage ne prétend pas permettre de restituer toutes les particularités de ces processus migratoires, et les directeurs scientifiques l’avouent d’emblée : "l’étude fine de ces pratiques est donc un véritable impératif, mais, dans le cadre restreint d’un ouvrage collectif, il ne saurait évidemment être question d’analyser toutes les situations locales du monde, ni même celles d’un seul continent. Nous avons choisi d’observer quelques problématiques de refuge au sud de la Méditerranée, en Afrique où l’asile évolue très vite, et au Moyen-Orient où le statut de réfugié tend dans certains cas à devenir hétéroclite" (p. 20).




mercredi 23 juin 2010

Organisation spatiale d'un espace-cour à Treichville (Abidjan)


Ces derniers mois, Abidjan, tel que (re)présenté par les médias, se rappelle à notre imaginaire spatial : élections qui n’en finissent pas d’être reportées (depuis 2005, aucune élection présidentielle n’a pu être tenue, et Laurent Gbagbo est devenu, de fait, un Président sans mandat), manifestations qui se transforment en émeutes (octobre 2008, août 2009, février 2010, avril 2010, mai 2010 : voir le passionnant blog de l’anthropologue Alain Bertho, Anthropologie du présent, dans lequel il effectue une base de données de toutes les émeutes dans le monde, notamment en Afrique), c’est bien le côté « sombre » d’Abidjan, sa misère sociale et sa conflictualité politique qui nous ait donné à voir par les filtres de représentations que sont les médias. Comme l’argumentait la géographe Catherine Fournet-Guérin dans son intervention pour le 10ème anniversaire des Cafés géo, l’Afrique ne peut être résumée aux guerres, à la violence, à la misère, aux enfants des rues, au sida. S’il ne s’agit pas de nier l’existence de ces vulnérabilités, son propos montrait combien l’Afrique avait tant d’autres facettes qu’elle ne pouvait être (re)présentée qu’au prisme de ses difficultés. Ses paroles prennent pleinement leur sens dans le quartier de Treichville, quartier populaire d’Abidjan. Ville dont la saleté et la surpopulation sont souvent dénoncées, Abidjan est aussi – et peut-être avant tout – une ville bruyante, rythmée par le cri de jeunes enfants, de vendeurs de rues, de disputes de voisinage, un espace de vie.




"La Grande Guerre en bande dessinée"


Vincent Marie et l’Historial de la Grande Guerre (dir.), La Grande Guerre dans la bande dessinée (de 1914 à aujourd’hui), Historial de la Grande Guerre, Péronne, 2009, 112 p.


L'ouvrage est paru au moment de l'exposition Mobilisation générale ! 14-18 dans la bande dessinée présentée en 2009 à l’Historial de la Grande Guerre (Péronne). Il se présente sous la forme de chapitres succesifs qui montre combien la bande dessinée peut être un matériau fondamental pour l'histoire. Mais pour la géographie aussi, bien que l'ouvrage ne mette pas cette approche en avant. "Parce que la bande dessinée ne donne pas seulement à voir de l’Histoire, mais aussi de la Géographie". En montrant les territoires de la guerre et les territoires du quotidien pour les combattants et les civils, la bande dessinée devient tout à la fois un lieu de mémoire, un lieu de contestation politique, un lieu d'identité nationale.




dimanche 20 juin 2010

Osh, une ville en guerre (1) : Le Kirghizistan, quelques enjeux stratégiques et géopolitiques


Le samedi 12 juin 2010, les autorités du Kirghizistan ont déclaré l'état d'urgence pour la ville d'Osh/Och, sous le feu d'affrontements interethniques entre Kirghiz et Ouzbeks. Depuis le début du mois d'avril 2010, le Kirghizistan est en proie à une très forte instabilité politique, qui s'est traduite par le renversement du Président Bakiev (parvenu au pouvoir à la suite de la "révolution des Tulipes" de 2005, qui avait vu le renversement du Président Akaïev et l'arrivée au pouvoir de Bakiev, suite à une série d'émeutes dans le Nord du pays et le processus de "révolution pacifique" mené dans le Sud) par l'opposition. Le facteur déclencheur de ces événements est la décision de Biakev d'augmenter par 2 le prix de l'électricité et par 3 celui de l'énergie. Le facteur désicif est le durcissement progressif du pouvoir de Bakiev (beaucoup des opposants sont d'anciens proches de Bakiev, qui étaient à ses côtés lors de la "révolution des Tulipes"). Dès 2007, le pouvoir de Bakiev avait été ébranlé par des manifestations à Bichkek, la capitale du pays. Ces manifestations s'étaient soldées dans la répression (emploi de la force armée contre les manifestants de la place Ala-Too à Bichkek, et traduction des meneurs en justice), et le pouvoir de Bakiev s'était renforcé. Les contestations également, mais elles étaient étouffées par un régime devenant de plus en plus autoritaire. En avril 2010, l'opposition a renversé Bakiev, qui a, de force, laissé place à une nouvelle équipe dirigeante. Quelques semaines plus tard, des violences interethniques (le nouveau gouvernement accuse Bakiev d'être à l'origine de ces mouvements) déchirent la ville d'Och, au Sud du pays, à proximité de la frontière avec l'Ouzbékistan. Avec l'état d'urgence, c'est l'ordre de tirer qui a été donné aux troupes dans la ville d'Och.


Source : Page "Kirghizistan" sur le site Aménagement linguistique du monde.



Le Kirghizistan/Kirghizstan* :
un Etat enclavé en voie de désenclavement ?

Le Kirghizistan est un des Etats d'Asie centrale né de la décomposition de l'URSS. C'est un pays enclavé, qui partage ses frontières avec l'Ouzbékistan à l'Ouest, le Kazakhstan au Nord, la Chine à l'Est et le Tadjikistan au Sud. "Dans son sens le plus large, l'enclavement est le caractère d'un espace ou d'un territoire marqué par la médiocrité de ses relations extérieures. L'idée d'enclavement induit toujours des éléments pénalisants : enfermement, mauvais connectivité. Une région enclavée est ainsi mal reliée aux autres. [...] Dans une acceptation plus liée aux espaces politiques, l'enclavement caractérise des enclaves : territoires enfermés dans des frontières, ou qui ne disposent pas d'ouverture sur les espaces maritimes (land locked en anglais). Les 43 Etats (actuellement (2007) dépourvus de littoral tentent de pallier cet inconvénient par le biais d'accords avec les Etats voisins, que ce soit par création de corridors ou l'instauration de zones franches dans les ports les plus proches de leurs propres territoires" (Stéphane Rosière, 2008, Dictionnaire de l'espace politique. Géographie politique & géopolitique, Armand Colin, coll. Dictionnaire, Paris, p. 88. Concernant spécifiquement l'Asie Centrale, voir le dossier "La question de l'enclavement en Asie centrale", dans la revue Cahiers d'Etudes sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien - CEMOTI, n°35, notamment l'article du géographe Julien Thorez sur "Enclaves et enclavement dans le Ferghana post-soviétique"). Au-delà de la seule question de l'existence d'un littoral, l'enclavement du Kirghizistan se lit aussi au prisme de sa marginalisation économique et politique. Même au sein de l'Asie centrale (voir l'ouvrage de Gaël Raballand, 2005, L'Asie centrale ou la fatalité de l'enclavement ?, L'Harmattan, coll. Centre-Asie, 355 p.), le Kirghizistan bénéficie d'une situation peu favorable : c'est le seul Etat de l'Asie centrale post-soviétique, avec le Tadjikistan, à ne pas avoir de voies d'accès sur la mer Caspienne, dont on connaît les enjeux, notamment en termes énergétiques (parmi les très nombreux travaux sur la question, voir notamment l'intervention de Jean Radvanyi au Festival international de géographie 2007 : "Caspienne : une mer fermée, un « grand jeu » ouvert", le compte-rendu de son Café géo du 5 décembre 2007 sur "La Caspienne au coeur de nouveaux enjeux" et une très belle carte de Philippe Rekacewicz sur les "Ressources énergétiques autour de la mer Caspienne : géopolitique des tubes").





La question de l'enclavement se pose également à l'intérieur des frontières du Kirghizistan, avec l'existence d' une enclave kirghize en Ouzbékistan (par exemple Barak, village de 700 habitants sous administration kirghize mais situé à l'intérieur du territoire de l'Ouzbékistan), d'enclaves ouzbèkes au Kirghizistan (Chakhimardan et Sokh) et d'enclaves tadjikes dans ces 2 pays (Sarvak en Ouzbékistan, dont la population se dit ouzbèke ; et Voroukh au Kirghizistan) dans la vallée de Ferghana (voir bibliographie en fin de billet). "Le tracé des frontières a priori absurdes de la vallée de la Ferghana correspondait dans l'esprit de leurs créateurs à un compromis territorial entre la construction d'entités "ethno-nationales" et leur viabilité économique :
- Le fond de la vallée fut octroyé à l'Ouzbékistan, en raison de son peuplement ouzbek majoritaire, à l'exception de son extrémité orientale (régions d'Osh et de Djalal-Abad), donnée au Kirghizistan pour garantir sa viabilité économique ;
- La région de Khodjent, où vivait une courte majorité de Tadjiks, fut attribuée au Tadjikistan pour garantir au pays sa viabilité économique. Elle isole toutefois la vallée du reste du territoire ouzbek ;
- Les pentes de la vallée furent attribuées au Kirghizstan, représenté ici par des pasteurs nomades kirghiz, à l'exception des zones cultivées de moyenne montagne, affectées, selon la proximité géographique, à l'un ou l'autre des voisins (les enclaves)"
(Emmanuel Gonon, 2003, "Frontière et territoire. Une symbiose incertaine", dans Frédéric Lasserre et Aline Lechaume, 2003, Le territoire pensé : géographie des représentations territoriales, Québec, Presses universitaires de Québec, p. 73). Ces enclaves sont l'objet de disputes territoriales et de revendications frontalières. Ces litiges frontaliers opposent le Kirghizistan à l'Ouzbékistan et au Tadjikistan : "La frontière ouzbéko-kirghize est l’une des plus controversées de l’espace post-soviétique : en 2004, l’Ouzbékistan en appelait aux tracés de 1924, alors que le Kirghizstan, lui, se référait à ceux, très différents, de 1954. Les questions soulevées par ces enclaves ne réapparaissent pas à la faveur des indépendances, après un «gel soviétique», puisqu’elles avaient déjà fait l’objet de négociations dans les années cinquante et quatre-vingt" (Hélène Rousselot, "Les enclaves de la vallée de Ferghana : une bataille de cartes", Regard sur l'Est, 5 mars 2006).


Source : Emmanuel Gonon et Frédéric Lasserre, "Une critique de la notion de
frontières artificielles à travers le cas de l'Asie centrale", Cahiers de
géographie du Québec, vol. 47, n°132, décembre 2003.

Source : Emmanuel Gonon et Frédéric Lasserre, "Une critique de la notion de
frontières artificielles à travers le cas de l'Asie centrale", Cahiers de
géographie du Québec, vol. 47, n°132, décembre 2003.





Néanmoins, ces disputes frontalières ne proviennent pas seulement de l'existence d'enclaves, mais aussi de la présence d'importantes ressources dans la vallée de Ferghana. Par exemple, l'accès aux ressources en eau requiert la traversée de la frontière : au temps de l'URSS, les aménagements pour l'approvisionnement en eau n'étaient pas conçues selon des limites adminsitratives (celles qui sont devenues depuis des frontières internationales, mais n'étaient alors que la traduction d'un découpage administratif interne), mais à l'échelle des bassins versants (voir Julien et Pierre Thorez, 2003, "Le partage des eaux dans les républiques d'Asie centrale. Une manifestation des tensions post-soviétiques", Actes du Festival international de géographie 2003). Le partage des ressources en eau est également un problème énergétique important (l'eau du bassin versant de cette vallée étant utilisée en partie pour être transformée en hydroélectricité). Des ressources sont d'autant plus importantes pour le Kirghizistan qui n'en possèdent que peu sur l'ensemble de son territoire : "Enclavé, le Kirghizistan couvre 198 500 km2 de territoire pour l’essentiel montagneux – massif du Tian Chan – (90% se situe à une altitude supérieure à 1500 m), compartimenté et peu hospitalier (7% seulement des terres sont arables). Aussi sa population est-elle modeste : 5 400 000 habitants. Entre un tiers et la moitié de ceux-ci vivent en dessous du seuil de pauvreté. En effet, hormis l’eau de ses montagnes ainsi que des gisements d’uranium, d’or et de mercure, le pays ne dispose pas de ressources naturelles importantes. Minerais, hydro-électricité, élevage ovin et caprin, cultures irriguées (riz, coton, légumes) sont ses seules productions notables. Avec un projet de nouveau barrage hydro-électrique à Kambarata (sur la Naryn), le pays, qui approvisionnait les républiques soviétiques voisines avant 1991 et se trouve aujourd’hui en situation de pénurie, cherche à redevenir exportateur net d’électricité. Autrefois très prisé de la nomenklatura soviétique, le potentiel touristique de son espace montagnard agrémenté de près de 2 000 lacs d’altitude, ne paraît pas à la veille d’être valorisé. D’ailleurs, ses milieux naturels fragiles (comme le lac d’Issuk Koul) ne supporteraient pas une fréquentation massive. Des perspectives de développement par le commerce existent du fait de sa situation sur l’axe de communication qui relie la Chine à la Russie" (Patrice Gonon, "La crise au Kirghizistan : analyse des différentes dimensions spatiales", Diploweb, 18 juin 2010). Enfin, les litiges frontaliers sont liés à la question de la porosité des frontières dans cette région qui se trouve sur la route de nombreux trafics criminels : la région est une zone de transit de la drogue en provenance d'Afghanistan (voir l'excellent site Géopium du géographe Pierre-Arnaud Chouvy, et notamment ses articles sur "Les routes de la drogue", la "Géopolitique de la production et du trafic de drogues illicites en Asie"), mais également d'armes en provenance de Russie et de nombreux autres formes de trafics illégaux.


Source : Pierre-Arnaud Chouvy, "Géopolitique de la production et du trafic
de drogues illicites en Asie", Hérodote, n°109, 2ème trimestre 2003, pp. 169-189.


Enfin l'importance stratégique du Kirghizistan tient de sa situation au coeur de l'Asie centrale, depuis le déclenchement de la guerre en Afghanistan. L'intérêt opérationnel est clair : il s'agit de permettre l'approvisionnement des troupes positionnées en Afghanistan. Les enjeux logistiques dans la conduite de la guerre permettent de montrer que cette dernière ne peut être pensée sans sa dimension spatiale (et ce, à toutes échelles) : le déploiement doit être pensé comme un réseau entre le théâtre d'opérations, son environnement proche et le territoire national. "Schématiquement, ce réseau peut être perçu comme un ensemble de cercles concentriques. Au sein de chacun de ces cercles, chaque base possède une fonction propre et accueille des moyens aériens spécifiques. Le premier cercle correspond aux bases aériennes présentes sur le territoire afghan et au sein des pays en marge du théâtre d’opération (Tadjikistan et Pakistan). Il est au cœur des combats et permet une forte réactivité en disposant d’un temps minimal entre la demande d’un appui aérien et le décollage de chasseurs-bombardiers. Le temps de permanence des patrouilles d’Alert CAS s’en trouve également augmenté. Les bases du premier cercle ont pour fonctions premières la mise en œuvre des chasseurs-bombardiers et la réception de l’approvisionnement. C’est le cas notamment de Manas. Le second cercle comprend les bases apportant des fournitures au premier cercle. Elles servent, de sites de départ pour les avions ravitailleurs opérant en Afghanistan. Quant au troisième cercle, il comprend les infrastructures aéroportuaires d’où partent les principaux flux logistiques alimentant les bases d’Asie centrale. A chaque cercle correspond un ensemble de bases caractérisé par des missions spécifiques" (Mickaël Aubout, 2008, "Le réseau des bases aériennes servant aux opérations en Afghanistan", Air & Space Power Journal, vol. IV, n°3, automne 2008, pp. 73-76). Le premier objectif au déploiement de bases militaires en Asie centrale à proximité du théâtre d'opérations afghan est donc d'assurer le soutien aux opérations qui y sont menées.


Source : Mickaël Aubout, 2008, "Le réseau des bases aériennes servant aux
opérations en Afghanistan", Air & Space Power Journal, vol. IV, n°3, pp. 73-76.



Par sa proximité géographique et par son enclavement (et de fait son fort besoin de nouer des relations diplomatiques), la position du Kirghizistan a été mise en exergue dans les installations de bases militaires états-uniennes en Asie centrale. La base militaire de Manas (analysée en détail dans un mémoire de géographie écrit par Mickaël Aubout, Géographie militaire de la base de Manas (Ganci air base) au Kirghizstan : les interactions entre une base militaire et son environnement, soutenu en 2004 à l'Université Paris-Sorbonne) témoigne de l'importance prise par la position du Kirghizistan dans les relations internationales, et des rivalités de pouvoir entre Etats-Unis et Russie qui se jouent pour obtenir le leadership de la région centrasiatique, par-delà le seul intérêt opérationnel. "S'agissant des bases [aériennes] à l'étranger, leur répartition se fait en adéquation avec des zones stratégiques. L'intérêt d'une base hors du territoire national est multiple. Outre une mise en oeuvre rapide de forces militaires aériennes et terrestres, elle permet à une nation de marquer sa zone d'influence. Aujourd'hui, Washington et Moscou s'opposent en Asie par le biais d'un jeu d'implantation et de retrait de leurs bases aériennes respectives. En 2002, les Américains installaient une base sur l'aéroport de Manas au Kirghizistan ; huit mois plus tard, les Russes s'établissaient à leur tour sur l'aéroport de Kant à cent kilomètres de Manas. Les bases aériennes à l'étranger constituent donc des instruments géopolitiques pour les nations" (Mickaël Aubout, "Géographie des bases aériennes", dans Paul-David Régnier, 2008, Dictionnaire de géographie militaire, CNRS Editions, Paris, pp. 74-79).





Source : Arielle Thédrel, "L'Asie centrale, terrain de rivalités
entre l'Est et l'Ouest", Le Figaro, 29 octobre 2009.


De plus, Isabelle Facon analyse la stabilisation et la sécurisation de l'Asie centrale comme une nécessité pour la coopération stratégique sino-russe. Pour la Russie, il s'agit davantage d'enjeux sécuritaires : "L’Asie centrale s’inscrit naturellement dans la politique russe visant à sécuriser les « frontières extérieures » de la Communauté des États indépendants (CEI), élément perçu comme indissociable de la sécurité nationale russe (la Russie est longtemps restée très impliquée dans la surveillance des frontières de la plupart des républiques d’Asie centrale). Ses quelque 7 000 km de frontières communes avec le Kazakhstan, renommées pour leur grande porosité, la sensibilisent particulièrement au danger de contagion des risques et instabilités centre-asiatiques sur son territoire, déjà particulièrement vulnérable sur son flanc sud (cf. les problèmes de sécurité et les conflits dans le Caucase du nord et du sud). La présence d’une population musulmane relativement nombreuse au sein de la Fédération de Russie amène Moscou à appréhender avec vigilance tout indice d’une montée de forces islamistes radicales en Asie centrale. Enfin, la présence de diasporas russes dans les républiques centre-asiatiques alimente l’intérêt de la Russie pour les conditions de sécurité dans cette région. Plus globalement, la Russie considère l’Asie centrale comme une zone tampon devant protéger son territoire des instabilités du sud (situation en Afghanistan et en Iran, risque conflictuel entre Inde et Pakistan, etc.) mais elle la sait trop fragile, en l’état actuel des choses, pour remplir ce rôle (cf. faiblesse et corruption des appareils étatiques, situations économiques et sociales difficiles…)" (Isabelle Facon, 2008, L'Asie centrale comme enjeu dans le « partenariat stratégique » sino-russe, FRS, coll. Recherches & Documents, n°6/2008, p. 9). Pour la Chine, l'apparition de nouveaux Etats indépendants sur sa frontière est à la fois l'occasion d'opportunités diplomatiques et économiques, et un enjeu sécuritaire.



* Le terme "Kirghizistan" correspond à la toponymie officielle reconnue par la France. Mais d'autres orthographes peuvent être acceptées, tout particulièrement "Kirghizstan", plus proche de la traduction anglaise, et de la prononciation en kirghiz. A noter que certainses chercheurs spécialistes de l'Asie centrale emploient le toponyme "Kirghizstan" (sans le "-i-"). De nombreux médias également. L'orthographe utilisée ici respecte les normes françaises, par souci de neutralité et d'uniformisation du texte. Pour connaître les transcriptions/translittérations des toponymes en français (mais aussi anglais, espagnol ou chinois), voir le site des Nations Unies.



 

Quelques références bibliographiques


Des articles scientifiques pour comprendre le Kirghizistan

- Thomas Huet, 2007, "Mars 2005 au Kirghizistan : « révolution des tulipes » ou alternance violente ?", Cahiers d'Asie centrale, n°15/16, pp. 340-351.

- Aida Aaly Alymbaeva, 2007,  "La question de l'identité au Kirghizistan à travers le clivage Nord-Sud", Cahiers d'Asie centrale, n°15/16, pp. 322-337.

- Patrice Gonon, 2010, "La crise au Kirghizistan : analyse des différentes dimensions spatiales", Diploweb, 18 juin 2010.

- Françoise Rollan, 2007 "Les migrations forcées en Asie centrale post-soviétique 1991-2005", Espace populations sociétés, n°2007/1, pp. 33-45.

- Martin Schuler, 2007, "Migrations Patterns of the Population in Kyrgyzstan", Espace populations sociétés, n°2007/1, pp. 73-89.

- Michel Guillot, 2007, "Mortality in Kyrgyzstan since 1958: Real Patterns and Data Artifacts", Espace populations sociétés, n°2007/1, pp. 113-126.

- Julien Thorez, 2006, "Flux et dynamiques spatiales en Asie centrale. Géographie de la transformation post-soviétique", E.S.O. Travaux et dcumennts, n°24, mars 2006, pp. 65-69.



Des articles scientifiques et des travaux universitaires sur la vallée du Ferghana

- Hélène Rousselot, 2006, "Les enclaves de la vallée de Ferghana : une bataille de cartes", Regard sur l'Est, 5 mars 2006.

- Emmanuel Gonon et Frédéric Lasserre, 2003, "Une critique de la notion de frontières artificielles à travers le cas de l'Asie centrale", Cahiers de géographie du Québec, vol. 47, n°132, décembre 2003, pp. 433-461.

- Olivier Ferrando, 2005, "Du concept de minorité en Asie centrale : l’exemple de la vallée du Ferghana", Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, n°39-40, pp. 73-100.

- Les cartes de l'émission Le Dessous des cartes du 15 novembre 2006 consacrée à la vallée de Ferghana.

- Rapport Environment and Security: Transforming risks into cooperation - Central Asia, Ferghana / Osh / Khujand area, OSCE, 2005, 56 p.

- Vincent Braconnay, La vallée du Ferghana en Asie centrale. Evaluation des politiques de gestion des indépendances post-soviétiques et conditions de santé dans une région transfrontalière, mémoire de master II, sous la direction de Denis Cogneau, septembre 2007, 92 p.



Autres ressources (non disponibles en ligne)

- Daniel Balland, 1997n "Diviser l’indivisible : les frontières introuvables des États centrasiatiques", Hérodote, n°84, pp.77-123.

- Daniel Balland, 2007, "La montée des tensions frontalières en Asie centrale", Revue internationale et stratégique, n°64.

- Daniel Balland (dir.), 2000, Hommes et terres d'islam. Mélanges offerts à Xavier de Planhol, 2 tomes, IFRI, Téhéran (également publié en anglais en 2001).

- Olivier Roy, 1992, "Frontières et ethnies en Asie centrale", Hérodote, n°64, pp. 169-182.

- Olivier Roy, 2001, L’Asie centrale contemporaine, PUF, coll. Que Sais-je ?, Paris (une réédition vient de paraître).

- Julien Thorez, Flux et dynamiques spatiales en Asie centrale – Géographie de la transformation post-soviétique, thèse de doctorat en géographie, sous la direction de Michel Sivignon, soutenue en 2005 à l'Université de Paris X – Nanterre.

- Dossier "Asie centrale", Courrier des pays de l'Est, n°1057, 2006/5.

 

"La guerre de l'eau n'aura pas lieu" (Le Dessous des cartes)


Deux émissions seront prochainement diffusée autour de la question de la "guerre de l'eau" sur Arte dans Le Dessous des cartes : la 1ère le samedi 26 juin 2010 à 17h45 et la 2nde le samedi 3 juillet à 17h45 (avec de nombreuses rediffusions sur la TNT).

Elles feront suite à l'émission de cette semaine consacrée à "La mer à boire" et aux enjeux du dessalement de l'eau de mer pour venir à bout de la pénurie d'eau douce. Voir les cartes de cette émission (diffusée le samedi 19 juin 2010).


Présentation de l'émission :
"Très inégalement repartie sur terre, surexploitée, polluée, l’eau ne cesse d’être au centre des préoccupations et des convoitises des Etats. Le Dessous des Cartes plonge dans les enjeux géopolitiques de l’eau et dans les risques de tension à venir".

samedi 19 juin 2010

"Géopolitiques d'Afghanistan" (Géotratégiques n°27)



Le dernier numéro de la revue Géostratégiques est consacré aux "Géopolitiques d'Afghanistan" (n°27, 2e trimestre 2010). Il s'agit, selon la ligne éditoriale de cette revue (papier et en ligne), d'articles généralement courts (bien que certains articles soient de réels approfondissements, tels celui sur l'échec soviétique en Afghanistan ou celui sur la géopolitique des populations dans ce pays) qui analysent dans un numéro thématique divers aspects de la géopolitique d'un pays ou d'une région. Ainsi, le numéro revient autant sur les enjeux stratégiques et militaires (à noter 2 articles sur la question du renseignement), les problématiques autour du peuplement, l'histoire récente, les réseaux de solidarité internes et transnationaux, les acteurs en jeu (locaux et extérieurs), les relations avec les pays voisins et avec les pays intervenant militairement dans le pays...

A noter que le lien vers l'édito semble, pour l'heure, corrompu, mais le problème sera certainement résolu rapidement.



Sommaire du n°27 :


jeudi 17 juin 2010

Les enjeux de la vallée du Panshir/Panjshir (Afghanistan) : site et situation


Voici un reportage diffusé ce samedi 12 juin 2010 dans l'émission Arte Reportages et consacré à l' "Afghanistan : le chemin de l'école". Ce reportage est consacré à la vallée du Panshir, l'occasion de présenter rapidement les enjeux de cette vallée.






La vallée du Panshir, située au Nord-Est du pays, est célèbre pour le mouvement de résistance contre l'armée soviétique lors de la guerre d'invasion entre 1979 et 1989 (voir une brève chronologie de l'Afghanistan), et surtout pour être la région d'origine du commandant Massoud. Son nom signifie "cinq Lions" en dari (d'où le surnom de Massoud).


Source : Wikipédia


Pendant les années 1980, la vallée du Panshir a été au coeur des combats, dans la mesure où elle constituait un passage primordial pour les troupes soviétiques vers l'Afghanistan. Ce qui montre l'importance du site et de la situation dans la conduite de la guerre. La situation est définie par la position d'un lieu ou d'une zone, tandis que le site correspond aux caractéristiques qu'offre cet emplacement. Les deux permettent de comprendre l'intérêt de certaines zones, par exemple les voies de passage naturelles qui permettent une avancée rapide des troupes. En plein terrain montagneux, les vallées sont des enjeux stratégiques majeurs, puisqu'elles permettent soit l'intrusion dans un territoire (ici, par l'armée soviétique), soit la défense d'un territoire (ici, par les moudjahidin) et de son arrière (ici, une voie d'accès majeure, qui permet aux deux adversaires de s'approvisionner et de faire venir un éventuel renfort). La situation de cette vallée (qui en fait une des principales voies d'accès entre la frontière URSS/Afghanistan et Kaboul) permet de comprendre l'intérêt pour l'Armée rouge (avancer, la mobilité des troupes étant le principal objectif), tout comme celui des moudjahidin (entraver la mobilité des troupes adverses, pour les obliger à stagner au Nord-Est de l'Afghanistan). "Pour les Soviétiques comme pour les moudjahidin, cette vallée constitue un centre névralgique. C'est en particulier une voie de communication essentielle. Via un col à 5 000 mètres d'altitude, elle relie en effet les provinces centrales d'Afghanistan à la région de Chitral au Pakistan, source d'approvisionnement et de reconditionnement des moudjahidin. A son extrémité ouest, elle débouche, à hauteur de Jabal Saraj, sur la route de Salang, à quelques kilomètres seulement du tunnel du même nom. Cette route constitue l'unique axe de ravitaillement du corps expéditionnaire entre Kaboul et l'Union soviétique" (Lieutenants-Colonels Hervé de Courrèges, Pierre-Joseph Givre et Nicolas Le Nen, 2006, Guerre en montagne. Renouveau tactique, Economica, coll. Stratégies & Doctrines, Paris, p. 109).

Néanmoins, la mise en place d'un pont ien entre Moscou et Kaboul en décembre 1979 relativise l'importance de cette vallée, dans la mesure où malgré sa position stratégique majeure, il est important de voir que l'armée soviétique a pu pénétrer en Afghanistan en s'affranchissant des contraintes au sol (200 chars sont ainsi débarqués par voie aérienne  Kaboul le 27 décembre 1979). L'enjeu militaire de la vallée est triple : il est, tout d'abord, logistique, puisqu'elle permet à chaque adversaire d'assurer son ravitaillement (via le Pakistan pour les moudjahidin, et via les territoires frontaliers de l'URSS, sachant que la voie aéeut suffire à tous les besoins). Il est, ensuite, tactique, la région montagneuse aux alentours servant de territoires-refuges pour les movements de résistance à l'invasion soviétique). Il est enfin, stratégique, dans la mesure où l'ambition de l'URSS est de contrôler l'ensemble de l'Afghanistan et de placer à la tête du pays un homme fidèle au pouvoir de Moscou, permettant ainsi de transformer l'Afghanistan en zone-tampon entre l'URSS alliés au bloc occidental, selon la logique d'affrontement par pays interposés de la guerre froide. Tandis que Kaboul constitue pendant la guerre de 1979-1989 un territoire-refuge, les affrontements se font majoritairement dans des zones qui constituent des voies d'accès majeures.

Pour plus d'informations, voir notamment le chapitre "L'opération Panshir V (1982) : la mobilité surclasse les feux" dans l'ouvrage des Lieutenants-Colonels Hervé de Courrèges, Pierre-Jospeh Givre et Nicolas Le Nen : Guerre en montagne. Renouveau stratégique, Economica, coll. Stratégies & Doctrines, Paris, 2006 (nouvelle édition en 2010). Concernant l'opération Panshir VII (1984), voir le reportage "Offensive soviétique en Afghanistan" datant du 9 avril 1984 sur le site de l'INA.

Aux lendemains de la guerre d'invasion, l'Afghanistan plonge dans une guerre civile. Les années 1990 sont particulièrement dures pour la vallée du Panshir, qui se retrouve au coeur des affrontements entre les différents chefs de la résistance contre l'invasion soviétique qui se disputent le pouvoir, dès le départ des troupes soviétiques en Afghanistan. La guerre civile se prolonge jusqu'en 1996, date de la prise du pouvoir par les Taliban. Auparavant, la vallée du Panshir devient le fief du commandant Massoul et de son mouvement, isolés politiquement. Elle va donc devenir le théâtre d'incursions des Taliban cherchant l'affrontement avec les alliés de Massoud, dans le but d'obtenir le pouvoir et le contrôle de l'Afghanistan. Les combats dans cette vallée vont même se poursuivre dans la fin des années 1990 (voir, par exemple, le reportage "Vallée du Panshir en 1998 : combats et scènes rurales" datant du 1er janvier 1998, sur le site de l'INA). Pendant la fin des années 1990, la vallée devient alternativement un espace de combats et un espace refuge, voyant ainsi de nombreux déplacements de populations, parfois fuyant leur habitat, parfois venant d'une autre région pour s'installer dans la vallée du Panshir (voir les reportages "Exode de civils vers le Panshir", et "Vallée du Panjshir : affrontements et exode en 1999", datant du 1er janvier 1999, sur le site de l'INA). Durant les années 1990, la vallée devient alors un haut-lieu de l'affrontement politique (les combats sont liés à l'affrontement politique interne entre les Taliban et leurs opposants "terrés" dans cette région qui constitue leur fief) là où elle était un haut-lieu de l'affrontement militaire dans les années 1980 (c'est-à-dire que les combats y avaient pour objectif premier d'obtenir des avantages taciques, stratégiques et logistiques).

La forte dimension symbolique du personnage de Massoud est également importante pour comprendre cette région. Ainsi, son tombeau est devenu un haut-lieu de l'identité de cette région, et est même devenu un lieu de pélerinage. Ainsi, par le combat du commandant Massoud et de ses partisans, la vallée revêt désormais une forte symbolique. De territoire de combats, elle est devenue territoire-martyr, et le mausolée de Massoud un haut-lieu pour les anciens moudjahidin. La vallée du Panshir est relativement calme à l'heure actuelle, elle est au coeur des enjeux de la reconstruction post-conflit, entre paupérisation des populations, destruction des infrastructures et gestion de l'arrivée de populations des autres régions de l'Afghanistan.



==> Site et situation sont deux concepts qu'il faut prendre en compte dans la conduite de la guerre, puisqu'ils permettent de déterminer des zones stratégiques dans la planification des opérations. Dans les années 1980, la position de la vallée du panshir en fait une voie de passage très avantageuse pour les deux ennemis (troupes soviétiques d'un côté et divers mouvements de résistance à cette invasion de l'autre). Néanmoins, ils ne sont pas suffisants pour expliquer tous les critères de détermination d'une zone stratégique : dans les années 1990, c'est principalement la présence des partisans de Massoud, opposant aux Taliban, qui détermine les combats dans la vallée du Panshir. Dans le même temps, la vallée accueille un flux important de déplacés provenant d'autres régions de l'Afghanistan. Il est nécessaire de rappeler le rôle de territoire-refuge qui a toujours été inhérent à la montagne : la difficulté de ce milieu dans la conduite de la guerre, le manque de visibilité et d'accessibilité notamment, permettent ainsi à des populations civiles comme à des groupes armés de se réfugier dans ces espaces.

"Dans la défensive, le terrain [montagneux] offre plusieurs avantages : une progression de l'ennemi ralentie, un emploi restreint des blindés, le passage prévisible de l'attaquant sur certains axes, des points d'observation en hauteur, un couvert forestier pouvant assurer une protection. [...] Dans le combat offensif, le but est d'attaquer des points dont l'occupation entraîne la désorganisation du système de défense de l'adversaire, le plus souvent situé sur les axes de communication" (Philippe Boulanger, 2006, Géographie militaire, Ellipses, coll. Carrefours Les Dossiers, Paris, pp. 156-158).



Problèmes sur le blog (fin) : retour à la normale !


Voilà le retour des images sur "Géographie de la ville en guerre", et un très gros soulagement ! Cartes, schémas et photographies sont donc revenues en lieu et place. Si jamais vous voyiez un problème sur un billet, n'hésitez pas à le signaler en commentaires (dans le billet en question, ou dans celui-ci en précisant de quel billet il s'agit !).

La publication de billets va donc pouvoir reprendre normalement...


Et un grand merci à Charles Bwele, du blog Electrosphère, pour ses précieux conseils, sa patience et son soutien !





Problèmes sur le blog (suite)


Les problèmes sur le blog se poursuivent, et les images ne reviennent pas ! Finalement, le problème est bien plus grave qu'il ne paraissait à priori, puisque la fonction "Image" est totalement bloquée... Aucun moyen donc de réinsérer manuellement les images dans le blog. Il est possible que le blog soit transféré sur une autre adresse les prochains jours, en espérant ne pas devoir en venir à cette extrémité (qui imposerait de remettre en ligne tous les messages, puisque ceux-ci ne sont plus accessibles qu'en partie...).
 
Avec toutes mes excuses (et mes espoirs pour que tout revienne en ordre !).

lundi 14 juin 2010

Problèmes sur le blog


Vous l'avez peut-être constaté, depuis quelques jours, toutes les images ont disparu du blog (photos et cartes principalement). Toutes ces figures étant un outil précieux pour l'analyse en géographie, souvent partie intégrante des billets (et non, seulement en complément), j'essaie par diverses manipulations de retrouver ces 1 an 1/2 d'images. Le blog risque donc d'être pénalisé de nombreux changements de mise en page ces prochains temps (en espérant que cela ne dure pas trop longtemps). J'espère vous faire retrouver rapidement l'accès à toutes ces images (en espérant qu'il ne s'agisse pas de les réinsérer manuellement chacune d'entre elles) !


 

mercredi 9 juin 2010

La ségrégation urbaine en Afrique du Sud


Le déroulement de la Coupe du monde de football 2010 en Afrique du Sud fait couler beaucoup d'encre. L'occasion de revenir sur un des grands "classiques" de la géographie urbaine, et sur la question de la ségrégation urbaine en Afrique du Sud. La question de la fin de l'apartheid, comme forme instutionnalisée de la ségrégation, permet de comprendre les logiques spatiales qui sont à l'oeuvre dans la société sud-africaine d'aujourd'hui. Quelques éléments de réflexion, et surtout des liens vers les travaux des géographes, qui sont nombreux à s'intéresser à la question de la ségrégation urbaine en Afrique du Sud, notamment concernant les villes de Johannesburg, Le Cap et Durban.


La notion de distance dans la ville :
éloigner "l'Autre", éloigner le danger

Politiques de la ville et ségrégations en Afrique du Sud


Les locations
Les "locations" sont les espaces non-blancs de la ville ségréguée du début du XXe siècle. Si l'institutionnalisation de la ségrégation n'est pas encore effectif, les principes urbanistiques reposent d'ores et déjà sur l'exclusion du "sauvage", le besoin d'hygiène et de propreté étant des arguments proposés par les blancs pour maintenir "l'Autre" à distance. Les locations se trouvent à proximité des centres-villes, et regroupent toutes les communautés non-blanches sans distinction particulière.

Les townships
Les "townships" sont des lotissements publics réservés aux non-Blancs. Cette forme urbaine est indissociable des politiques de contrôle des populations noires sous l'apartheid. Elle reflète l'idéologie qui définissait les Africains comme ruraux (main-d'œuvre temporaire en ville). Il devient même un outil de construction identitaire.

Avec la fin de l'apartheid, la ségrégation n'est plus officialisée par des lois. Néanmoins, les terrains bon marché se trouvant éloignés des centres-villes, il se produit une homogénéisation sociale : les populations pauvres se trouvent toujours ségréguées dans les anciens townships (faute de pouvoir accéder au marché du logement), tandis que les populations riches préfèrent se regrouper dans des quartiers cloisonnés (les "gated communities").


 

La notion d'enclave :
s'enfermer et se protéger

Ségrégations et post-apartheid

Héritages de l'apartheid
La fin de l'apartheid a provoqué l'écatement des structures urbaines. Le contexte post-apartheid est marqué par une grave crise du logement, une crise de l'emploi, et des problèmes de violences urbaines.

Une ségrégation sociale croissante
Les anciens townships sont des terrains bon marché, mais très éloignés des centres-villes. Ils ont été construits en tant que logements sociaux en périphérie des villes, à proximité des bassins d'emploi industriel où étaient employés les populations non-blanches (noires et indiennes) sous l'apartheid. Le manque d'accessibilité à l'éducation pendant des années a marqué ces populations bien après l'apartheid, mais aussi leurs enfants, les townships se présentant comme des enclaves urbaines éloignées en termes d'accesibilité (les moyens de transports n'avaient été pensés que pour relier les townships aux bassins d'emploi, les coupant d'autant plus de la ville-centre). La ségrégation sociale et ethnique restent et se renforcent toutes deux. La fin de l'apartheid en tant que loi instituant la ségrégation comme norme sociétale n'a pas empêché la ségrégation spatiale de se renforcer, dans la mesure où des décennies de cet agencement spatial ne peuvent être effacé du jour au lendemain. Les populations pauvres (encore essentiellement non-blanches) ne peuvent pas s'extirper des quartiers paupérisés et enclavés, si ce n'est pas des constructions illégales d'habitat, qui renforcent le sentiment d'insécurité pour les populations de classes moyennes et aisées.

Un nouvel apartheid ? La ségrégation choisie
Le succès des "gated communities" constitue la réponse des classes moyennes et supérieures (encore essentiellement blanches), à la violence des grandes villes sud-africaines. Cet agencement spatial est autant le fruit de réalités (la violence des villes sud-africaines est avérée) que de représentations (mais cette violence concerne davantage les quartiers populaires, alors même que les murs de séparation se construisent comme réponse à cette violence dans les quartiers des classes moyennes et aisées). Cette ségrégation choisie renforce les disparités et l'éloignement des populations selon leur appartenance sociale. En ce sens, la ségrégation spatiale est renforcée par la différenciation sociale, mais également par la peur de "l'Autre" qui continue de caractériser les sociétés urbaines sud-africaines.

 
La ville post-apartheid ou la ville du
"deracialized apartheid"

La ville post-apartheid prend des formes différentes à Johannesburg, Durban, Le Cap... L'uniformité du modèle de la ségrégation puis de l'apartheid a longtemps été imposée artificiellement à ces villes. Chacune de ces villes ont réagi différemment à la fin du règne de l'aménagement politique, aujourd'hui remplacé par la loi du marché. Là où existait un modèle urbain qui s'imposait dans toutes les villes, les enjeux sont différents d'une ville à l'autre, même si fondamentalement il s'agit partout de réduire les différents problèmes induits par la pauvreté, principalement aux périphéries des villes, dans les quartiers qui constituaient les townships, et qui restent toujours des "enclaves" urbaines.

Par exemple, à Durban, la question de la prolifération de l'habitat informel se pose de manière accrue. Voir les travaux d'Hélène Mainet-Valleix.

A Johannesburg, c'est davantage le proème des squatters et de l'unité de la métropole (difficultés pour unifier des éléments aussi différents que les riches banlieues blanches, les célèbres townships de Soweto, les zones industrielles et minières qui coupent la ville en deux... Voir la carte ci-dessous) qui se pose comme problématique majeure, mais aussi le dépeuplement du centre-ville, la criminalité, la formation de ghettos sur les marges du centre-ville. Voir les travaux de Philippe Gervais-Lambony et de Philippe Guillaume.

Au Cap, la population métisse est majoritaire. Le Cap est la ville-mère ("Mother City") des premiers colons. Le parti politique responsable de l'apartheid est resté en place à la fin de celui-ci. La ville est caractérisée par l'importance du gangstérisme, la désagrégation du tissu social, l'ampleur de la criminalité et des violences quotidiennes, ainsi que le développement d'une économie informelle. Voir les travaux de Myriam Houssay-Holzschuch.

Le futur de la ville post-apartheid semble plutôt être celui de l'apartheid "déracialisé" (deracialized apartheid). La ségrégation spatiale va continuer de marquer les formes urbaines, mais seulement sur des critères sociaux (qui, malgré tout, vont encore recouper longtemps les critères raciaux). La morphologie urbaine ne sera pas fondamentalement modifiée (les anciens townships forment des terrains bon marché très éloignés des centres-villes et des centres industriels ; les municipalités tendent à construire – pour pallier à la crise du logement et à l'exode rural – des logements sociaux en périphérie des villes, à proximité des townships, donc tout autant éloignés des centres économiques).

Malgré tout, les zones résidentielles périphériques sont en cours d'amélioration (installation de l'électricité, réforme des transports publics en cours).


L'espace bâti à Johannesburg.
Philippe Gervais-Lambony, 2003, Territoires citadins. Quatre villes africaines,
Paris, Belin, coll.Mappemonde.


L'espace habité à Durban.
Hélène Mainet-Valleix, 2002, Durban. Les Indiens, leurs territoires, leur identité,
Paris, Karthala.



A lire sur des blogs :


Quelques articles en ligne :


Des émissions de radio :


Des ouvrages sur l'Afrique du Sud :
  • Myriam Houssay-Holzchuch, 2000, Mythologies territoriales en Afrique du Sud, Paris, CNRS Editions, coll. Espaces & Milieux, 104 p.
  • Philippe Gervais-Lambony, Frédéric Landy et Sophie Oldfields (dir.), 2003, Espaces arc-en-ciel. Identités et territoires en Afrique du Sud et en Inde, Paris, Karthala, 369 p.
  • Philippe Guillaume, 2001, Johannesburg. Géographies de l'exclusion, Paris, Karthala, 391 p.
  • Myriam Houssay-Holzschuch, 2000, Le Cap, ville sud-africaine. Ville blanche, vies noires, Paris, L'Harmattan, coll. Géographie et cultures, 276 p.
  • Hélène Mainet-Valleix, 2002, Durban. Les Indiens, leurs territoires, leur identité, Paris, Karthala, coll. Hommes et sociétés, 269 p.